Présidentielle au Gabon/ Un duel entre Jean Ping et Bongo Ondimba #gabon
Abidjan, 21-08-16 (lepointsur.com) Tous les coups sont permis entre Ali Bongo Ondimba et Jean Ping, les deux principaux candidats de l’élection présidentielle au Gabon qui aura lieu le 27 août prochain.
Joint au téléphone en début de semaine, Jean Ping dit vouloir « arrêter cette mascarade ». « Les lieux publics nous sont interdits, explique le Leader de l’opposition, nous sommes obligés de nous réunir dans des endroits privés ou d’improviser des meetings sur des places ou des terrains vagues. Lorsque nous allons à l’hôtel, on nous coupe l’électricité ce qui nous oblige à nous promener avec des groupes électrogènes. Et nous avons même des tronçonneuses pour découper les arbres qui sont abattus en travers la route pour nous empêcher de circuler! »
Une prouesse donc d’avoir tenu ce meeting géant le mardi 16 août à Libreville (ci-dessous). A en croire les chiffres fournis par l’équipe de Jean Ping, près de 100.000 personnes y auraient assisté. Deux piliers de l’opposition y ont annoncé leur ralliement à la candidature de Jean Ping: l’ancien Premier ministre Casimir Oye Mba, 74 ans, et Guy Nzouba-Ndama, 70 ans, qui a longtemps présidé l’Assemblée nationale.
« L’opposition n’a aucune chance si nous venons en ordre dispersé », a déclaré au micro de Rfi Casimir Oye Mba. L’alliance entre ces trois ténors marginalise les 11 autres candidatures.
Lors d’un meeting géant face à 60.000 personnes dans le stade de l’amitié sino-gabonaise de Libreville (ci-dessous), le Président sortant a lancé une campagne sur le ton de la rupture générationnelle. Ali Bongo Ondimba, 57 ans, a cherché à ringardiser ses principaux opposants tous septuagénaires. Invitant un groupe de rap, revêtant une veste bleu ciel, Ali Bongo a vanté le bilan des infrastructures routières et du système d’assurance santé mis en place sous son mandat. Il a admis qu’il restait beaucoup à faire. « Un trop grand nombre de Gabonais connaissent d’importantes difficultés liées au chômage, à la pauvreté et à l’exclusion« .
C’est la grande faiblesse de son bilan. Le Gabon a subi de plein fouet la crise économique liée à la chute du cours des matières premières. Un choc rudement ressenti par la population. Ancien Premier ministre ayant lui aussi rallié la candidature de Jean Ping, Jean-François Ntoutoume Emane déclarait en mai dernier « Le Gabon est par terre« . « Mais comment un pays aussi riche en fer, en manganèse, en or, en pétrole, en bois, avec une population de moins de deux millions d’habitants est-il parvenu à imposer à son peuple ce niveau de pauvreté ? Où va l’argent ? », renchérit Jean Ping.
Ancien président de la Commission de l’Union africaine, Ping a été quatre fois ministre d’Omar Bongo dont il a épousé la fille Pascaline avec qui il a eu deux enfants. Il fustige aujourd’hui « la dilapidation des deniers de l’Etat » et « une gestion économique ruineuse ». « Il serait temps, souligne Jean Ping, de sortir d’un système où un président une fois élu dirige le pays jusqu’à la fin de ses jours ». C’est le cas depuis 1960 tous les anciens présidents sont morts au pouvoir. Léon Mba en 1967 puis Omar Bongo Odimba en 2009. « Présidents à perpétuité ! Cela ne peut pas durer comme ça. Les Gabonais n’en veulent plus ! »
Des fichiers électoraux défaillants
Deux polémiques ont émaillé cette élection présidentielle. La première concerne l’acte de naissance d’Ali Bongo. L’article 10 de la Constitution gabonaise interdit à toute personne ayant acquis la nationalité gabonaise de briguer le siège de Président. Or, on dit d’Ali Bongo qu’il aurait été adopté dans le Biafra voisin, situé dans l’actuel Nigeria. Il aurait donc acquis la nationalité gabonaise. Cette question a été tranchée fin juillet par la Cour constitutionnelle qui a rejeté les nombreux recours de l’opposition gabonaise.
L’autre polémique concerne une société française: la Gemalto. Ce leader mondial de la sécurité numérique a été désigné par le pouvoir gabonais pour établir les fichiers électoraux biométriques en 2011. Une plainte pour détournement de fonds publics par corruption passive ou active, déposée par l’avocat Alain Tamegnon Azoume, devrait prochainement donner lieu à la désignation d’un juge d’instruction. « Le dossier reprendra après les élections au Gabon », nous a expliqué l’avocat, qui regrette que cette affaire concernant la mise en place de fichiers électoraux n’ait pu être traitée avant les élections…
Selon une étude réalisée par l’analyste économique Mays Mouissi, qui nous a été fournie par l’opposition, le nombre d’électeurs inscrits dans 59 localités est aujourd’hui supérieur à la population locale. « Comment les commissions d’enrôlement et de révision du ministère de l’Intérieur sont-elles parvenues à inscrire sur la liste électorale plus d’électeurs qu’il n’y a d’habitants et cela des milliers de fois dans plusieurs dizaines de localités ? », s’interroge l’auteur du rapport.
Paris Match | Publié le 21/08/2016 à 13h00
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