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LA LETTRE A COLETTE/Incivisme dans la perturbation de la circulation à Abidjan, Exploitation de la lagune Ebrié…


LETTRE A COLETTETout est bien, qui finit bien. Ils ont inauguré le troisième pont HKB en grande pompe le 16 décembre 2014. Finies les spéculations sur son coût, sur le délai de remboursement, et sur le rôle joué par celui-ci ou celle là dans sa réalisation. Penchons nous maintenant sur l’impact de l’ouvrage. Quels soulagements et quelles inquiétudes ?

Le premier à être soulagé, c’est bien sure le Président, Alassane Ouattara. Il avait inscrit dans son programme de gouvernement ce qui suit: « … nous reprendrons progressivement la construction de routes neuves revêtues à raison de 200 puis 250 à 300 km par an (…) nous réaliserons effectivement les travaux du 3ème pont Riviera-Marcory (…) nous réaliserons le prolongement de l’autoroute nord, et la voie expresse Abidjan-Bassam (…) nous encouragerons, avec l’appui du secteur privé, la construction des gares routières modernes à travers la ville d’Abidjan (cf. programme de gouvernement du RDR vivre ensemble, Chap. 16, page 61.) » Il l’a dit, et ne l’a pas que dit. D’où le soulagement de ses milliers de sympathisants, parmi lesquels ce vieux Kôyaka, émerveillé face à l’échangeur et  trahi par son accent de « karandjandougou » lorsqu’il disait : « Doctair gbou siraba kè sangasso yé » comme pour dire, le docteur a fait autoroute en étages. Les soulagés, se sont les habitants du grand Cocody (de St Ambroise à la Riviera) et de tout Abidjan-sud, qui pourront finalement battre des records, en se rejoignant en moins de 15 mn, heures creuses, et 30 aux heures de pointe. Enfin si les infrastructures économiques constituent des appâts pour s’attirer les investisseurs, les touristes,  les étrangers… cet ouvrage procédera au rayonnement du pays et partant son développement. Faudra-t-il conclure que le problème immédiat ayant engendré un troisième pont est réglé ?

Ne nous illusions pas et stop au rêve. Rien absolument rien n’est réglé dans la mesure où, bien que facilitant la tâche à certains, l’impact de l’ouvrage risque d’être très éphémère : premièrement, le problème fondamental du transport à Abidjan, c’est le caractère vieillot du parc auto. Depuis la prolifération des « France-Au revoir », accessible à Téma à  400000 FCFA,  le nombre de voitures de plus de 15 ans en circulation a atteint un pourcentage considérable. Le nombre de voitures mis en rapport avec le caractère exigu de la ville, Abidjan est l’une des plus mal loties. Peu d’espaces pour circuler, pour stationner. Qui n’a jamais souffert des injustes sabots des mairies d’Abidjan, combien sont-ils ceux qui après des heures de recherches de parking au Plateau se résignent et finissent par se garer vers St Michel et retournent faire leurs courses dans les tours ? Secundo, le pont ne réglera pas grand-chose à cause aussi des chauffards. Ah oui ! Les plus pressés au monde, les égoïstes, foulant au pied les règles élémentaires des auto-écoles, capables de se faufiler et créer sur un parcours de deux fois une voie, une confusion de deux fois cinq voies. Comment avec un incivisme similaire un pont et un échangeur pourront guérir le mal ?

L’impact de l’incivisme dans la perturbation de la circulation à Abidjan se manifeste aussi via les gares anarchiques nées avec la bénédiction du District. Nous avions pensé que ces espaces de stationnement autorisés par le district, seraient uniquement adjacents aux grandes gares. Hélas, elles poussent partout, quelques fois là, où on les attend le moins : tout l’espace en face de la pharmacie Harras Treicheville,  le carrefour de la Pharmacie Azur Cocody, le terre-plein en face de la pharmacie Delorvie Adjamé, entre la pharmacie Wakouboué et ST André Yopougon (là où les gbambro hurlent à longueur de journée à gauche à gauche, à droite à droite), à l’entrée d’Abobo, zone de « la casse ». Tous ces endroits sont devenus des gares, créant au quotidien un véritable goulot d’étranglement. Que les riverains des deux « bouches » de l’ouvrage s’apprêtent, donc à baptiser les nouvelles gares qui naitront face à leurs portent dans les semaines à venir. Parce qu’à coup sur, le district donnera carte blanche aux syndicats.

