Royal très stricte dans son ministère/ Un patron peut imposer à peu près ce qu’il veut
Le plus. Ségolène Royal dément, « Le Point » persiste. La ministre a-t-elle décidé d’interdire les décolletés au sein de son ministère ? Ses collaborateurs seraient également interdits de cigarette dans le jardin en sa présence et obligés de se lever quand elle entre dans une pièce. Plus largement, qu’a-t-on le droit d’imposer à ses employés ? Réponse avec l’avocat du travail Éric Rocheblave.
Les prétendues exigences de conduite de Ségolène Royal dans son ministère posent une question plus large : que peut imposer un employeur à ses employés ?
A priori, il peut imposer à peu près tout ce qu’il veut, sous le contrôle a posteriori des juges, qui évalueront si les mesures sont nécessaires et proportionnées dans la poursuite des intérêts de l’entreprise.
Interdire les décolletés : c’est déjà arrivé
Un employeur peut reprocher à une salariée son décolleté. C’est déjà arrivé et deux jurisprudences s’accordent sur ce point. Elles concernent le milieu de la restauration et dans les deux cas, l’employée a été prévenue avant d’être, pour l’une, victime d’un « avertissement« , pour l’autre, licenciée pour faute grave. Elles avaient toutes deux enfreint une prescription de leur employeur.
Dans les deux cas, le juge a considéré que l’employeur était dans son droit mais il n’a pas accepté le licenciement pour faute grave, estimant que la faute était simple.
Il est un autre point que le juge appréciera et que l’employeur devra argumenter : à partir de quel moment est-ce un décolleté ? Dans les jurisprudences citées, les décolletés étaient qualifiés de « plongeants« . À l’employeur d’indiquer une limite…
Il ne me paraît donc pas choquant qu’un employeur interdise les décolletés dans un règlement intérieur, s’il peut argumenter en cas de contentieux. Il est évident qu’un employeur aura plus de mal à la justifier dans un bar à hôtesses que dans un restaurant trois étoiles…
Plus largement, les patrons peuvent imposer à leur salarié le respect d’une certaine tenue vestimentaire pour des raisons d’hygiène, de sécurité ou même d’image de l’entreprise.
Interdire de fumer : c’est incontestable
Sur ce point, la loi est claire : on ne fume pas dans les lieux publics. Il semblerait que Ségolène Royal interdise aux employés du ministère de fumer dans la cour ou dans le jardin du ministère en sa présence. Ce sont des lieux publics, elle aurait même le droit de leur interdire de fumer, tout simplement.
Plus étonnant, un employeur pourrait également interdire à ses employés de fumer devant l’entreprise, sur le trottoir.
Comme pour les exigences vestimentaires, le juge appréciera a posteri si la mesure était justifiée, mais l’employeur pourra invoquer de multiples raisons.
D’une part, il peut considérer que les attroupements de fumeurs dans la rue nuisent à l’image de son entreprise. D’autre part, accorder une pause-cigarette, c’est une tolérance, car dans le droit du travail, les pauses sont strictement encadrées. Et enfin, l’employeur a une obligation de résultat sur la sécurité de ses employés. Il peut donc considérer qu’il n’est pas normal d’autoriser la cigarette lorsqu’on doit protéger la santé de ses salariés.
Exiger que ses employés se lèvent : plus étonnant, mais…
Cette mesure me paraît plus étonnante, mais pas absurde. Il est un contentieux très classique en droit du travail, sur : doit-on saluer son employeur ? Des salariés ont déjà été licenciés pour ce motif.
On pourrait alors imaginer qu’un employeur puisse imposer à ses subordonnés de se lever. Ça existe à l’école et dans les palais de Justice… La coutume veut que les avocats se lèvent quand les magistrats font leur entrée.
Reste à savoir ce que le juge pourrait apprécier, car le cas ne s’est jamais présenté… Il en va de même pour le silence imposé dans le couloir. Mais dans un ministère, il ne me paraît pas choquant que les collaborateurs soient soumis à des comportements particuliers. Ce n’est pas un bar de plage.
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