[Reportage Éducation inclusive] À la découverte des personnes handicapées physiques de l’Ong ‘’Lobus action’’ de Songon M’Brathé

-Les difficultés qu’elles rencontrent

-Leurs témoignages

Le gouvernement ivoirien a traduit, à travers le projet ‘’Education inclusive’’ (du 1er janvier 2007 au 31 juillet 2021), sa volonté d’envoyer tous les enfants à l’école, même ceux en situation de handicap. Quatorze ans après, visite des personnes handicapées physiques au siège de l’Ong, ‘’Lobus action’’ de Songon M’Brathé, un village ébrié (peuple du sud de la Côte d’Ivoire) de la sous-préfecture de Songon.

Samedi 18 septembre 2021, il est 11h 20 min, sous un soleil accablant, notre regard se pose sur des épigraphes d’un monument couvert de plastique noir. Les fenêtres quasi inexistantes et les mauvaises herbes attirent encore notre attention. La visite des lieux nous fait découvrir quatre pièces avec une terrasse. La vétusté du bâtiment donne l’impression d’une maison abandonnée. Nous étions loin de nous imaginer que nous étions au siège de l’organisation non gouvernementale internationale (Ong) ‘’Lobus action’’.

Née en 2007 de la volonté de Beugré Loba Jules, un bel homme de 58 ans, marié et père de trois enfants, atteint de la poliomyélite dès l’âge de 5 ans, depuis lors est tétraplégique. Cette Ong milite pour l’éducation des personnes souffrant d’un handicap moteur. Comme si c’était hier, il raconte : « j’ai contracté la poliomyélite dès l’âge de 5 ans, ce  qui m’a motivé de créer cette Ong. Cela a débuté par un banal coup de froid, juste après une partie de baignade avec mes amis », souvient-il.

‘’Lobus Action’’, l’espoir en dent de scie

Quatorze ans après sa création, l’Ong enregistre 500 patients (300 garçons et 200 filles) atteints de handicap moteur. Sans grands moyens, ‘’Lobus Action’’ continue d’exister grâce aux revenus de son champ de manioc et du soutien de bonnes volontés et d’amis des pays comme la France et l’Angleterre. « Nous remercions pour cela nos partenaires occidentaux qui nous appuient à travers des projets. En Côte d’Ivoire, nous bénéficions de l’aide des autorités, mais de façon annuelle. En 2014, la ministre Anne Ouloto a, au nom du président Alassane Ouattara, fait un don d’une enveloppe de 500 000 FCFA et des vivres aux enfants de l’Ong lors de la fête de Noël», rappelle-t-il.

Ce sont les responsables de l’Ong qui effectuent des missions vers ces personnes qui n’attendent que de l’aide. C’est le cas de Emmanuel Bangaly que nous avons rencontré. Il est mal en point mais ne désespère pas.

Le mercredi 22 septembre 2021, notre équipe de reportage, en compagnie du directeur exécutif de l’Ong, Vincent Poeri et sa secrétaire aux Affaires sociales mettons le cap sur Yacé, un petit campement de Songon N’Brathé situé à environ 1 Km de la ville.

« Je veux poursuivre mes études, obtenir des diplômes, travailler et soutenir ma mère », souhaite-t-il le regard plein d’espoir.

Au cours de cette visite, une jeune dame, le regard hagard et rougi par la fatigue, nous gratifie d’un grand sourire. C’est chez Mlle Sanou Sanata Gisèle, célibataire. Elle vit là avec son fils, Bangaly Emmanuel, âgé de 23 ans dans une pièce où se trouvent un lit, une petite table et un fauteuil roulant. Il a les pieds bots. Pour l’opération, très coûteuse de ce pied qui doit se faire au centre Don Oriane de Bonoua, elle a besoin d’aide de bonne volonté, et appelle à l’aide. «  C’est par la grâce de Dieu que mon unique fils est encore en vie. Il a contracté cette maladie à l’âge de 19 ans, en 2016. Depuis 4 ans, son pied coule de la pue. ‘’Lobus Action ‘’ a fait des mains et des pieds pour l’intervention chirurgicale de mon fils, mais la facture est très élevée, il faut mobiliser la somme de six (6) millions FCFA », supplie-t-elle la gorge nouée.

C’est le cœur meurtri que le directeur exécutif, Vincent Poeri, renchérit en ces termes : « C’est un cas dont les frais sont difficiles à supporter par l’Ong d’autant que nous ne bénéficions d’aucune subvention.»

