Editorial

Lettre au Président Ouattara


Ce Courrier d’un lecteur, d’un correspondant de www.lepointsur.com, nous apparaît de grande importance, surtout qu’il émane de la Voix du peuple, que nous avons décidé de le publier en éditorial.

« LE POINT SUR » ouvre ses portes et ses colonnes à tous ceux qui ,témoins de l’Histoire, des faits, militent pour la Liberté, la lutte sans aucun répit contre la corruption, la Démocratie, l’Etat de Droit et la Bonne Gouvernance.

A Son Excellence, Monsieur le Président de la République

Bonjour monsieur le Président.

Je sais que mes frères vous éliront encore l’année prochaine. J’aurais appris que vous comptez vous retirer après 2020. A qui profitera donc l’émergence ? Non, restez encore… de toutes les façons, nous vous y conduirons.

Excellence, est-ce que vous savez qu’entre Abobo et Yopougon, il n’y a que 15 kilomètres… Donc en voiture si je respecte la vitesse maximale cela devrait me prendre juste une dizaine de minutes pour me rendre à Yopougon. J’habite Abobo. Exagérons un peu monsieur le Président, avec les feux et panneaux stop, un peu de ralentissement, je me dis qu’on pourrait facilement atteindre les 30 minutes mais surtout pas 2 heures. C’est par contre, ma triste réalité quotidienne, ce n’est pas de votre faute. Déjà qu’avec vous, le pays est en train d’avancer…

Excellence, je sais que vos enfants dans le temps vous accueillaient avec beaucoup de joie à votre retour à la maison. Les miens aussi ont pris de l’âge, mais habitent toujours avec moi… pas encore de boulot malgré les promesses des ministres. A peine, je les vois quand je rentre, ils dorment déjà. Le matin aussi, je dois quitter très tôt sinon mon patron me renverrait si jamais j’accuse un retard. Il ne me croit plus quand je lui dis qu’il y a trop d’embouteillage.

Mon Président, je ne veux pas m’éloigner de mon sujet mais, il parait qu’on est nombreux là-bas à Abobo… On y prend un bain de foule à toute heure de la journée. Souvent, je me mets dans la peau d’un président, mais personne ne me regarde vraiment. Tous des passants ou vendeurs. Peut-être c’est à cause d’eux que je mets deux heures sur la route entre la maison et le travail, tous les jours !

Depuis la guerre, il y a certains d’entre eux qui ne sont plus repartis. Ils portent, vous savez, ces treillis… Ces tenues militaires avec tellement de variations que l’uniformologie a perdu son verbe. On est nombreux et Abobo est surpeuplé…

Dis, il y a longtemps qu’on ne vous a plus vu chez nous avec votre ami Toungara. La rumeur dit qu’il est notre maire. Mais je le vois souvent à la télé avec les autres ministres… Comme il n’ya plus de maire, la mafia s’est installée. Il y a ces gens-là qui retardent mon « gbaka » à tous les arrêts. Ils l’immobilisent tant que le pauvre apprenti ne leur donne pas quelque chose. Mon voisin de siège dit qu’on les appelle « syndicat ». Je vais essayer de mettre mon aîné dedans. Il pourra aussi s’asseoir sur leur banc, le long de la route et recevoir de l’argent après avoir un peu brutalisé l’apprenti. Tu peux lui faire confiance, il a un gabarit impressionnant. Il aura au moins quelque chose à faire au lieu de tout manger à la maison au détriment de ses frères.

Mon Président, je ne sais plus où commence la route et où elle prend fin. Il y a longtemps les traits se sont effacés. Tout le monde a construit des boutiques en bordure des rues et l’affluence de leur magasin encombre le trottoir. D’autres étalages, il y a en tellement, meublent pêle-mêle ce qui reste du trottoir. Ma sœur s’est fait injuriée la fois dernière parce qu’elle a eu l’audace de passer derrière une de ces vendeuses. Cette dernière lui a remonté vivement les bretelles, elle a dit que le passage c’est par devant. Elle a même failli se faire bastonner pour avoir répondu. Les vendeuses disent que le pouvoir est dans leurs mains maintenant. Dites-moi qu’elles font du bluffe, parce que je sais que les pouvoirs, vous les avez tous… Certains vont jusqu’à occuper inexorablement la portion de route proche du trottoir réduisant d’avantage la chaussée. Il faut voir comment il marque leur territoire avec ces énormes pierres, ces amas de pneus, branches et autres. Les voitures ont grand intérêt à les éviter, sinon ils y laisseront leurs pare-chocs ! Nos plus grandes routes n’ont que trois voies… Une est prise par les vendeurs, tandis que les autres sont transformées en parkings, garages ou voies express selon l’humeur des usagers. Au niveau de Coco Service, le coin qu’ils ont transformé en marché de bétails, il y a ces bennes à ordures qui occupent toute une voie, le tarmac affaissé et éprouvé par les liquides qui suintent de tous ces sachets qu’on jette à longueur de journée. Vous savez qu’il n’y a que deux entrées à Abobo ! Je vous parle de celle du côté de l’autoroute qui accueille avec cette forte odeur de bêtes trahie de senteur d’excréments et d’urine l’usager qui l’emprunte. Enfin, les marchés ! Ils sont si spontanés, de véritables chefs d’œuvres… on les croirait omniprésents. J’ai perdu mon compte des lavages autos avec le zèle de ceux qui y sortent, véhicules cirés pour regagner l’autoroute. La priorité est à eux… Alors, comment et où devrions-nous circuler avec tous ces goulots qui étranglent nos rues?

