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« Les politiciens aux buts sans visions, nous n’en voulons plus…! » (Contribution)


  • Injecter de la substance au débat public en Côte d’Ivoire: les politiciens aux buts sans visions, nous n’en voulons plus…!

Abidjan, 04-07-16 (lepointsur.com)- Les ruines ne sont pas seulement les tristes restes d’un édifice que le temps a détruit, elles sont aussi et surtout ce qui défie le temps et le voit passer, comme le spectateur demeurant sur la rive regarde les eaux du fleuve qui s’écoule, pour parodier Jean BRUN dans « Héraclite ou le philosophe de l’éternel retour » (Paris, Seghers, 1965, Coll. «Philosophes de tous les temps» #17, pp. 19, 70). Arrêtons d’être les spectateurs passifs ou peu consciencieux de tout ce qui défie dangereusement notre temps en Côte d’Ivoire et autour de nous.

Pascal RoyLa Côte d’Ivoire est profondément malade des attentes déçues, malade des promesses dévoyées, malade de la perte des valeurs, malade de la politique embrouillée et des périphériques de la démocratie. Cette maladie qui s’est lentement glissée depuis des décennies, s’est aggravée ces dernières années. Et le remède, c’est de reconstruire une Côte d’Ivoire des citoyens, en brisant celle de l’esprit des castes; une Côte d’Ivoire du mérite et des talents par la formation et l’éducation, en détruisant celle des pistonnés et des héritiers; une Côte d’Ivoire des Institutions fortes et modernes, en faisant le deuil de celle des intérêts particuliers et des tripatouillages constitutionnels; une Côte d’Ivoire de la solidarité, de l’égalité des chances et des vertus démocratiques, en désavouant les politiciens médiocres, aux âmes d’enfants gâtés, enclin aux buts artificieux et sans visions.

Les immenses défis sociaux, le grand besoin de confort existentiel des populations et les complexes problématiques mondiales de sécurité nous obligent à penser notre société sur le long terme et nous invitent à nous ouvrir sur un esprit et une intelligence qui modèlent la politique. Dans un monde si imprévisible comme le nôtre, les citoyens ont plus que jamais besoin de se partager et se discuter des visions du futur commun. Un futur durable et désirable qui redonne du sens et de l’espoir. Malheureusement, nous sommes dans une société où le « court-termisme » domine. Comment penser le long terme quand l’horizon temporel des hommes politiques est d’une journée comme les médias ou celui des marchés boursiers, d’une heure? Nous devons nous éloigner des prévisions basées sur un prolongement du passé, comme d’améliorations marginales qui ne changeraient pas notre trajectoire. Articuler les court, moyen et long termes, devient une nécessité en politique et ça s’appelle avoir une vision de l’idéal humain, sociétal et mondial.

Même si l’on parle souvent de stratégie dans une organisation politique, il est rare de voir un document écrit, ou quand c’est le cas, qui soit suffisamment clair. Si donc écrire sa stratégie est capital, il ne faut pas oublier de commencer par définir sa base, à savoir, la vision, la mission, puis viennent les buts et les objectifs. Une vision n’est rien d’autre qu’un projet fou. Fou, parce que personne ne l’a jamais fait avant ou qu’il n’est pas encore réalisé. La vision définit un idéal à atteindre ou à vivre dans 5, 10 ou 15 ans. Avoir une vision, suppose une ouverture au dépassement et la caresse de l’inconnu rêvé, rêveur, rêvant et réaliste. Avoir une grande idée, suppose aussi la bâtir et donc établir une stratégie qui est composée de trois éléments clés en plus de la vision : il faut clarifier sa mission puis pour avancer dans la vision, planifier quantitativement les buts et les objectifs. Car une vision sans stratégie n’est qu’une idée virtuelle. La vision, comme la mission ou vocation sont comme des éléments d’une fondation d’une maison : ils doivent être stables et solides. En somme, une vision est mobilisatrice et est toujours liée aux autres. Telle devrait être la préoccupation majeure des prétendants légitimes de 2020 en Côte d’Ivoire : rendre publique une vision de la Côte d’Ivoire de l’après 2020 et mobiliser, avec pédagogie et stratégie, l’opinion en attendant la période électorale de 2020 pour discuter des projets de société et des programmes de gouvernement.