Tercio, le pont HKB ne nous sera profitable, tant que tout restera concentré à Abidjan. Quelles sont les structures administratives et privées qui n’ont pas leur siège à Abidjan et singulièrement au plateau ? Présidence, primature, parlement, ministères, banques… tout est concentré au Plateau, alors, considérant que le plateau est le centre naturel de la ville, vue le fait que pour un simple papier, une vérification, le boulot, ceux du sud convergent vers le nord et ceux du nord… il sera donc impossible de voir l’ouvrage jouer réellement son rôle. Un Ouattara respecte toujours sa parole. Ainsi pendant les campagnes il a dit qu’une fois élu, le parlement, certains ministères et mieux lui-même déménageront à Yamoussoukro. Nous avions vue en cette promesse, un désengorgement définitif d’Abidjan. 4 ans après, « Lassina Guidron », après avoir goutté à l’eau de la lagune ébrié, associée aux bungalows reposant d’Assinie, tarde à s’en défaire. Très prochainement un tramway, merci M. Martin Bouygues. Nous en avons tellement besoins que le plus tôt serait le mieux. Entre temps,  si nous profitons des bienfaits de la nature ?  Abidjan baignée de part de d’autre par une lagune, malheureusement sale, sablonneuse, boueuse, peu profonde par conséquent impropre à la navigation. Pourtant, la SOTRA l’exploite et dans le cadre d’un renforcement des capacités d’exploitation, nous même avions participé à une étude de prospection en 2008. Et les résultats ? Comme toujours dans les tiroirs. Alors pourquoi ne pas réétudier ce dossier, ou procéder à un appel d’offre pour une exploitation de la lagune ? Appel d’offre incluant une dépollution, et du dragage par endroit, sachant que les zones les plus profondes de la lagune oscillent entre 4 et 7 M ? Lorsqu’on veut, on peut et c’est la nécessité et l’urgence qui favorisent l’esprit de créativité. Nous ne parlons pas de ferries, ou de Queen Mary, mais juste des modèles adaptés aux conditions de navigation en haut peu profonde. Ceci pourrait être une esquisse de solution pour « épauler » les trois ponts.  Enfin, ce pont risque de ne pas désamorcer la bombe de l’embouteillage, tant que certains compatriotes, se croyant plus en danger que d’autres continueront à édifier des forteresses à l’entrée des citées, pourtant traversées par des routes  prévues pour la fluidité routière, et obstruant ipso facto la circulation.

En définitive, nous avions pensé qu’après avoir en ri, il fallait marquer un arrêt pour en pleurer. Ce pont et partant les dernières réalisations du pouvoir en place sont le symbole de la volonté d’un gouvernant qui ne se bornera à poser des premières pierres. Mais qui est plutôt conscient du fait  que les plans de la futur Côte d’Ivoire ont été tracés par ses prédécesseurs. Il s’agit juste de les sortir et les appliquer, au lieu de s’engager dans des symposiums, journées de réflexions, et séminaires budgétivores. Cependant, autant le HKB nous aidera, autant son impact risque d’être minime sur notre quotidien. Trop d’incivisme, de laisser-aller, et aussi manque d’imagination dans l’exploitation de nos acquis. Le chef d’œuvre risque d’avoir la même caractéristique  que le carrefour indenié : de même qu’on a refusé de régler le problème des eaux de ruissèlement en amont, en nous cantonnant sur l’embouchure, avec le résultat que nous avons chaque saison des pluies, l’Etat nous a offert ce pont comme une des solutions aux embouteillages, sachant que tant qu’on aura pas régulé l’importation des « France-aurevoir », dégagé les gares anarchiques, transféré une grande partie de l’administration hors d’Abidjan, exploiter convenablement la lagune… le pont HKB servira plus  à décorer qu’à raccourcir.

Omar Samson à lundi prochain!

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