A la seconde entrée d’Abobo, du côté du Dokui, il y a cette large affiche publicitaire dénonçant le racket. Mais c’est justement à l’ombre que celle-ci produit que se cachent ces gens aux ventres bedonnants pour racketter. Ils ne se cachent plus d’ailleurs. Il parait que c’est ainsi qu’est devenu la police nationale, Dieu merci, cela n’est pas uniquement circonscrit à ma commune. Hélas ! Ils me font perdre aussi du temps.

Mais plus grave encore : Excellence, savez-vous que les Abobolais sont ingénieux ? Ils ont transformé les caniveaux en poubelles et latrines publiques, les égouts en dépotoirs, les garde-fous en casseroles ou fourneaux… Les vendeurs d’eau et autres sont de vrais saltimbanques. Il faut les voir esquiver les véhicules ou les courir après pour de la monnaie… Les gens qui vous ont élu mangent tout et n’importe quoi qui se vend sur la route et les emballages sont jetés sans état d’âme par la fenêtre des véhicules. Hier, il y a eu une chaude dispute dans le bus parce que la dame du siège de devant à cracher par la fenêtre. Le voisin de derrière la dame s’en est pris quelques gouttes au visage. Abobo aurait dû être propre si les vendeurs étaient sommés de nettoyer après leurs clientèles, je pense que beaucoup de choses s’amélioreraient.

Mon Prési, j’ai vu à la télé une invention au Japon que les américains ont repris : ils clôturent leurs autoroutes… Ça va faire beaucoup de ciment pardi! Mais sûrement du travail pour tous. Mon second est bon maçon, il s’éclatera… J’espère que ces barrières ne finiront pas comme celles le long du boulevard Nangui Abrogoua à Adjamé !

De vrais murs, pas méchants du genre Berlin ou Jérusalem de sorte que les gbakas ne puissent plus stationner où bon leur semble. D’où une certaine fluidité dans la circulation. Ses murs sauront contenir le gaz carbonique que dégagent les voitures, afin que le soleil les dégrade en quelque chose de moins nocif. D’ailleurs, au Sommet Mondial sur le Climat, j’ai beaucoup aimé votre discours à New York sur la version du réchauffement climatique en Côte d’Ivoire. Aussi, les passants pourront-ils traverser à des endroits précis, passages cloutés, ponts de traverse. Du coup, on réduirait les fatalités liées aux accidents véhicules-hommes. Un autre point à souligner Excellence, c’est le fait que la pollution sonore sera contenue, il restera seulement à étendre la sensibilisation à tous ceux qui ne savent pas que le klaxon ne s’utilise pas en agglomération.

Et puis, le parc automobile ivoirien est très vieux, très dégradé. Les vieux véhicules importés d’Europe, de l’Occident, ne peuvent pas être à la hauteur des défis du développement de notre pays. Ces véhicules dégagent des gaz et fumées qui bientôt créeraient des maladies respiratoires, pulmonaires et cancérogènes, alourdissant les charges et prestations de notre système de nôtre système sanitaire corrompu, inefficace, homicidaire et budgétivore. Personne ne sanctionne, personne ne contrôle et personne ne parle. Presque tous, surtout ceux qui sont chargés de faire fonctionner l’administration et l’Etat, cèdent à la corruption pour ne pas faire leur travail, pour tromper et trahir le devoir sacré qu’ils ont d’être de bons et loyaux serviteurs de l’Etat. Le peuple, le pays attend de vous que les enquêtes pénales, judiciaires et administratives menées soient communiquées au peuple qui a l’impression que, de ce côté, vous avez laissé faire, laisser-aller

Un peu d’ordre et je suis sûr qu’il me faudra juste 15 minutes pour parcourir mes 15 kilomètres pour me rendre au travail.

Eyann.

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