Reportage/ Ex-Ran en zone 4C : 41 maisons rasées, plus de mille personnes sans abris (Actualisé)
– – De futurs Présidents, ministres, DG à la rue…
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Il est environ 14 heures passées de quelques minutes, ce samedi 20 avril 2014, veille de la fête de Pâques ; notre équipe de reportage se rend à la rue Paul Langevin à Marcory Zone4C à Abidjan, précisément au PK16 où si vous voulez, à l’ex-cité RAN.
A notre descente du véhicule, les propos tenus, la veille vendredi 19 avril, par le président des résidents des cités du chemin de fer du Plateau et du PK 16, Guéï Gontrand sont sans équivoques. Le constat est désolant. Les habitants de 41 maisons soit « 1.200 personnes » sont sans toit depuis, le vendredi 11 avril 2014. Tout a été détruit par “deux bulldozers« , selon les populations. Certains sont couchés sur des matelas sous une bâche dressée de l’autre côté de la voie en face des ruines. D’autres suivent juste des émissions télé. Il y en a qui sont entre les décombres des maisons à la recherche de certains documents. Plus d’une semaine après, c’est avec la voix tremblotante que le chef du quartier rendu en amas de graviers, Agbi Kokoi Albert se prête à notre préoccupation. Non sans préciser ce qui suit : « je ne vais rentrer dans certains détails, mais je ne vous ferai que le point de ce que nous avons vécu. » Sur cette base, il raconte : « le jeudi 10 avril, tôt le matin aux environs de 5 heures, nous avons reçu la visite des loubards et de la gendarmerie. Ils nous ont dit de sortir parce qu’ils détiennent selon eux, une sommation de déguerpissement. En réponse nous leur avons dit que nous n’avons reçu aucun papier dans ce sens. Dans les échanges, ils ont affirmé qu’ils ne sont pas venus pour discuter avec qui que ce soit et qu’ils venus pour nous déguerpir. C’est comme ça que nous sommes rentrés en contact avec certains de nos responsables et nous nous sommes rendus au commandement supérieur de la gendarmerie pour savoir si c’est eux qui ont commis des gendarmes pour nous déguerpir. A la gendarmerie, l’autorité que nous avons rencontré nous a indiqué qu’il allait nous recevoir, le lendemain (Ndlr : vendredi 11 avril 2014) pour mieux débattre du problème. Au moment où nous nous y attendons le moindre, le lendemain vendredi, le même groupe arrive à la même heure. Les gendarmes bouclent les périmètres du quartier. Dans un tel contexte personne ne pouvait prendre un bagage de cinq à dix kilos. C’est dans les décombres que les habitants ont cherché leurs affaires. Y’a-t-il eu des blessés ? Oui, il y a eu des blessés. Moi-même j’ai été victime de la bastonnade des gendarmes puis ensuite, ils m’ont jeté dans leur véhicule. »
Pillage et vols
L’une des victimes, un étudiant de la 2ème année de Droit à l’Université Félix Houphouët-Boigny de Cocody qui a requis l’anonymat affirme avoir été dépossédé de ses biens par les loubards. « Mon ordinateur portable qui contient mes recherches que je tentais de sauver m’a été arraché par les loubards. Des femmes et des hommes ont vu leurs sacs à main et portefeuilles arrachés. Des postes téléviseurs et bien d’autres matériels ont été emportés dans des taxis sous les yeux gendarmes, » a soutenu notre interlocuteur. Partout dans les allés des habitations d’en face, les bagages des infortunés. Matelas, nattes, lits et placards démontés par-ci, des ustensiles de cuisines par-là. La cuisine se fait en pleine rue. Difficile d’expliquer de la manière dont ils prennent leur bain. « C’est à tour de rôle que les voisins nous permettent d’utiliser leurs toilettes », affirme une victime.
Les habitants dans l’attente de la vérité sur la destruction de leur maison
En attendant d’avoir une idée nette de ce « malheur », c’est sous une bâche de fortune que certains jeunes et adultes passent le jour et la nuit. D’autres ont été accueillis dans des familles, les enfants dont la plupart sont scolarisés sont à l’église « Maison de la Bible ». C’est là-bas qu’ils ont trouvé refuge en attendant les démarches entreprises par les parents.