Bangaly Emmanuel a contracté la maladie en classe de 3^e en 2016 ; il est contraint d’abandonner l’école parce qu’il ne peut même plus se déplacer. Malgré la douleur qui l’étreint, il aspire reprendre le chemin de l’école pour aider sa mère. « Je veux poursuivre mes études, obtenir des diplômes, travailler et soutenir ma mère », souhaite-t-il le regard plein d’espoir.

Des séquelles, malgré les interventions chirurgicales

Par ailleurs, Diabaté Mounayatou, âgée de 19 ans, élève en classe de terminale à l’Institut technique professionnel Cerin de Yopougon et Seka Enock Wilfried, âgé de 8 ans, en classe de Ce2 à l’Epp N’Gbédjé Légé Blaise de Songon Dagbé, ont bénéficié d’une opération des pieds bots et arqués. À ce jour, ils ont repris tant bien que mal le chemin de l’école et arborent fièrement leur tenue de classe même s’ils se déplacent avec des béquilles. « Nous sommes très heureux de retrouver nos amis de classe», se réjouissent-ils.

Le défi de donner la chance ces milliers d’enfants vulnérables en situation de handicap d’être scolarisés demeure le leitmotiv de l’Ong et le président-fondateur en est fier mais reste anxieux. « Nous avons contribué à la scolarisation à 100% de plusieurs enfants qui ont obtenu le Bac et le Bepc cette année. Les autres sont passés en classes supérieures », se réjouit-il.

« Nous avons contribué à la scolarisation à 100% de plusieurs enfants qui ont obtenu le Bac et le Bepc cette année. Les autres sont passés en classes supérieures », dit-il.

Par ailleurs, selon notre interlocuteur, grâce au don de l’opérateur économique, Dagbala Firmin Lelou, don d’un montant de 600.000 FCFA, certains patients de l’Ong ont pu être scolarisés. Ceux qui étaient en classe de première ont été admis en terminale et ceux qui composaient pour le BAC ont réussi avec brio à leur examen.

À cette difficulté s’ajoutent les interventions chirurgicales coûteuses. « Nous avons contribué à hauteur de 8 millions FCFA, à l’intervention chirurgicale de quatre de nos patients qui avaient des pieds bots et arqués de sorte à leur permettre d’aller à l’école », affirme-t-il.

Le projet ‘’Education inclusive’’ initié par le gouvernement ivoirien a encore de beaux jours devant lui, surtout concernant les personnes handicapées de l’Ong ‘’Lobus action’’ qui ne dispose pas de centre d’accueil.

Opportune BATH

 [Encadré 1] Des douleurs indélébiles

Abus sexuels, viols, violences corporelles…, les mots ne sont pas assez forts pour traduire la douleur des personnes en situation de handicap. Ces personnes vulnérables, surtout les femmes dont certaines tiennent sur les pieds grâce à des béquilles ou de simples cannes sont des proies faciles pour des criminels du sexe. Si elles n’osent pas parler, de peur de représailles, le témoignage du directeur général de l’Ong, M. Vincent Poeri est édifiant : « Nous nous sommes focalisés sur les enfants et les femmes parce que cette frange de la population est vulnérable. Durant nos missions, des patientes que nous avons rencontrées nous ont confié qu’elles sont obligées de se prostituer pour pouvoir s’acheter des papiers toilettes et des cotons périodiques », raconte notre interlocuteur. Elles deviennent alors des proies faciles pour des prédateurs sexuels qui, selon le directeur général, abusent d’elles à leur guise contre leur gré. « Celles qui refusent sont battues, brutalisées jusqu’à ce qu’elles cèdent. Pis, lorsque ce sont des alcooliques, là, c’est très grave », témoigne-t-il. Autant affirmer que les femmes en situation de handicap sont des objets sexuels pour les hommes. « Certaines perdent la vie dans de conditions déplorables. Nous sommes tombées malheureusement, sur une jeune fille  de 14 ans, tardivement. Elle était en état de putréfaction très avancée », raconte-t-il.

Opportune B.

 

[Encadré 2] Plus de 500 patients livrés à eux-mêmes

L’Ong ‘’ Lobus actions’’,  dans sa mission de redonner le sourire aux personnes en situation de handicap, continue d’étendre ses tentacules à Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire et dans les villes de l’intérieur où sont dispersés les 500 patients qu’elle visite régulièrement. Livrés à eux-mêmes pour certains, d’autant que l’organisation n’est pas dotée de logements, ils sont confrontés à diverses difficultés. D’autres plus chanceux bénéficient du soutien de leurs familles.

O.B

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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