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M. Drissa Ouattara, le chef de terre de Bouna parle #civbouna


-‘’Que chaque partie joue sa partition dans l’honnêteté et la confiance’’

Dans cet entretien, M. Drissa Ouattara, chef de terre de Bouna revient sur les évènements douloureux et propose sa solution pour le retour à la cohésion sociale.

Monsieur le chef de terre, où en êtes-vous avec la cohésion, après la visite du président Alassane Ouattara à Bouna?

M. Drissa Ouattara, le chef de terre de Bouna

M. Drissa Ouattara, le chef de terre de Bouna. Ph.S.K.

Après le passage du chef de l’Etat, Alassane Ouattara, je continue d’appeler à l’apaisement. Mais, quand un père donne des conseils à son fils dans ce sens, que l’enfant ne sait pas quoi faire, il se réfère aux aînés. Il demande conseil à un sage en disant: “Papa j’ai fauté, montre- moi la voie du pardon”. Et ce dernier lui montre, soit la voie de l’alliance inter-ethnique, soit un autre moyen traditionnel de règlement de litiges. Mais, bon…

Soyez plus explicite…

Il y a de cela quelques années, quand Bouna recevait un hôte de marque, chaque  communauté apportait son don à son chef central. Les différents chefs centraux des différentes communautés ethniques réunissaient les différents dons que l’on remettait au roi. C’est le roi qui, au nom de ces communautés, remettait ces présents à cette personnalité au nom du peuple de Bouna. Mais, depuis les années ‘90, ce n’est plus le cas. La communauté Lobi a décidé de faire passer ses présents par son chef qui les remet directement au nom de sa communauté et non à celui du peuple de Bouna.

N’est-ce une révélation grave susceptible de réveiller les antagonismes et retarder davantage la réconciliation, Monsieur le chef de terre?  

Vous savez, dans un groupe, ce n’est pas tout le monde qui est d’accord sur certaines décisions que vous prenez à huis clos. Nous sommes informés des conciliabules que tiennent les cadres et élus de cette communauté. Elle a même décidé de construire un royaume ici. Nous sommes au courant, mais nous ne disons rien. Nous savons où cette communauté tient ses rencontres. Aujourd’hui, nous les chefs de terre, nous disons que la guerre est finie, donc qu’on pardonne!

Mais ce n’est pas le constat que nous avons fait…

‘’Après le passage du chef de l’Etat, Alassane Ouattara, je continue d’appeler à l’apaisement’’.Ph.S.K

‘’Après le passage du chef de l’Etat, Alassane Ouattara, je continue d’appeler à l’apaisement’’.Ph.S.K

Comment ça? Pour tout ce que nos communautés ont vécu avec les peulhs et leurs alliés, en notre qualité de chef de terre, on pouvait chasser tous ceux qui ont fait incendier des campements, tué et pillé, mais nous ne l’avons pas fait. Pour être clair avec vous, c’est le roi et moi qui étions visés dans ces attaques. Si les miliciens avaient mis la main sur nous, ils auraient crié victoire. Je le dis parce qu’ils ont traversé tous les quartiers, notamment Dassikélédougou, Golotcha jusqu’au marché, armes aux poings, en scandant qu’ils cherchaient la cour royale.

Quand j’ai été informé, j’ai pris mon fusil et je me suis dirigé dans la maison de mon grand-père, Handjèrê, le fondateur de Bouna, pour confier notre sort à nos ancêtres. C’est la soeur de mon grand-père, Handjèrê qui a donné naissance à Bounkani. C’est son nom que la région porte aujourd’hui. Après m’être confié aux ancêtres, je suis sorti pour me rendre à la cour royale. La force de nos ancêtres nous a permis de repousser tous ces assaillants loin du marché qui jouxte la cour royale. Mes frères et moi étions en train de mener la bataille contre les miliciens quand nous avons reçu plus tard, le soutien des forces de l’ordre. C’est dans leur débandade que les assaillants ont mis le feu au marché.

Donc, vous êtes armé?

Oui, je tiens un fusil de mon grand-père qui, lui aussi, l’avait détenu de son grand-père. C’est un héritage. Ce n’est pas un fusil pour tuer quelqu’un, nous nous en servons pour protéger la famille. La preuve, avec la puissance des génies, nous avons repoussé les assaillants, sans tirer un seul coup de feu. Nous, nous ne versons pas de sang, même pour égorger un poulet, je me réfère à quelqu’un pour le faire à ma place.

Quels sont les signes véritables d’une paix durable?

Les éleveurs nous ont approchés pour nous demander pardon, pour le sang versé, parce que nous sommes chef de terre. Ils ont posé le même acte à la cour royale, mais la communauté Lobi, qui est accusée, refuse d’en faire autant.

Voulez-vous dire que les différentes communautés se regardent encore en chien de faïence?

Ce n’est pas moi qui le dis, mais je pense  que vous avez, vous-même, fait le constat. Ce que vous ne savez pas, c’est que plusieurs familles de cette communauté sont rentrées au Burkina-Faso de peur de représailles.

Pourquoi, dans la mesure où vous, les chefs de terre,  soutenez que vous ne versez pas de sang?

‘’Pour être clair avec vous, c’est le roi et moi qui étions visés dans ces attaques.’’ Ph.S.K

‘’Pour être clair avec vous, c’est le roi et moi qui étions visés dans ces attaques.’’ Ph.S.K

Effectivement, nous n’allons jamais verser de sang. Mais ces familles sont rentrées parce qu’elles savent ce que leur communauté manigance. Elles sont au courant des décisions de provocation qu’elle prend à l’endroit des chefs de terre. Comme ces familles ne veulent pas être complices et cautionner de tels agissements, elles préfèrent se retirer d’où elles sont venues.

Mais, chaque chef de communauté nous dit que la guerre est finie. Même vous, vous tenez le même langage. Que voulez-vous que nos lecteurs retiennent aujourd’hui?

Nous avons un seul roi, c’est chez lui que celui qui a tort doit se rendre pour reconnaître  et avouer son forfait, demander pardon afin qu’on oublie ce qui s’est passé. C’est vrai que le président est passé, mais il faut que chaque partie joue sa partition dans l’honnêteté et la confiance.

Actuellement, notre sol est souillé de sang, il faut faire des sacrifices pour demander pardon aux ancêtres. Pour le faire, il faut que ceux qui sont à la base des tueries reconnaissent leur tort. Une fois que cette importante étape est franchie, nous, chef de terre, nous pouvons nous tourner vers nos ancêtres pour implorer leur pardon.

Entretien réalisé à Bouna par Sériba Koné

 

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