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Reportage/ Attention ! L’un des jardins publics du Plateau devenu dépotoir #environnement


Abidjan, 10 8 16 (lepointsur.com) Jeudi 4 août 2016. Il est 13 heures quand notre équipe de reportage franchit l’un des deux portails du jardin public du Plateau, qui abrite le centre commercial « Djè Konan », du côté de l’hôtel du district. L’espace grouille de monde.

En plein coeur du Plateau, à moins de 300 mètres de la Primature. Ph.S.K

En plein coeur du Plateau, à moins de 300 mètres de la Primature. Ph.S.K

Plus de 72 heures après le lancement de la Semaine nationale de la Propreté(SNP) par la ministre de la Salubrité urbaine et de l’Assainissement, Anne-Désirée Ouloto, une petite promenade nous amène au Plateau, principal centre des affaires du district d’Abidjan.  Dans cette presqu’île de 2,5 km de longueur sur 1 km de largeur, toutes les activités sont en éveil, ce jeudi 4 août 2016.

Outre la Semaine nationale de la Propreté, la Côte d’Ivoire fête sa 56 ème année de son indépendance acquise le 7 août 1960. Des poteaux aux abords des voies brandissent fièrement les couleurs du drapeau national, orange, blanc et vert. Ces pavillons tricolores bougent au gré et à la cadence du vent, et ajoutent un attrait spécial au beau visage de la commune.

Les voies principales et les rues jouissent d’une propreté impeccable. Les premiers signes de la fête sont visibles. La commune des affaires, qui rassemble la majeure partie des activités administratives et commerciales de la ville d’Abidjan, ainsi que le siège de la plupart des grandes firmes ivoiriennes, a fière allure.

Derrière cette beauté captivante et presque hallucinante se cachent les jardins de la commune du Plateau. L’aspect luxuriant de ces jardins est trompeur. Aucune poubelle n’est visible, et depuis le premier escalier qui donne une vue semi-panoramique de l’espace, vous êtes accueillis par des sachets, mouchoirs en papier, papiers d’emballage, etc., qui jonchent le sol et le gazon.

C’est dans cet environnement infeste que  des coiffeurs, des barbiers, des vendeurs de friperies vaquent à leurs occupations, ainsi que des vendeurs à la criée de produits divers. Au centre du jardin insalubre, des visiteurs attroupés, devisent sur des sujets d’actualité. A quelques pas de là, la communauté musulmane s’acquitte de sa prière de 13 heures dans un endroit à ciel ouvert, la seule grande surface non gazonnée.

Les places assises en béton accueillent un beau monde. Entre celles-ci, de petits couloirs servent de passage. Des groupes de joueurs de Pari mutuel urbain (PMU), échangent à gorge déployée sur les meilleurs chevaux capables de changer en une course leur vie.

A moins de 24 heures  de la fête nationale, le gazon de l’espace attend des tondeuses pour être en phase avec l’événement. Dans le premier couloir à notre gauche, qui mène vers les toilettes publiques, un tas d’ordures attire notre attention. Au fur et à mesure que nous avançons, des odeurs nauséabondes nous suffoquent. Trace fraîche d’urine par-ci,  déchets humains par-là, le couloir bétonné, qui sert de passage, se transforme en un véritable dépotoir de déchets de toutes sortes.

Nous continuons notre marche en empruntant, malgré nous, le gazon. L’air devient de plus en plus irrespirable. Juste au bout de ce dépotoir, nous rencontrons Djiho Mondjèdé, étudiant en philosophie. Plongé dans la lecture,  non loin du dépotoir, il ne s’aperçoit même pas de notre présence. Il répond avec  sourire à notre salutation et nous demande les raisons de notre brusque arrêt à son niveau.

Ne sentez-vous pas l’odeur qui se dégage non loin de vous? demandons-nous. “C’est vrai, je vois  les déchets, mais comment vais-je faire” ?  Voyez-vous,  c’est le seul lieu idéal où je peux me concentrer malgré la senteur désagréable ”, nous lance-t-il.

L'étudiant, Djiho Mondjèdé lisant au milieu de ces imondices. Ph.S.K

L’étudiant, Djiho Mondjèdé lisant au milieu de ces imondices. Ph.S.K

Depuis 2002, Djiho Mondjèdé fait la navette entre ce jardin et la bibliothèque de l’Institut français situé à moins de 5 minutes de marche. “Quand je suis à la bibliothèque, je fais mes besoins sur place. Mais quand je suis ici, je les fais dans les toilettes publiques. Je n’ai pas le choix”, raconte l’étudiant.