Docteur Pascal ROY Philosophe-Juriste-Politiste-Coach politique-Analyste des Institutions, expert des droits de l'Homme et des situations de crises-Médiateur dans les Organisations-Enseignantà l'Université-Consultant en RH-Écrivain-Chroniqueur

Docteur Pascal ROY
Philosophe-Juriste-Politiste-Coach politique-Analyste des Institutions, expert des droits de l’Homme et des situations de crises-Médiateur dans les Organisations-Enseignantà l’Université-Consultant en RH-Écrivain-Chroniqueur

De plus en plus, nous sommes dans un monde où la soumission à l’impératif de court terme et de l’urgence, d’une part, et l’incohérence présentée comme pragmatisme, d’autre part, sont devenues les marques du génie politique. Il n’est pas nécessaire de citer ici des noms, mais vous les reconnaîtrez. En parallèle de l’encensement de cette nouvelle race de grands hommes, a disparu la notion de vision politique, jetée avec l’eau du bain du bébé « idéologie ». Aux sens des mots se greffent des nuances et connotations qui font les modes de langage. L’idéologie a fait les frais des grands systèmes de non-pensée meurtriers du XXème siècle, qui ont voulu remodeler la réalité en fonction d’idées s’apparentant à des croyances indiscutables. Nos cours d’histoire du secondaire, surtout dans l’hexagone, ont gravé en nous le nom de Lyssenko qui voulait faire pousser du blé en Sibérie. L’idéologie prise dans ce sens est bien-sûr difficilement défendable. On entre en politique avec juste des buts, sans formation politique et sans aucune vision de société. On vient en politique dans le but de devenir président, premier ministre, ministre, PCA, DG, député, maire…, voleur public ou riche tout simplement, sans aucun idéal sociétal.

L’idée de la vision politique ou vision du monde n’aurait pas dû être éliminée des qualités attendues d’un homme politique. Avoir une vision politique, c’est, sans faire l’hypothèse absurde de la possibilité d’une connaissance exhaustive du monde, être capable d’une compréhension synthétique du monde et de ses grandes évolutions, qui doit se traduire notamment par des décisions informées et guidées par certains principes dans le cadre d’une action cohérente. Ce monde auquel il est fait référence n’est pas que le monde de la diplomatie mais plutôt le monde entendu comme la réalité telle qu’elle est saisie à travers les différentes disciplines qui nous permettent de l’appréhender au mieux de nos connaissances. L’humilité face à la complexité du réel constitue la toile de fond de cette approche, qui ne doit pas se résigner pour autant au conservatisme pusillanime. Il n’est, en effet, pas question ici de faire l’apologie de l’étroitesse d’esprit ou de vérités immuables qui auraient déjà été découvertes et desquelles nous ne pourrions plus discuter. Cependant, si l’on veut s’efforcer de sortir de la politique spectacle/communication à court d’idées substantielles, la confrontation de visions claires aurait le mérite de donner du contenu à la délibération politique et d’éclairer les choix de l’opinion et des électeurs qui n’ont aujourd’hui d’autre alternative que de se raccrocher à la personnalité des candidats tels que présentés par les médias et leurs « amis ». Ils ne doivent, en fin de compte, leur notoriété qu’à ce fameux sens politique.

En Côte d’Ivoire, il nous faut nous habituer à une manière « engagée » et respectueuse de faire de la politique, en sortant des rigidités idéologiques démodées. Il semble manquer aujourd’hui en Côte d’Ivoire des partis politiques ou des personnalités capables d’offrir une nette vision moderne du monde qui serait à même, d’une part, de mobiliser les énergies de la société et, d’autre part, d’aiguillonner les autres acteurs en les obligeant indirectement à injecter de la substance au débat public. Les enjeux actuels de positionnement, qui ne peuvent seuls suffire à nourrir un projet politique, constituent pourtant une belle opportunité de penser une redynamisation sociétale, à condition que l’égale dignité des Hommes s’inscrive au cœur de la vision proposée. Il ne reste plus qu’à espérer que de réels mouvements autour des potentiels candidats au scrutin présidentiel de 2020, malheureusement encore trop peu organisés, ou des partis politiques renouvelés dans la pensée parviennent à alimenter le débat public par la proposition de véritables visions de la Côte d’Ivoire et du monde. Mais c’est aussi à chacun de nous de réfléchir à ce qu’il attend de la démocratie et de ses élus. Les modes, en apparence anodines, du langage peuvent nous y aider. Ce sont l’esprit et l’intelligence qui formatent, mènent, gouvernent et font le monde. La politique est un espace civilisationnel et on y va pour construire et semer des valeurs, proposer et réaliser des espoirs, susciter et accomplir des bonheurs, panser des douleurs, des larmes et des plaies, distribuer des joies et promouvoir la paix, tisser et faire fleurir le bien-être et le vivre-ensemble. L’espace politique n’est pas un terrain bordélique et de démonstration de biceps. La politique exige d’avoir l’esprit du bâtisseur, l’intelligence du pêcheur et le charme du redoutable courtisan pour séduire, ratisser large et fidéliser les électeurs, le public voire l’opinion.

