Redynamiser la démocratie et la politique…#CIV
Abidjan, le 21-6-15 (lepointsur.com)-Depuis son origine en Grèce, la démocratie était conçue comme la participation directe de tous les citoyens aux délibérations et décisions. C’est le même principe que défendait le fondateur de la pensée démocratique moderne, Jean-Jacques Rousseau. C’est avec les grandes révolutions modernes en Angleterre, aux Etats-Unis et en France que la pratique de la démocratie représentative va s’établir. Elle est, dans une certaine mesure, inévitable dans les grandes sociétés modernes. Les perversions de la représentation ne datent pas d’aujourd’hui, mais elles se sont considérablement aggravées sous le règne du néo-libéralisme : formation d’une caste politique fermée et souvent corrompue, soumission aux intérêts des élites privilégiées, éloignement des cerveaux ou diplômés des milieux populaires, exclusion des femmes, etc. (la liste est longue !).
Redynamiser la démocratie et la politique/ Un impératif catégorique de notre temps! #CIV
On ne va, certainement, pas recommander la démocratie participative telle qu’elle fonctionne dans certaines communautés indigènes auto-gérées en Amérique Latine, notamment dans les régions zapatistes du Chiapas? Un tel fonctionnement se prête difficilement à une gestion à l’échelle des Nations. Mais il me semble impératif de réfléchir à une nouvelle forme de gestion politique qui brise avec les structures bureaucratiques officielles viciées et de plus en plus inopérantes dans la construction du bonheur des peuples. L’idée que la démocratie représentative doit être combinée avec des formes de démocratie directe qui permettent la participation active des citoyens dans les délibérations et décisions politiques les concernant me semble fertile et prometteuse, même si les modalités concrètes restent encore largement à définir.
La crise de la démocratie représentative parlementaire actuelle a des sources structurelles, des racines plus profondes. L’impuissance des structures politiques établies, parlementaires ou autres, à affronter efficacement les problèmes économiques et sociaux nous interpelle. Dans la logique du capitalisme néo-libéral, les vraies décisions sont de moins en moins prises par les « représentants élus », et de plus en plus par les marchés financiers, les grandes banques et entreprises multinationales, et, en ce qui concerne les pays du Sud, le FMI et la Banque Mondiale.
On ne pourra sauver la démocratie politique qu’en instaurant la démocratie économique !
Quand près de neuf citoyens sur dix estiment que les responsables politiques ne se préoccupent pas d’eux, quand ils sont presque aussi nombreux à douter du fonctionnement de notre démocratie, on pourrait se laisser guider par un sentiment d’impuissance mortifère. Et se laisser convaincre par l’idée que ce serait l’exaltation de nos sociétés modernes qui ne laisserait aux citoyens ni le goût, ni la responsabilité, ni le temps pour leurs passions politiques.
Accepter cette idée, ce serait renoncer. La cautionner, ce serait se renier. Si les citoyens sont majoritairement critiques à l’égard du système politique, ils sont aussi nombreux à souhaiter que plus de pouvoir soit donné aux citoyens dans le fonctionnement des Institutions républicaines. Et il n’y a pas un seul mètre carré de terre en ce monde où l’on ne croise des habitants désireux de s’engager sur des projets concrets, de confronter leur point de vue et de faire entendre leur voix. Cette vitalité citoyenne pourrait être vue comme un anachronisme dans une démocratie en souffrance. Mais elle incarne, en réalité, une exigence qui ressemble à une évidence. Et dont Mendès France avait déjà résumé les principes : lorsque la république se méfie du citoyen, celui-ci s’en détourne, au point de lui devenir étranger.
On ne peut s’inquiéter à chaque élection de l’abstention massive des milieux populaires et accepter, dans le même temps, que la concentration de pauvreté d’un groupe s’accompagne quelquefois d’une concentration d’indifférence envers ses composantes. La confiance n’existe que si elle est réciproque. La confiance des populations envers leurs représentants ne peut s’affranchir de celle des élus envers les citoyens. Cette double confiance, ce mouvement mutuel, doit être au cœur de la redynamisation de la Politique et de la Démocratie. Car, si la mobilisation des moyens publics doit permettre de répondre à la désespérance sociale dans les milieux populaires, c’est en imposant de nouvelles exigences démocratiques que nous pourrons répondre de manière déterminante à la désespérance politique.