A quelques pas de là, dans le même environnement, une jeune dame, Mlle Constance Zirimba, qui a fini son stage d’aide- soignante, et qui attend une suite aux  différentes demandes d’emploi qu’elle a déposées un peu partout dans les centres de santé, ne dit pas autre chose.

C’est vrai qu’il y a des déchets, mais je veux rester dans un espace plus calme. Il faut plutôt éduquer ceux qui n’ont pas encore compris que le jardin leur appartient”, coupe-t-elle court à notre préoccupation. Bédé Guillaume, agent du ministère de l’Intérieur, assis non loin de la jeune dame, partage son idée. “Il faut faire de la sensibilisation à tous les niveaux et prendre des sanctions. Il faut que les visiteurs eux-mêmes soient leurs propres gardiens des lieux”, conseille-t-il.

L'illustration parfaite d'un visiteur pris sur les faits. Ph. S.K

L’illustration parfaite d’un visiteur pris sur les faits. Ph. S.K

Un peu plus loin, nous toisons un jeune homme en train d’uriner, qui tient tout un autre langage. Il nous répond de manière laconique: « Monsieur, s’il vous plaît, je ne peux pas acheter un sachet d’eau à 10 francs et aller l’évacuer quelques minutes après, dans une toilette, à 50 francs. Là, vraiment, veuillez m’excuser. Je préfère p. ici et aller manger avec mes 50 francs.

Notre randonnée nous conduit aux toilettes sises au sein du jardin. Là, nous rencontrons M. Cissé Adama, représentant son aîné, Traoré Lamine, propriétaire des toilettes. Assis sur une chaise de fortune, il donne ses premières impressions. “C’est nous qui essayons de donner un beau visage à ce jardin, parce que nous mettons à la disposition de tous ceux qui veulent se soulager le nécessaire, à l’intérieur des toilettes”, raconte-t-il.

Nos toilettes sont nettoyées toutes les 30 minutes avec de l’eau contenant des antiseptiques, de l’eau de javel, du diluant que vous pouvez vérifier”, se félicite M. Cissé Adama.

Juste à ses côtés, un jeune homme d’une trentaine d’années, veille à l’entrée de ces toilettes . Le besoin dans un urinoir coûte 50 FCFA et dans un cabinet, 100 FCFA . “Tous les gouverneurs du district du Plateau nous ont toujours félicités pour le travail que nous abattons”, dit notre interlocuteur avec un brin de satisfaction.

Il a cependant quelques regrets. “Je vous ai vu prendre les images des déchets qui sont à quelques pas des toilettes. C’est méchant de la part de ceux qui se conduisent comme ça”, s’indigne-t-il.

Il est près de 14 heures. A cette heure de la journée, les ordures s’amoncellent davantage.  Le jardin public offre alors un des plus hideux et honteux décors aux occupants des lieux.

Une vue des toilettes publiques. Ph.S.K

Une vue des toilettes publiques. Ph.S.K

Une des nettoyeuses de cet espace, rencontrée sur place, échange avec nous sur cet état de fait. “Dès 7 heures, nous sommes un groupe de femmes qui venons balayer ici, mais vous même, vous voyez ce qui reste du travail que nous avons fait ce matin !”, se plaint-elle.

Le lendemain, vendredi 5 août 2016, vers 10 heures, nous mettons le cap en zone 3, où se trouve la direction des parcs et jardins du district d’Abidjan. Le directeur des lieux, très occupé, nous confie à son sous-directeur. En moins de 15 min, la secrétaire du directeur nous conduit au bureau de M. Kra Kouadio qui nous reçoit, sans hésiter.

Dans notre cahier de charge, l’entretien de tous les espaces verts du district, des terrains aménagés ou non, nous incombe. Nous établissons un programme hebdomadaire selon les urgences, pour pouvoir assurer la propreté dans ces différents espaces verts. Nous faisons la tonte, avec des matériels autorisés que sont les tondeuses, les tracteurs, etc. Nous avons des équipes fixes qui entretiennent tous les jardins aménagés’’, explique le sous-directeur.

