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Interview/Prince Kouamé Adjoumani (Prétendant au trône royal Bron) : ‘’Le royaume mérite d’être rétabli dans ses droits’’


‘’Que le peuple Bron emprunte la voie de la franchise et de la vérité’’

CIV-lepointsur.com (Abidjan, le 16-8-2017) Au cours d’un entretien avec lui, le prince Kouamé Adjoumani, héritier légitime du prince Kouamé Adingra et prétendant au trône royal Bron, revient sur la nécessité de rétablir le royaume dans son droit. Pour lui, cela passe par la manifestation de la vérité et de la franchise. A juste titre, il invite les chefs à préserver leur dignité, au risque de bafouer l’image du royaume. Il ne manque pas de revenir sur un pan de l’histoire du prince Adingra. 

Prince Kouamé Adjoumani, vous êtes un sachant, par rapport au royaume. Quel est votre regret aujourd’hui, à la vue du royaume Bron qui reste désespérément sans souverain depuis le décès du 22e roi, nanan Koffi Yéboua ? Et que vous inspire l’état de déliquescence dans lequel est plongée la ville de Tanda ?

Merci de me donner l’occasion de me prononcer sur un sujet qui me tient à cœur. Vous n’avez pas tort, eu égard au chaos manifeste qui règne dans le royaume. Le royaume Bron que nous avons connu sous l’impulsion du roi Kouadio Adjoumani et de son fils, le prince Kouamé Adingra n’est plus le même. En plus de régner et faire rayonner l’image du peuple Bron, ces deux souverains avaient aidé l’administration coloniale de l’époque à tenir ses promesses. Notamment, en aidant la métropole à remporter la guerre contre ses ennemis, par l’impressionnante mobilisation de 700 hommes pour aller combattre aux côtés de la France contre l’Allemagne Nazie. En ces temps-là, l’autorité du royaume Bron s’étendait jusqu’au Ghana. Malheureusement, ce royaume est aujourd’hui bafoué jusqu’à ses fondements.

Qu’est-ce qui peut bien être à l’origine d’une telle situation ?

Tout est parti de Kouadio Appiah. Il était alors libraire à Bondoukou.

Etait-il prétendant au trône royal ?

Non, il était Koulango et non Bron et encore moins membre d’une des dynasties desquelles proviennent les prétendants au trône royal. Il ne pouvait donc pas prétendre à cette valeur. Il a approché la famille royale à Amanvi grâce à sa tante qui avait été confiée au prince Kouamé Adingra. Son père, était Kossonou, alors commis du prince Adingra. Il est venu au monde pendant l’exode de Sondjani. Son père est originaire de Dagboloyo.

Qu’est-ce qui explique donc que Kouadio Appiah aie pu s’approcher du pouvoir, au point de mélanger et compromettre la procédure de succession au trône après le décès du prince Adingra ?

C’est juste par jalousie que le sieur Kouadio Appiah a agir ainsi. D’autant que sachant pertinemment qu’il n’était pas de la lignée royale, il a d’abord procédé au sabotage de la famille du prince Adingra, pendant que Badou, le frère cadet de celui-ci décédait en France. Il a poussé sa jalousie jusqu’à vouloir empêcher le prince défunt Kouamé Adingra d’entrer dans l’histoire du royaume Bron.

Qu’avait-il contre le prince Adingra pour développer à son encontre autant de haine ? Et comment a-t-il procédé pour parvenir à ses fins ?

Juste après le décès du prince Badou, il a approché les femmes de la famille, allant jusqu’à accuser la sœur des deux princes en la taxant d’être à la base de la mort de son frère, le prince Badou, en France. Une histoire à laquelle ont cru les enfants du défunt. Créant du coup un fossé au sein de la famille, avec d’un côté les enfants du prince Badou et de l’autre sa sœur et quelques uns de ses enfants dont moi-même. Il les a poussés à la rébellion contre leur tante.

Comment est-il possible que certains Koulango se réclament aujourd’hui, rois des Bron à Tanda ?

Tanda est effectivement un village Koulango. C’est Issa Mara, chef originaire de Bouna qui est à l’origine de sa création. Il avait deux fils : Tanda et Boko. A la suite d’incessantes querelles, ils créèrent un campement de chasse à Bassékéni. A l’entrée Nord, Tanda fonda un campement pour se libérer de l’emprise familiale. Il le baptisa de son nom : Tanda dont la traduction littérale signifie en Koulango : ‘’il faut être patient’’. A l’arrivée des Bron, sur le territoire ivoirien, ils se sont éparpillés dans plusieurs localités de l’Est dont Tanda et Tangamourou. Longtemps après leur installation, le prince Adingra fit la promesse de faire venir quelque chose dont les retombées seraient bénéfiques à la localité de Tanda. C’est ainsi que par ses soins, la petite bourgade fut érigée en sous-préfecture. A la clef, l’affectation du premier Sous-préfet en 1958.

