Actualite, Contribution, Editorial

Sachons inventer l’éthique minimale de notre temps ! (Par Pascal Roy)


Il y a énormément de questions qui nous prennent à la gorge avec d’autant plus d’acuité que dans nos sociétés plurielles, les valeurs sont parfois divergentes. L’éthique, parce qu’elle pose les principes et met à plat les argumentations, apparaît dès lors comme une précieuse boussole pour dépasser les affects et construire des visions partagées d’un monde commun. Sachons inventer l’éthique minimale de notre temps !

Pascal Roy

À lire la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui, j’éprouve une grande joie nuancée d’un peu de mélancolie ; car lorsqu’on revient à de longs intervalles, on mesure soudain ce que l’insensible fuite des jours a ôté de nous pour le donner au passé. « Le temps nous avait dérobés à nous-mêmes, parcelle à parcelle, et tout à coup c’est un gros bloc de notre vie que nous voyons loin de nous », disait Jaurès en 1903.

Mais qu’importe ! Je prie celles et ceux qui me lisent de juger les hommes avec bienveillance, c’est-à-dire avec équité, d’être attentifs, dans les consciences les plus médiocres et les existences les plus dénuées, aux traits de lumière, aux fugitives étincelles de beauté morale par où se révèle la vocation de grandeur de la nature humaine. Je les prie d’interpréter avec indulgence le tâtonnant effort de l’humanité incertaine.

Le plus important, à mes yeux, si l’on veut acquérir la réconciliation active et nette, c’est de le faire sans rompre le climat actuel de paix. Car nous avons consenti à beaucoup de sacrifices qui rendraient la guerre plus périlleuse et plus difficile qu’elle ne l’eût été alors. Pourquoi ? Évidemment parce que nous aimons à jouir des douceurs de la paix, et que nous y trouvons plus d’avantages qu’à engager sur ces questions des luttes et des querelles rendues inessentielles par le temps.

Évitons toute naïveté et le comble de la folie d’aller maintenant provoquer tous un fantôme delphique. Je préfère parier sur la confiance. Cette confiance n’est ni sotte, ni aveugle, ni frivole. Elle n’ignore pas les vices, les crimes, les erreurs, les préjugés, les égoïsmes de tous ordres, égoïsme des individus, égoïsme des castes, égoïsme des partis politiques, égoïsme des classes, qui appesantissent la marche de l’homme, et absorbent souvent le cours du fleuve en un tourbillon trouble et sanglant.

Elle sait que les forces de sagesse, de lumière, de justice, ne peuvent se passer du secours du temps. Oui la confiance en la République. Accepter de nouer la confiance républicaine, c’est proclamer que des millions d’hommes et de femmes sauront retracer eux-mêmes la règle commune de leur action ; qu’ils sauront réconcilier la liberté et la loi, le mouvement et l’ordre ; qu’ils sauront se combattre politiquement sans se déchirer ; que leurs divisions idéologiques n’iront pas jusqu’à une fureur chronique de guerre civile.

Cette confiance exige du courage. Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire avec la manière; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui pourrait passer, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques.

Le courage, c’est de comprendre sa propre vie, de la repréciser, de l’approfondir, de l’établir et de la coordonner cependant à la vie générale. Le courage, c’est de dominer ses propres fautes, d’en souffrir mais de n’en pas être accablé et de continuer son chemin, le chemin, notre chemin, celui de la nation.

En espérant une météo politique de plus en plus clémente, soyons des éminents raisonnables et féconds en intelligence !

Pascal R.
www.docteurpascalroy.com

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