Au Mali, l’attentat de Gao fait au moins 60 morts et 115 blessés
Un attentat-suicide a fait plus de 60 morts mercredi à Gao, principale ville du nord du Mali. Il visait les combattants de groupes armés signataires de l’accord de paix et a été revendiqué par Al-Qaïda au Maghreb islamique.
Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a annoncé un deuil national de trois jours à la suite de l’attentat perpétré la veille à Gao, le plus meurtrier de l’histoire récente du Mali. Dans une allocution télévisée, il a annoncé au moins 60 morts et 115 blessés, sans préciser si ce bilan incluait le ou les auteurs de l’attentat. La Mission de l’ONU au Mali (Minusma) a évoqué «des dizaines de morts», ainsi que «des dizaines de blessés». Des corps ont été déchiquetés et des membres projetés par l’explosion, très puissante, selon un témoin.
Des groupes signataires de l’accord de paix. L’attaque a visé un camp regroupant quelque 600 combattants appartenant à la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, ex-rébellion à dominante touareg), ou à des groupes armés pro-gouvernementaux. Ils ont été frappés alors qu’ils se préparaient pour les patrouilles mixtes prévues par l’accord de paix signé en mai-juin 2015 entre Bamako et ces différents groupes armés. Ces patrouilles, auxquelles doivent également se joindre des militaires maliens, sont censées préfigurer la refonte d’une armée malienne unitaire.
Au moins 5 kamikazes. Le gouvernement malien a fait état de «5 kamikazes» parmi les tués. Dans sa revendication, le groupe du djihadiste algérien Mokhtar Belmokhtar, rallié à Aqmi depuis plus d’un an, n’a cité qu’un auteur. Il l’a identifié comme «Abdelhadi al-Foulani», indiquant son appartenance à l’ethnie peule, dans un communiqué publié par l’agence mauritanienne Al-Akhbar et par SITE, centre américain de surveillance des sites jihadistes. Le même groupe avait déjà revendiqué l’attentat suicide à la voiture piégée contre l’aéroport de Gao, à quelques centaines de mètres de là, le 29 novembre 2016.
Le véhicule utilisé dans l’attentat était aux «couleurs du Mécanisme opérationnel de coordination» (MOC), chargé d’organiser ces patrouilles, a souligné le président malien, s’indignant de cette «manière traîtresse». Un combattant rescapé a dénoncé les défaillances des mesures de sécurité. «Pour faire les patrouilles mixtes, il faut faire le cantonnement (des groupes armés, ndlr) et désarmer les gens, à ce moment (là), il y aura la paix», explique-t-il. «Sans le désarmement et le cantonnement, la patrouille mixte, c’est un piège pour nous tuer».
Condamnations à Paris et Washington. La médiation internationale et les parties signataires de l’accord ont condamné «un attentat lâche et meurtrier commis par les ennemis de la paix». François Hollande a condamné l’attentat qui a frappé «les forces regroupées pour participer au processus de patrouilles mixtes dans le nord du pays», réaffirmant le soutien français à l’accord de paix. Les Etats-Unis ont eux aussi condamné le «lâche» attentat de Gao. «Nous condamnons aussi dans les termes les plus fermes tous les efforts pour faire dérailler l’application de l’accord de paix au Mali», a déclaré le porte-parole du département d’Etat américain, Peter Kirby.
Près de cinq années de troubles. Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda à la faveur de la déroute de l’armée face à la rébellion, d’abord alliée à ces groupes qui l’ont ensuite évincée. Ces groupes en ont été en grande partie chassés à la suite du lancement en 2013, à l’initiative de la France, d’une intervention militaire internationale, qui se poursuit actuellement. Mais des zones entières échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères, régulièrement visées par des attaques meurtrières, malgré la signature de l’accord de paix, censé isoler définitivement les jihadistes, et dont l’application tarde à venir.
Leparisien.fr avec AFP