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[Société] Selon la journaliste Claude SARRAUTE (90 ans bientôt), pour vivre longtemps, il faut beaucoup faire l’amour


Abidjan,  14-06-2022 (lepointsur.comManger, prendre l’apéritif, s’intéresser à l’actualité: telle est la prescription «grand âge» de Claude Sarraute qui, à 90 ans, n’a rien perdu de son franc-parler.

Elle a tout prévu, Claude Sarraute: quand elle ne sera plus que douleurs et perte d’autonomie, elle tirera sa révérence. La journaliste — chroniqueuse au journal Le Monde pendant trente ans, puis dans les Grosses Têtes avec Philippe Bouvard, avant d’intégrer la bande de Laurent Ruquier — chérit tant son indépendance qu’elle s’est organisée en conséquence.

« Pour vivre longtemps, il faut beaucoup faire l’amour. »

En effet, elle a pris des dispositions «radicales» anticipées. Seulement, voilà: à 90 ans (le 24 juillet exactement), elle découvre que, sous son apparence de vieille dame fragile et menue, elle tient à la vie.

C’est d’ailleurs avec autant d’humour et légèreté qu’elle nous fait découvrir son parcours dans le grand âge et relate ce qui la rattache au plaisir de vivre, surtout avec les six attitudes qui font rimer vieillesse et goût de vivre. Car, pour vivre longtemps, il faut beaucoup faire l’amour.

  1. Rire de ses fragilités

« Je n’ai plus de tête. J’oublie tout. Je ne retiens ni les dates, ni les faits, ni les visages. Alors, j’ai décidé d’appeler tout le monde « mon chat, mon bébé, ma petite fille, mon grand garçon. » Du coup, cela me rend sympathique auprès de tout le monde. Pour le reste, je ne cherche pas à faire semblant. Si je suis prise en flagrant délit de m’être emmêlé les pinceaux et d’avoir confondu deux villes, par exemple, je dis : « Moi, tu sais, Londres, Rome, j’y suis allée si souvent que je confonds ! » Je n’ai pas honte non plus de parler d’incontinence, cela fait partie de la vie, ou de la difficulté à trouver la bonne colle pour fixer ses fausses dents. La dernière fois que j’en ai parlé à la télé, j’ai reçu un énorme courrier. Des tas de personnes voulaient connaître la marque de cette colle. Vous voyez, quand vous n’êtes pas dans le tabou et que vous osez parler des sujets qui font peur, vous vous faites plein d’amis. »

  1. Demander de l’aide

«Vieillir, ça peut être dur. Moi, je souffre d’arthrose dans le dos, dans les genoux. Certains jours, j’ai mal partout, c’est affreux. Je marche avec difficulté, car j’ai des problèmes d’équilibre. Mais j’en ai pris mon parti. Je demande de l’aide. «Merci Monsieur, vous êtes gentil.» «Merci, Mademoiselle, vous êtes adorable.» C’est convivial, ça met du liant. Et, de ce côté-là, plus ça va, plus c’est important le rapport aux autres, l’ouverture aux autres. Les passants, je les arrête de plus en plus souvent. Il y a seulement vingt ans, je n’aurais jamais osé croiser une jolie jeune femme et lui dire : «Tourne-toi un peu que je voie ton profil. Ravissant. Et, alors, ta silhouette, un rêve.» Le plaisir que j’ai à dire tout haut ce que je pense tout bas. Comme je le fais en me marrant, les gens le prennent bien en général.»

  1. Arrêter les régimes

« J’ai combattu toute ma vie les bourrelets. Je me suis affamée, j’ai pris des diurétiques et des coupe-faim. Et puis, un beau matin, celui de mes soixante-dix-sept ans, je me suis dit : «Arrête tes conneries. Tu n’es plus mince, tu es maigre, tu te recroquevilles, tu te rabougris, tu parais ton âge, sinon plus. Il serait temps de lâcher un peu la rampe et de profiter de la vie.» Je me suis obéi et ça a été génial. Je bouffais tout ce que je voulais, je buvais comme un trou. Vin et champagne à volonté, midi et soir. Apéro en fin de journée, trois petits verres de whisky ou de rhum avant le coucher. J’ai grossi, mais je suis entrée en flottant dans le grand âge, celui où on maigrit sans le vouloir, où on se ratatine. C’est la nature qui veut ça, paraît-il. Si on m’obligeait à ne boire que de l’eau et des sodas, eh bien, je m’y résignerais à la mort.»

  1. Arrêter de s’obliger à faire du sport

« Quoiqu’on s’escrime, il arrive un moment où la machine ne répond plus. Pour que le corps ait l’air sculpté et bien entretenu, il faut faire de plus en plus de sport. J’en ai fait beaucoup, dans un club de fitness, plus tard seule à la maison avec des haltères et des chevillières lestées de plomb. A 78 ans, je me suis dit: «Stop. Trop fatiguant, trop contraignant, trop chiant. Et j’ai décidé de limiter mes exercices physiques à 30 minutes de marche par jour, sauf les jours de pluie.»

  1. Se souvenir du plaisir de l’amour physique

« Pour vivre longtemps, il faut beaucoup faire l’amour. A quarante-sept ans, j’ai rencontré l’amant idéal: Hans, un Allemand, un virtuose. Il préparait nos nuits d’amour comme un festin. D’abord, il me ferait ceci, puis cela. Pendant des années, on a passé le 31 décembre ensemble, à entrer dans la nouvelle année en jouissant ensemble. Ça s’est arrêté quand il est mort, il y a dix ans. Il m’arrive encore de faire des rêves mouillés. C’est génial, cette mémoire du corps qui se souvient de l’orgasme et est capable de le restituer

  1. Penser à ceux qui ont aimé la vie jusqu’au bout

« Je suis épatée par la pulsion de vie. Celle qu’on ressent chez un bébé quand on lui présente un doigt à téter et qu’il y met toute son énergie. Celle qu’on ressent chez ceux qui vont mourir à regret. Je me souviens du regard de rage de ma mère (l’écrivaine Nathalie Sarraute) qui, à 99 ans, ne voulait pas partir. Elle venait de publier un grand livre et elle avait d’autres projets. Je me souviens de Revel (son mari, le philosophe Jean-François Revel) qui, sur son lit de souffrance à l’hôpital marmonnait des borborygmes. «Quoi, mon chéri? Je ne te comprends pas» et qui réclamait un Bloody Martini. Hans aussi est mort après avoir partagé avec moi une dernière vodka. Cette pulsion de vie, je la ressens aussi aujourd’hui.»

Médard KOFFI avec Generations-plus.ch

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