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Survie de la Côte d’Ivoire : Une nécessaire politique agricole s’impose #Pluie


L'absence de véritable politique agricole amène les paysans à planter à tout bout de champ des cultures de rente.

En dehors d’une véritable politique agricole,  les paysans  s’orientent tous vers des cultures de rente.

CIV-lepointsur.com (Abidjan, le 15-6-2016) Il était temps. Dans les Evangiles, j’aime bien la parabole des cinq talents. Car j’en garde un souvenir impérissable. La 1ere fois que j’ai travaillé sur ce texte biblique en classe de 6ème, je me suis radicalement insurgé contre l’injustice flagrante de Dieu. Voici que lui, l’Etre Suprême distribue de façon inégale les talents aux hommes.

Il s’en est fallu de peu que le prêtre ne me giflât. Je l’aurais peut-être bien mérité. Quelle irrévérence ! Mais depuis lors, j’ai compris que la parabole voulait simplement dire que les hommes ont le devoir de fructifier les dons que Dieu leur donne et cela, tous les hommes sans exception. On dira même que l’homme se définit par cette capacité de dépassement de soi. « Non sum, sursum » (je ne suis pas, je suis plus).

Aujourd’hui, malgré les voyants au « vert » comme disent des experts financiers, je reste sceptique sur l’avenir de l’Afrique et de la Côte d’Ivoire singulièrement. Notre pays semble devoir sa simple existence à la seule volonté du Bon Dieu. Il aura suffi d’une baisse hydrographique en 2014-2015 pour que nous soyons au bord de la famine. Depuis quatre décennies au moins les spécialistes n’ont pas arrêté d’alarmer contre la déforestation du pays et ses conséquences inéluctables.

Aucune oreille politique n’a véritablement écouté ces cris de la raison plus que du cœur. Aujourd’hui, tout le monde s’étonne que les pluies se fassent de moins en moins abondantes et les cultures de plus en plus maigres. Si tant est que la pluie soit un don du ciel, ils nous auront longtemps prévenus qu’il en donnerait de moins en moins aux Ivoiriens qui refusent d’apprécier les bienfaits de la forêt.

Mais alors, pourquoi les planificateurs de l’agriculture ne prévoient-ils pas les solutions de substitution à ce malheureux phénomène ? Nous en sommes encore à nous en remettre au ciel pour nous nourrir. Sauf inattention impardonnable, on n’a encore rien entendu du côté du ministre en charge de l’Agriculture faisant une approche technique du problème. Les administrateurs parlent en juin 2016 de mécaniser l’agriculture ivoirienne.

Ce discours depuis trois décennies se dit et se répète, mais rien ne se voit concrètement sur le terrain. Pour mécaniser l’agriculture, ne faut-il pas d’abord inculquer une culture de la machine aux paysans qui auront à s’en servir ? L’a-t-on fait ? Très peu à notre connaissance, si tant est que cela a été fait. Conclusion, la mécanisation de l’agriculture qui est en soi une bonne idée ne se réalisera pas avant une trentaine d’années et à condition que l’on s’y mette sérieusement dès maintenant. Car n’oublions pas que toutes nos écoles d’agriculture et toutes nos expériences pastorales structurées ont été consciencieusement anéanties.

Rien que cela, interpellent les décideurs sur les urgences. Sans être un expert, la richesse cacaoyère elle-même peut déjà se conjuguer au passé. Car les piliers de cette culture se raréfient dangereusement. Elle est donc appelée à une décroissance évidente, sauf pour les rêveurs. On sait plus ou moins que le cacao a besoin pour être rentable, de forêt, d’eau, et d’une main d’œuvre bon marché. Ce temps historique est révolu, jugeons-en. Que font à ce jour nos spécialistes et autres administrateurs de l’agriculture ?

Des colloques, des symposiums et autres voyages à travers le monde. Qu’y gagne la Côte d’Ivoire ? Nous voici aujourd’hui les yeux tournés vers Dieu, attendant tout de Lui. Nos talents qu’en faisons-nous ? L’agriculture ne peut faire l’économie de l’édification d’une vraie politique prospective. Les signaux sont là, il appartient aux Ivoiriens de se prendre en charge pour libérer le Bienfaiteur Universel. Trop de choses nous échappent par inconscience totale. Partout où existe encore un peu de terre, on y a planté de l’hévéa.

C’est effectivement une culture de rente pour les paysans. Mais comment saigneront-ils les troncs d’hévéa, s’ils ne mangent pas d’attiéké ou de foutou, nourritures de base emblématiques des Ivoiriens à toutes les échelles sociales ? Les paysans vivant dans un monde de marché cherchent naturellement des sources de revenus, mais il appartient aux administrateurs d’orienter, de planifier, de conseiller les politiques agricoles pour que le pays tiennent debout par lui-même en sachant reproduire ses rapports de production ne serait-ce.

Les techniques existent, des modes existent, pour que la Côte d’Ivoire affranchisse son agriculture de la dépendance exclusive des pluies que nous avons par ailleurs nous-mêmes contribué à réduire. Notre pays ne bénéficie certes pas de contreforts montagneux naturels (Fouta-Djalon) pour connaître les fortes précipitations tropicales comme on en voit encore en Guinée, mais notre pluviométrie était tout de même respectable. Sa baisse ne saurait justifier la mort de la Côte d’Ivoire en plein XXIe siècle.

La mise en place d’une politique agricole conséquente doit se faire dès maintenant en mode d’urgence. La documentation qui la permettrait n’est pas de ce qui manque actuellement au ministère de l’Agriculture. Je dirai même qu’elle y est surabondante. Mais encore, faut-t-il que les gens payés pour ce travail, catalysés par une raison pratique, se mettent en devoir de la lire utilement. Sinon, les talents de Dieu, bien thésaurisés lui seront rendus intacts sans plus-value. En attendant, vive la pluie ! Car il était temps.

Fernandez S. JLouis

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