Il faut pouvoir réformer et inscrire le principe de co-construction des politiques publiques avec les populations dans la loi. Parce que c’est par la reconnaissance qu’on provoque un choc de confiance et c’est par l’association aux décisions qu’on en favorise l’adhésion. Par cette réforme, des conseils citoyens pleinement autonomes pourront voir le jour dans les départements de nos états et ils garantiront la capacité des populations de se former, d’agir et de peser sur les décisions politiques qui concernent la gouvernance publique. Parce que c’est en mettant un terme à la méfiance que l’on peut faire reculer l’indifférence.
Pour s’engager concrètement dans ce nouvel âge de la participation des populations dans les affaires publiques, il nous faudra vaincre les résistances, les conservatismes et les doutes. Mais c’est ce chemin qui doit être emprunté pour rétablir durablement la confiance entre nos institutions et nos concitoyens. Donner la possibilité d’action, après le vote, à ceux pour qui l’on prétend agir est la condition première du rétablissement de l’égalité républicaine au sein de nos populations et de l’amour de la politique. Car, agir efficacement sur les questions de société ne peut se faire sans une renaissance de la démocratie.
Pour contrer le cynisme ambiant, cette forme de désabusement, il faut que les gouvernements trouvent les moyens d’écouter davantage les citoyens. Et le passage obligé, c’est de redynamiser les institutions démocratiques. Notre monde a besoin d’un «beau projet collectif», pour chausser les bottes de Benoît Pelletier. Et la redynamisation ou revitalisation sera un chantier pour discuter des fondements du régime démocratique et un maillon essentiel de ce projet collectif.
Je pense que la meilleure façon de contrôler le pouvoir politique et réduire ses déboires grotesques, c’est d’augmenter les mécanismes de contrôle de l’Assemblée nationale par rapport aux décisions de gouvernance.
Faire en sorte que certaines décisions qui affectent considérablement la vie des nations et nominations, par exemple, soient validées par des processus parlementaires et ainsi susciter toute une nouvelle culture qui ferait en sorte que des Premiers ministres, des Ministres et des Chefs d’État ne se comportent plus comme des « empereurs administratifs » dans nos républiques en baignant dans une marre de nominations fantaisistes et folkloriques, au détriment d’un minimum de valeurs de mérite et de probité; Attitude qui reste un goulet d’étranglement dans la marche vers le développement, du fait des incapacités d’actions et de l’absence notoire de contenance scientifique et intellectuelle des nominés qui sont, très souvent, plus préoccupés par les appétits du pouvoir. Le faisant, on revalorisera le travail des députés avec une bonification de leurs conditions de travail, en rendant démocratiquement plus compétitifs les choix des populations.
Ma connaissance du droit constitutionnel me conforte dans l’idée que les citoyens aspirent à être écoutés des politiciens. Ils veulent sentir que leurs opinions et leur vote comptent. Et ils ne sont pas les seuls. Nos sociétés font face à des régimes où les députés aussi se sentent brimés par les machines politiques, par le fait qu’il y a une ligne de parti qui est beaucoup trop sévère, beaucoup trop rigide. Il y a une culture qui est fondée sur la ligne de parti qu’il faut songer à briser en la démocratisant afin de faire prévaloir le bien des peuples sur les intérêts partisans, trop souvent en décalage avec les aspirations populaires. Certainement que des votes tenus en Chambre pourraient être beaucoup plus libres, par exemple.
