André Silver Konan
Journaliste-écrivain

Abidjan, le 18-12-14 (lepointsur.com)- Il y a quelques mois, un chauffeur de taxi, plus pressé que les autres automobilistes au carrefour de l’église Sainte Cécile des Deux-Plateaux (Abidjan), n’a pas voulu respecter la file de voitures, a emprunté le trottoir, manqué de renverser une fillette, et est allé cogner, dans sa folle course, un regard d’égout en béton, qui a endommagé sérieusement son pare-choc et brisé l’un de ses phares avant. Je faisais mon footing quotidien et j’ai soigneusement relevé le numéro de téléphone qui était inscrit sur la voiture.

Occupé tout au long de la journée, je n’ai appelé le numéro relevé sur le taxi, que le lendemain. C’était celui du propriétaire. Je lui ai alors décrit la scène, dans l’intention de lui faire comprendre qu’il avait intérêt à sensibiliser son chauffeur, sur le respect des autres usagers de la route. Savez-vous ce qu’il m’a répondu ? Il m’a laissé entendre que son chauffeur lui avait rapporté que le taxi avait été cogné par un automobiliste qui avait pris la fuite.

Depuis cette date, je n’hésite plus à relever les numéros de téléphone sur les véhicules de transport et à signaler les agissements délictueux. Ainsi, ai-je une fois signalé un conducteur particulièrement inconscient, qui roulait à tombeau ouvert, sur le boulevard lagunaire et qui faisait des queues de poissons spectaculaires, alors qu’il transportait des enfants qui allaient à l’école. Quand j’ai appelé le numéro, la dame au bout du fil m’a répondu que j’étais la deuxième personne, en moins d’une semaine, qui signalait ce conducteur et qu’elle allait prendre des dispositions, avant que l’inconscient ne commette l’irréparable.

Plaidoyer

Mon plaidoyer s’adresse donc aux propriétaires de véhicules de transport : c’est vous qui perdez quand vos véhicules causent des accidents, souvent tragiques et vous ne pouvez pas imaginer les explications bidon que vos conducteurs vous servent, pour couvrir leurs propres fautes. Vous ne perdez donc rien à inscrire de façon tout à fait visible, vos contacts téléphoniques ou les contacts téléphoniques d’un gérant, sur vos véhicules. Cela a des avantages considérables. D’abord, des clients potentiels peuvent faire des réservations, à partir de ces contacts. Ensuite, vos conducteurs indélicats peuvent être signalés à tout moment, afin que vous preniez des dispositions idoines, avant qu’ils commettent le pire. Enfin, les numéros sont utiles en cas de braquage de votre véhicule.

Mon plaidoyer s’adresse aussi et surtout aux autorités. Je pense qu’il est juridiquement possible qu’un arrêté soit pris, en vue de rendre obligatoire, l’inscription de contacts téléphoniques et du nom de l’entreprise propriétaire (si le véhicule n’appartient pas à une personne physique), sur tout véhicule de transport de personnes, y compris les véhicules de transport de personnel et les bus d’écoliers.

En Afrique, à force de « laisser pour nous à Dieu » (pas sûr que Dieu Lui-même, qui a tellement de choses plus urgentes et plus sérieuses –Ebola, guerre, terrorisme, famine, etc.- à régler dans le monde, prenne votre petit problème d’accident au sérieux, surtout qu’Il a délégué ce pouvoir de justice aux hommes), l’impunité devient la règle. Il est temps qu’on commence à avoir la culture de la plainte, donc de la justice, pour que les hommes fassent leur travail. Dénoncer un conducteur imprudent, qui met potentiellement la vie de ses passagers en danger, est un acte citoyen et moral, non une délation. Qui vivra verra !

André Silver Konan

Journaliste-écrivain

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