Les ivoiriens ressentent tous le besoin d’une vision politique qui aide à organiser l’effort collectif pour sortir de nos crises récurrentes. C’est ce que Patrick Viveret appelle la vision transformatrice, qui s’articule avec les résistances créatrices et les expérimentations anticipatrices. Pour dépasser nos conservatismes et nos repliements sur nos intérêts à courte vue, nous devons chercher à inscrire nos efforts de changement dans une vision qui apporte à la société la cohésion dynamique dont elle a un urgent besoin. C’est collectivement, tous ensemble, qu’il faut construire cette vision, en dialogue avec des leaders capables de la porter. Car, je suis convaincu qu’il est de la responsabilité de chaque citoyen d’être acteur du présent et du futur de son monde. Inventer demain est ou devrait être le quotidien de tous les responsables politiques. Tous les aspirants à la gouvernance d’un État devraient être confrontés à la difficulté de remplir cette partie de leurs responsabilités, sans s’embourber dans la prédominance du court terme : avoir un œil sur la ligne d’horizon et l’autre autour d’eux pour ne pas manquer du regard, leurs compatriotes. Ils doivent s’assurer en même temps que leurs actions quotidiennes les conduisent là où ils veulent aller et permettent de transformer la volonté en actes et de construire le futur que l’on a choisi, tout en étant continuellement attentif aux aspirations du peuple et à la voix de Dieu.

L’un des vrais problèmes en côte d’ivoire c’est que les gens n’ont plus la crainte de Dieu. Beaucoup de nos concitoyens, surtout les politiciens et les décideurs, sont des « croyvaillons ». Ce sont des mauvais et faux croyants, des croyants spectaculaires et ostentatoires qui courent après les honneurs même dans les temples, les églises et les mosquées. Les gens vont à la mosquée, à l’église et au temple parce qu’on leur réserve les premières places et des honneurs. Il nous faut retrouver la crainte de Dieu et le sens des choses et nous verrons de la rectitude dans les comportements et les choses. Ils font de Dieu leur banal voisin et ils sont de vrais adorateurs des chamanistes ou marabouts. On connaît Dieu et on le clame mais on ne l’adore plus et on piétine ses commandements. On est dans un pays où les talents ne compétissent pas et la raison humaine ne gouverne pas. Ce sont plutôt les marabouts des uns et des autres qui rivalisent en nuisance et exploits, compétssent et dirigent. Ils se font adorer à travers les rites réservés à Dieu. Le pouvoir est divin et la perte du sens de la divinité le corrompt et rend orgueilleux, d’où nos souffrances, les désillusions et les dysfonctionnements dans tous les régimes qui se sont succédés en Côte d’Ivoire. Les gens rusent avec Dieu.

Je suis entouré, du fait de mes activités professionnelles et sociales, de hauts fonctionnaires et je suis amené à rencontrer fréquemment des décideurs politiques de hauts niveaux et de premiers plans. Or, il est devenu très courant, dans ce milieu, de faire l’éloge d’une personne que l’on qualifie alors souvent de “brillante”, pour son sens politique. Il était intéressant pour moi, qui déplore la disparition (au moins) dans notre Côte d’Ivoire de vision politique ou de vision du monde, de me pencher sur ce qui était entendu par cette expression. J’espère qu’elle offrirait peut-être, sous la forme d’une prise de conscience, un signe d’espoir pour la revalorisation du politique. En politique, le principal ce n’est pas d’être prêt. Le principal c’est d’être prêt pour se mettre en chemin, le chemin de l’apprentissage et de la maturation. La politique est un apprentissage infini. Il existe quatre types de politiciens : les politiciens mineurs, les politiciens majeurs, les politiciens avertis, les politiciens accomplis. Le drame de notre monde aujourd’hui, surtout en Afrique, c’est que des mineurs se croient « accomplis » parce qu’ils se font remplir pompeusement, billets de banque à l’appui, quelques lieux de meetings, soigneusement filtrés par des serveurs de thé et bruyants allocataires de fidélités ennuyeuses, et des « pseudo-accomplis » règnent.  Attention: nos peuples grandissent en lucidité et n’accepteront plus pour longtemps certains dévoiements. Sachons donc lire la météo politique pour nous y engager avec les tenues appropriées. Car l’hiver et la canicule politiques sont imprévisibles.

Repensons la vision d’une Côte d’Ivoire où il y aura du travail, de la santé et de quoi à manger pour tout le monde…

Docteur Pascal ROY

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