Il y a un ensemble de choses qui doivent être réfléchies et débattues par les citoyens pour tenter de voir comment nous pouvons améliorer nos démocraties et nos politiques de gouvernance. Il faut un réel questionnement en profondeur de ce sujet et l’inscrire de façon lucide dans le débat public. Il est clair qu’une réforme des institutions ne pourrait, à elle seule, contrer le cynisme ambiant, cette forme de grand crève-cœur qui s’est emparée de nos concitoyens, mais cela fait partie de la solution à creuser. Les citoyens ont l’impression que les politiciens ne les écoutent pas et que, dans le fond, plus les régimes ou gouvernements changent, plus c’est pareil. Je pense donc que si nous ramenions le sujet de la démocratie et de la politique à l’avant-plan, nous ferions un bon coup. Cela pourrait, au moins, ré-oxygéner un peu la gouvernance politique et les pratiques démocratiques.
Il faut de la cohérence démocratique et politique en toutes circonstances de la vie des nations, seule voie pour un développement, un progrès et un bien-être sérieux et harmonieux des peuples. Car, le tout n’est pas seulement d’équilibrer des budgets mais de définir des priorités d’action. Il ne s’agit pas seulement de défendre le service public, il faut le transformer pour qu’il soit au service du public d’aujourd’hui. Il ne suffit pas seulement de renforcer les moyens pour l’école mais d’inventer une école pour tous les jeunes du monde. Il ne s’agit pas seulement de promouvoir la place des femmes en politique et dans le tissu socio-économique, mais d’inventer un nouvel âge démocratique. Il faut repenser le rapport du citoyen à l’État et au monde. Tout cela se dit souvent, mais on ne prend pas assez conscience de ce que cela suppose comme nécessité de discussions dans la société toute entière, idées contre idées, projets contre projets, finalités contre finalités. Il faut pouvoir se dégager un nouvel espace propre à la politique. Les partis politiques devraient retrouver leur place dans l’animation du débat. Ils ne le feront toutefois pas à la manière du « bon vieux temps ». Qu’ils assument à frais nouveaux leur fonction sociale en s’ouvrant vraiment à la société, qu’ils travaillent avec toute la société, militants, intellectuels, associations, syndicats. Interpeller simplement les gouvernants ne suffit plus. Le plus important est d’avancer des cohérences et des propositions alternatives. Si ce n’est pas fait, la fausse technique maintiendra sa prérogative sur la politique pragmatique, avec comme corolaires la désillusion socio-humaine et le désenchantement politique.
La vraie démocratie et la vraie politique sont celles qui permettent à chaque individu de donner son maximum d’efforts, selon les termes de Louis Pasteur. Pourquoi faut-il qu’à côté de cette démocratie féconde il en soit une autre, stérile et dangereuse, qui, sous je ne sais quel prétexte d’égalité chimérique, rêve d’absorber et d’anéantir l’individu dans l’État. Cette fausse démocratie a le goût, j’oserai dire, le culte de la médiocrité. Tout ce qui est supérieur lui est suspect. On pourrait définir cette démocratie, la ligue de ceux qui veulent vivre sans travailler, consommer sans produire, arriver aux emplois sans y être préparés, aux honneurs sans en être dignes. Réintégrer la quête du sens, la culture de l’intérêt général, la loyauté républicaine, la promotion des libertés, l’amour des valeurs, plus de participation de la diversité citoyenne dans le jeu démocratique, les politiques sociétales, la gestion des affaires publiques et en faire un leitmotiv institutionnel et un repère de gouvernance des peuples et des nations, telle est la teneur de cet effort de réflexion.
Œuvrons pour le retour de la vertu et la sagesse dans les exercices démocratiques et les pratiques de la politique, qualités qu’on ne peut atteindre que par la liberté. Cette liberté, étape nécessaire à un état vertueux et non finalité en soi, se veut radicale face aux conventions dévoyées communément admises, dans un souci constant de se rapprocher de la nature propre du citoyen, son bien. Il faut éviter que les fausses démocraties et politiques ne deviennent le poison de notre société.
Docteur Pascal ROY
Philosophe–Juriste–Politiste–Coach politique–Analyste des Institutions, expert des droits de l’Homme et des situations de crises–Médiateur dans les Organisations–Enseignant à l’Université–Consultant en RH–Écrivain
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