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[Le père et le fils liés par la date du 17] Le père, inhumé le 17 août 1990, le fils inhumé le 17 juillet 2020 (Par Fernand Dedeh)


À Barthelemy Zouzoua Inabo: C’est une famille meurtrie qui va déposer le corps de son fils, de son frère, d’un homme au destin contrarié, brisé, aux côtés de son grand-père et de son père dans le caveau familial, dans le quartier Soba de Korhogo. Clap de fin dans le monde physique pour ton parrain. Mais ici à Korhogo et surtout dans le monde du Poro, la mort ne signifie pas disparition. Mourir, c’est renaître.

Compassion nationale

J’ai observé le défilé des différentes régions du pays devant la dépouille de ton parrain. Conclusion, au-delà de la politique, chaque région du pays, les populations du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, ont une relation particulière avec la famille Gon. En pays Bhété, on parle de « Kwama -kwama ». Tu viens à mon secours dans mes moments de joie ou mes moments de peine, je te rends la pareille. Tous les porte-paroles des populations qui ont défilé, ont rappelé les rapports de leurs régions ou populations à la famille du disparu ou à l’homme lui-même.
En pareilles circonstances, le coeur parle plus que les dons ou le matériel.
Ton Camarade et Gnian Gougouessi sont arrivés à Korhogo pour la der des ders. Le moment où le monde du silence et celui du monde physique se croisent et se séparent. Et laisse la place aux souvenirs.

Inhumation, selon le rite religieux musulman

Avant l’inhumation dans la plus stricte intimité familiale, prière du vendredi pour le musulman que ton camarade fut, suivie de la prière mortuaire à la grande mosquée de Korhogo.

« Nous respectons la volonté de la mère. Autrement, nous aurions sorti nos grelots, nos tam-tams, nos balafons. Nous aurions exigé que les rites traditionnels soient respectés. Et là, les choses allaient prendre une autre tournure», souffle un initié au Poro. Parce que ton parrain est un poroman convaincu. Il a réalisé tout le parcours initiatique. Comme son père,

Similitudes troublantes entre la vie du père et celle du fils

Les obsèques du fils est un copié-collé de celles du père. Elles ont drainé du monde à Korhogo. Tout ce que la Côte d’Ivoire compte de décideurs et/ou de forces vives. « Korhogo est devenue Abidjan. Des voitures partout. Nous ne connaissons pas ici. Nous sommes habitués aux motos… », plaisante un sergent-chef de police.

C’est le ministre Eric Kahe, fils adoptif de la famille qui a levé un coin de voile sur les similitudes entre la vie de Gon père et de Gon fils: tous les deux ont été musulmans, ingénieurs des travaux publics, députés. Ils sont décédés à 61 ans, au mois de juillet. L’un, en juillet 1990, l’autre en juillet 2020. Inhumés à un mois d’intervalle. Le fils en juillet, le père en août.

Le père, inhumé le 17 août 1990. Le fils inhumé le 17 juillet 2020

Lors de l’inhumation du pater, les initiés au Poro n’avaient pas accepté de subir le rite religieux. La prière mortuaire n’avait pu se faire à la grande mosquée de Korhogo. Par crainte des mouvements de foule incontrôlables. Brève cérémonie de prière par les dignitaires religieux devant le cercueil.

Les poromen avaient cependant jalonné le chemin qui menait au caveau. « Le long du trajet, les groupes traditionnels avaient déployé leurs instruments de musique, cornes, trompes et tambours, dans une étonnante cacophonie », raconte un témoin de l’époque.

Le père avait été inhumé, le vendredi 17 août 1990. Le fils le sera, le vendredi 17 juillet 2020.

Météo contre tradition

Korhogo a été mouillée dans l’après-midi, ce jeudi 16 juillet 2020. Mais juste après la cérémonie d’hommage des régions. La météo avait prévu des pluies sur la zone Nord du pays.

Du reste, à l’arrivée du corps de ton parrain, le mercredi 15 juillet 2020, les autres départements du District des Savanes ont été abondamment trempés. Sauf Korhogo. Le jeudi 16 juillet, pendant que la cité du Poro fondait littéralement sous la canicule, au moment de l’expression de la solidarité nationale, Ferké et Ouangolo, Les départements voisins, subissaient les cordes. « Il ne pouvait pas pleuvoir pendant la cérémonie », sourit un fin connaisseur de la tradition du pays Senoufo.
Rien n’est simple en Afrique. Et il ne faut pas toujours exiger des explications à tout…
Bon, je vais observer le mouvement des alliés des Senoufo… Les Koyakas, les Gouros et Les Western… vous allez faire quoi et comment, svp?

Encadré: À Korhogo, c’est boîte de nuit sans masques

La plus grande boîte de nuit de la ville

Les Abidjanais oublient très vite les mesures-barrières ou la maladie à coronavirus une fois à l’intérieur du pays. Les organisateurs ont bien pris soin de distribuer des masques et d’encourager les populations à les porter. C’est peine perdue ou presque. « Le poro a bloqué le virus. Ici, la maladie n’existe pas », rigole ces fonctionnaires exerçant à Korhogo et qui reçoivent leurs amis venus d’Abidjan. Évidemment, personne ici ne porte de masque et ne respecte la distanciation sociale. « Les consignes sont de regrouper les visiteurs entre eux dans les bars et maquis. ».

Un tour dans la plus grande boîte de nuit de la ville. Enceinte fermée. La boisson coule, le DJ aligne les tubes Zouglou, Zoblazo et couper-décaler. Ici, on se lache, défoulement 200% mais sans masques. Quelques rares mélomanes font exception. Mais la grande majorité, c’est sans soucis. Le virus peut attendre à… Abidjan!!!

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