LES VENTS ET LE BEC DU TOUCAN (Simple avis)
Un jour, les vents, de la bise au typhon en passant par la brise, la tornade, l’ouragan… se rassemblent. Au lieu de secouer les arbres pour faire tomber les fruits comme d’habitude, ils préfèrent faire tomber certains d’entre eux qui portent des fruits mûrs très délicieux. Les hommes accourent, les ramassent et les dégustent avec appétit. Certains se montrent trop gourmands même.
En pareille circonstance, doit-on oublier les bienfaits des vents ? En principe, non. Malheureusement, les vents sont oubliés. Leur chef Tagobo crie alors « ingratitude ». Il menace de faire payer aux bénéficiaires leur ingratitude, ces bénéficiaires qui ne reconnaissent même pas que c’est grâce à eux qu’ils dégustent ces fruits juteux et succulents. Le chef qui gêne par ses jérémiades et ses menaces incessantes est banni. On lui demande de ne plus s’asseoir sur aucun arbre du village. Même sur les arbres des villages voisins, il est pourchassé. C’est lui qui a commandé l’action des vents, mais ce n’est pas lui qui a créé les arbres. Aujourd’hui, le chef des vents se promène comme une âme en peine, de village en village. Certains de ses amis vents plus conciliants et plus chanceux sont admis à partager quelques fruits.
Quant à l’oiseau Toucan appelé Nanok, sa situation n’est guère enviable. Avec son bec d’oiseau de bon augure, il a chanté et rassemblé les autres oiseaux : grues couronnées, calaos, perroquets, phénix, perles, même les pies et les moineaux. Il les a invités à jurer que quand il dit « a » ils doivent dire aussi « a ». Ce qui a été suivi. Quand il disait de travailler dans le champ de son ami OA, tout monde s’y rendait. À deux reprises, Nanok a demandé à ses parents oiseaux de suivre ses consignes. Le champ de son ami OA donne aujourd’hui de très bonnes récoltes. Nanok demande à son tour que son ami et les siens viennent l’aider à faire son champ. Refus catégorique. C’est la séparation. Le Toucan crie lui aussi « ingratitude ». L’oiseau de bon augure est devenu oiseau de mauvais augure.
Au début de l’année, son bec a prononcé un petit mot. Mal lui en a pris. On l’a recadré. On lui a dit de rester dans les arbres, de ne pas descendre vers les ordures sinon « c’est pas bon pour lui ». On l’a supplié » ya ya, yaki, i sabari, atodè ». On pensait qu’il avait compris cette mise en garde très appuyée et très applaudie. Nenni. Six mois après, il s’est oublié et il a rouvert son bec de mauvais augure. Là, ils ne l’ont pas loupé. Bouches groupées venues d’en haut comme d’en bas, réseaux sociaux, ils l’ont » loumé » mal. On a dit même que s’il récidive, il ira à la Cama pour être corrigé et mis sur la voie des sages.
Le même bec, dont appréciaient les chants qui appelaient au rassemblement autour d’OA, est devenu comme klouaba. Dès que ce bec émet un petit son, c’est l’hystérie, ce sont les injures qui le clouent. L’oiseau de bon augure est devenu mauvais augure, et avec son bec. Ce bec doit désormais se contenter de picorer ce que son ami OA lui a donné; il doit rester perché en haut. « S’il descend vers les poubelles, ça ne sera pas bon pour lui. »
Ainsi va la vie chez nous comme chez les autres créatures de Dieu.
Une contribution de Pascal KOUASSI