Des menaces de morts proférées à l’endroit de certaines personnes
Des personnes comme Kassi Richard, l’Abbé et bien d’autres sont menacés de morts selon le chef du quartier. Lui par contre, est menacé d’incarcération s’il « n’arrête » pas les démarches. C’est la peur au ventre que nous sommes ici.
La présidente des femmes très remontée
Si le chef du quartier est resté sans dire mot sur certain aspect de cette casse des habitations, la présidente des femmes, Mme Gayé Jeanne D’Arc a crevé l’abcès. « Le libanais (Ndlr : Fouad Omaïs) a dit que c’est la SOPIE qui lui a vendu le terrain en 2010, pourtant nous sommes ici depuis 1956. Nous nous sommes rendus à la SOGEPIE, une fois sur place les responsables nous ont dit qu’ils ne sont même pas au courant d’une telle opération. Ils sont aller plus loin pour nous faire des démonstrations sur le net en nous affirmant que ce dernier est en procès le 19 avril 2014. Cela nous met en confiance.
Les gendarmes avaient une fiche que nous n’avons pas pu lire disant que c’est Hamed Bakayoko qui l’a signé. Nous demandons pardon au ministre Hamed Bakayoko. Si c’est vraiment lui qui a signé ce papier qu’il fasse quelque chose pour nous. Je me suis rendu dans la cour de la RTI en pleurant, la main sur la tête afin que les journalistes viennent filmer ce qui ce passait, nous y sommes restés jusqu’à 8 heures personne n’est venu. De la RTI, nous nous sommes rendus au commandement supérieur de la gendarmerie, la aussi c’était le statut quo. Ils nous ont même dit que les décisions viennent « de la haut ». Nous aussi, nous sommes des citoyens ivoiriens. Nous voulons que justice soit rendue. Le Président Alassane ne peut pas dire un « un Ivoirien, un toit », et puis nous qui avons des toits ont va nous jeter à la rue. » C’est sur cette note emprunte d’espoir pour cette famille jetée à la rue que nous avons quitté les lieux.
Sériba Koné
De futurs Présidents, ministres, DG à la rue…
Depuis le vendredi 11 avril 2014, les habitations de la cité RAN de Marcory appelée PK16 n’existe que de nom. Un opérateur économique ivoiro-libanais, Fouad Omaïs a décidé de raser ce quartier pour des besoins personnels. Du coup, tous les enfants de la maternelle à l’Université en passant par le secondaire ne peuvent plus allés à l’école. Ceux qui sont appelés généralement par les politiques « l’avenir de demain », gonflent déjà la rue de la capitale économique. La Société Générale du Patrimoine Immobilier (SOGEPIE) sur lequel s’appuie l’opérateur économique, Fouad Omaïs a décliné toute responsabilité sur la vente de la cité RAN sis à Marcory zone4c. En effet, quand la société RAN est tombée en faillite en 1995, et qu’elle ne pouvait pas indemniser les agents, il y a eu des brouilles entre les cheminots et l’administrateur. Pour couper court à tout cela, l’Etat ivoirien a signé un décret 95-683 du 6 septembre 95 portant création de la Société Ivoirienne de Gestion Ferroviaire (SIGF) en remplacement de l’ex-RAN, ainsi qu’un autre décret pour définir ses attributions. Dans ce décret une partie stipule que « les logements d’Abidjan notamment, Treichville, Adjamé, Port, Plateau et Zone4C doivent être cédés aux occupants« . C’est ainsi qu’Adjamé et Treichville ont été cédés. En revanche, Plateau, Zone4C ont été considérés come zone « sous l’emprise » ferroviaire. C’est-à-dire au clair, un espace occupé par les rails (Y compris la présidence de la République). L’affaire a été renvoyée à maintes reprises devant les tribunaux pour que ces cités reviennent à SIPF, mais la société a été déboutée parce que n’ayant pas de titre foncier. Donc, ces cités restent des domaines de l’Etat.
En 2005, profitant d’un congé du Directeur Général de la SOGEPIE, Gogui Théophile, le Directeur d’Exploitation Niamkey Hubert qui assurait l’intérim va vendre les 2 hectares de la zone4C à Fouad Omaïs. Or, dans le cas d’espèce le Conseil d’Administration de la SOPIE se réunit. Ce qui n’a été fait. Raison pour laquelle la SOPIE se désengage de cette responsabilité.
En attendant de revenir largement sur cette nébuleuse, l’affaire fait grand bruit et des familles (enfants et vieillards sont dans la rue).
S. Koné