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Le lycée Scientifique de Yamoussoukro se meurt


Une piscine « olympique » remplie d’une eau verdâtre, des laboratoires de chimie à l’abandon, des murs sur le point de s’écrouler : notre Observateur a pu documenter en photos l’envers du décor du Lycée scientifique de Yamoussoukro, présenté comme l’un des plus prestigieux établissements de Côte d’Ivoire. Un exemple, selon lui, du favoritisme dont bénéficie Abidjan par rapport à la capitale politique ivoirienne.

Construit en 1975 à l’initiative de Félix Houphouët-Boigny, premier président de la Côte d’Ivoire, avec pour vocation de former les futures élites, cet établissement scolaire a été le premier « lycée d’excellence » du pays, qui en compte aujourd’hui quatre, dans lesquels les élèves sont pré-sélectionnés sur dossier.

« Sur le papier, le lycée est tout à fait attractif, mais les étudiants déchantent vite »

Wilfred MIAN

Wilfred MIAN

Notre Observateur Mian Kouadio a étudié dans ce lycée de 2006 à 2009. Membre de l’association des anciens du lycée, il y est retourné pour prendre une série de photos et vidéos : aujourd’hui, le prestigieux établissement s’effondre de toutes parts.

Je suis très investi au sein de l’association des anciens : notre but est d’aider les lycéens à défendre leurs droits et à étudier dans de bonnes conditions. Depuis que j’ai quitté l’établissement, j’ai vu la situation se dégrader considérablement : le lycée n’est plus entretenu, tout tombe en ruine.

Déjà à mon époque ce n’était pas fameux. Pourtant, c’est un lycée sélectif, réputé le meilleur de Côte d’Ivoire : les élèves y rentrent sur dossier. C’est également l’un des seuls lycées mixtes du pays à disposer d’un internat, ce qui permet aux élèves de tout le pays de postuler pour y entrer. Sur le papier, le lycée est tout à fait attractif : infrastructures sportives, salle de spectacle et de conférence, cadre exceptionnel, piscine…

Mais en arrivant dans le lycée, les étudiants déchantent. La piscine « olympique », qui devait accueillir des compétitions nationales et les séances d’entraînement des sportifs, est aujourd’hui vidée et ressemble à un marécage. Le gymnase est également en ruine. La grande salle, notamment construite pour les conférences, n’existe plus. Ce n’est plus qu’un tas de fauteuils en piteux état. Il n’y a plus d’infirmerie.

Dans les salles de classe, on trouve le strict minimum : des tables, des chaises et un tableau à craies. Il faut noter que les vieilles tables en bois ont été changées récemment, c’est déjà ça. Mais les laboratoires de physique-chimie sont hors d’usage : il n’y a plus de matériel donc ils ont été condamnés.


« Tous les efforts se concentrent sur Abidjan »

Dans les couloirs, la peinture est écaillée, certains murs partent en lambeaux et il y a des tâches d’humidité sur les plafonds. Ce qui m’a le plus choqué, c’est l’état de la cantine : tout y est sale, les fours sont tous abîmés et niveau hygiène, c’est zéro. Des élèves m’ont confié que la nourriture était très mauvaise.
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Avec l’association des anciens, ce n’est pas la première fois que nous faisons remonter le problème. Nous avons déjà interpellé la presse nationale et organisé un rendez-vous en décembre dernier avec le directeur de cabinet du ministère de l’Éducation nationale. Ce dernier a pris très au sérieux nos revendications, mais pour le moment rien n’a changé. En avril, nous avons organisé une collecte grâce au réseau des anciens. Le lycée a reçu des poubelles et quelques pots de peinture. Même si l’on nous répète que c’est une question de budget, je m’étonne de voir que les lycées d’excellence à Abidjan sont en meilleur état : comme si tous les efforts se concentraient sur la capitale économique, où se situent toutes les institutions…

« Le fonctionnement du lycée coûte déjà très cher : les élèves ne paient pas de frais de scolarité »

Contacté par France 24, le proviseur de l’établissement, Henry Koula, s’est également montré très inquiet pour l’avenir de son lycée.

Je suis en poste depuis six ans et j’ai en effet assisté à la dégradation du lycée. En 2010, un projet de réhabilitation avait été lancé, mais la crise politique qui a éclaté à ce moment-là a empêché sa concrétisation. Je suis régulièrement en contact avec la ministre de l’Éducation nationale, qui m’a assuré être en train de se battre pour obtenir le budget nécessaire pour remettre l’établissement sur pied.

Le problème, c’est qu’aujourd’hui la réhabilitation va demander de gros travaux : il faut tout reconstruire. En plus, le fonctionnement du lycée est déjà très coûteux : ici, les élèves reçus sont accueillis en internat et ne paient pas de frais de scolarité. Pour le moment, le lycée reste attractif et nous recevons encore de nombreuses candidatures, mais il ne faudrait pas qu’il perde de son prestige.

Contactés par France 24, le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de la Jeunesse se renvoient la balle. Difficile donc de savoir qui est responsable de la maintenance de l’établissement.

En juin 2015, François Amichia, ministre des Sports et Loisirs, était venu visiter les infrastructures sportives du Lycée scientifique. Il avait alors expliqué l’état de dégradation de celles-ci par le « manque d’entretien » de la part des étudiants.

Source: observers.france24.com

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