Des questions relatives à l’entretien en passant par la surveillance du jardin public, tous ces sujets trouvent leurs réponses. “Nous  avons une centaine de jardins publics disséminés dans toutes les communes d’Abidjan, que nous entretenons. Les espaces verts sont budgétivores, car ils nécessitent beaucoup d’investissements. Ce sont des charges vraiment élevées. Quand vous voyez dans les communes, rares sont celles qui ont les moyens pour leur assainissement. Il n’y a pas d’équipes spécifiques en charge de l’entretien des jardins dans le district d’Abidjan”, explique le sous-directeur des parcs et jardins du district d’Abidjan.

Chaque matin, nos agents balaient tous ces espaces. Ils le font très tôt pour permettre à ceux qui viennent au Plateau d’y passer le temps, l’heure d’un rendez-vous ou d’une rencontre. Malheureusement, ces mêmes personnes déposent l’emballage de tout ce qu’elles  consomment : sachets plastique, papiers…On ne peut pas faire la police derrière tout le monde”, indique M. Kra Kouadio.

Quant aux déjections, notamment les déchets humains, il a une idée des heures où cela se passe, et appelle à l’esprit citoyen. “Nous avons aussi des images de défécations. Malheureusement, tout se déroule la nuit.  Des personnes malveillantes enjambent la clôture pour y déféquer. Pour  l’entretien,  nous sommes très sensibles et nous accordons le prix. Ce que ces individus ne savent pas, c’est qu’ils nuisent à eux-mêmes et à leur propre environnement ”, fait savoir notre interlocuteur.

Le sous-directeur des parcs et jardins du district d’Abidjan. M. Kra Kouadio. Ph. S.K

Le sous-directeur des parcs et jardins du district d’Abidjan. M. Kra Kouadio. Ph. S.K

Comme proposition concrète, M. Kra Kouadio en appelle à l’esprit citoyen de chacun des visiteurs du jardin public. “Il faut que les gens respectent les espaces verts qui sont les leurs. Nous avons fait une opération de plantations d’arbres sur les grands axes du district d’Abidjan, dans différentes communes. Je vous assure que nous avons eu mal quand nous avons constaté que ces arbres que nous avons plantés ont été détruits par les populations elles-mêmes. C’est un véritable cri de coeur que nous lançons. Que les gens soient sensibles à nos actions”, supplie le sous-directeur.

En attendant que les citoyens prennent conscience que les espaces verts aménagés sont pour leur bien-être personnel, les autorités, en charge de la salubrité des villes, continuent, elles, leurs efforts à travers des opérations  telle la Semaine nationale de la Propreté initiée dans les villes et communes de Côte d’Ivoire depuis le 1er août.

Le gouvernement ivoirien a décidé, à cet effet, d’accompagner le ministère de la Salubrité urbaine et de l’Assainissement conduit par Mme Anne-Désirée Ouloto. Déjà certains espaces des communes comme Treichville, et surtout Adjamé où des installations anarchiques des commerçants  ont été détruites, offrent un visage rayonnant à la ville d’Abidjan.

Sériba Koné

kone.seriba67@gmail.com

Encadré

Les seuls gestes attendus

La sensibilisation ne peut-elle pas passer par un geste qui va marquer l’esprit à jamais? Il faut oser! A l’instar du président de la République et du premier ministre  qui donnent eux-mêmes les premiers coups  de pioche de la réalisation de certaines infrastructures, nos ministres chargés de l’assainissement et de l’environnement peuvent donner l’exemple dans la lutte contre l’insalubrité.

Pourquoi ne peut-on pas voir le ministre de la Salubrité urbaine et de l’Assainissement et celui de l’Environnement et du Développement durable mettre la main à la pâte lors d’une opération de ramassage de déchets?

L’image sera, certes, surprenante, mais à elle seule vaudra l’objectif que le gouvernement attend. Elle peut être placardée partout où besoin doit être pour la conscience collective. Ce sera à leur avantage, parce que ce seul geste parlera de lui-même. Une telle image marquera les esprits, à coup sûr, et celui qui voudra désormais jeter  des ordures par terre se posera mille et une questions avant de le faire.

Dans certains quartiers comme Marcory et Cocody, beaucoup de gens ont commencé par comprendre que le jardin n’est pas un dépotoir, mais un cadre de vie mis à la disposition des populations pour leurs moments de récréation, de délassement et de distraction.

Pour les encourager et inviter les autres populations à les imiter, les maires des différentes communes doivent installer des poubelles dans ces espaces et sur le long des rues. Sinon comment  vouloir combattre les ordures sans que l’on mette de poubelles à la disposition des populations?

Sériba K.

kone.seriba67@gmail.com

           

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