Est-ce vrai que la résidence du Sous-préfet fut construite sur fonds propres du prince ?

Oui, en effet, c’est pourquoi il l’a bâtie sur la route de Tangamourou, son village natal.

Les autorités préfectorales sont-elles au courant de ces aspects des choses ? Si oui, pourquoi se mettent-elles à distance de vous qui êtes l’héritier direct du prince Adingra, d’autant qu’elles  ont toutes brillé par leur absence à la cérémonie de Bentô que vous avez organisée et à laquelle vous les avez invitées ?

J’ai un grand pincement au cœur devant une telle attitude de nos autorités et le cœur brisé face à tous ces efforts du prince Kouamé Adingra dont la seule reconnaissance aurait suffi à nous réjouir au niveau de sa famille biologique. Nous invitions ces autorités-là à juste venir être témoins et non leur demander un quelconque soutien. Mais, hélas ! Mille fois hélas ! Elles ont brillé par leur absence. Cela peut avoir des explications, je me garderai toutefois de vous les donner ici. Il est temps qu’on dépouille la vérité du drap du mensonge qui la recouvre encore à Tanda et qui contribue à ternir son image. Tant que la famille du prince Kouamé Adingra sera bafouée, la ville de Tanda demeurera ainsi dans les méandres.

En dehors des autorités qui ne sont pas venues, des chefs de villages invités ont aussi préféré garder la distance. Comment expliquez-vous cela ?

Je ne considère pas ceux-là comme des chefs. Ce sont juste des suiveurs.

Qui est-ce qu’ils ont suivi ?

A ma grande surprise, ces chefs auraient été invités à Grand-Bassam pour prendre part à une fête. C’est dommage qu’ils aient fait ce choix, d’autant qu’ils peinent à régler le problème de leur propre royaume dont il était question ce jour-là avec la célébration de Bentô, notre tambour sacré. C’est une honte pour ces soi-disant chefs, car un véritable chef, de surcroit de terre, ne se déplace pas pour faire plaisir à qui que ce soit.

N’ont-ils pas été induits à l’erreur par un fils de la région ?

Quand bien même cela aurait été possible, eux-mêmes le savent pertinemment, et volontairement ils ont accepté que leur autorité soit bafouée. Mais ce qu’ils ignorent, c’est qu’en se mettant dans une telle posture, ils contribuent également à bafouer notre royaume. Ils se laissent aller au pouvoir de l’argent, alors que c’est l’homme qui cherche l’argent. Avant tout, un chef doit garder intact sa dignité.

Pouvez-vous revenir sur les rapports du prince Kouamé Adingra avec le Président Félix Houphouët-Boigny et certains des amis de celui, notamment ?

Pour ce que je sais, le prince Kouamé Adingra avait des rapports très étroits et privilégiés avec le Président Félix Houphouët-Boigny. Ainsi qu’avec le patriarche  Peleforo Gon Coulibaly. Les trois étaient des chefs et à ce titre, ils se vouaient respect et considération. En dehors de ces deux, le prince Kouamé Adingra était très ami au roi Tota Kra de Botro. Il était aussi très lié à Philippe Grégoire Yacé, Sékou Sanogo de Séguéla et Jean-Baptiste Mockey. Je n’oublie pas Germain  Coffie Gadeau, Jean Konan Banny, Auguste Denise, et M’Bahia Blé Kouadio, lorsque celui-ci était encore instituteur à Bondoukou. Ils formaient tous une famille bien soudée. Mais mieux, les amitiés du prince Kouamé Adingra s’étendaient en dehors des frontières ivoiriennes. Notamment, avec Lamine Guèye du Sénégal, Zinda Kaboré et Ouézzin Coulibaly de l’ancienne Haute-Volta, Sékou Touré de la Guinée encore fonctionnaire de P et T à Abidjan qui, en son temps, résidaient tous dans la commune de Treichville avant de regagner leur pays respectif. Il y avait aussi Kwame N’Krumah du Ghana. Les deux hommes se rencontraient très souvent.

Avez-vous un message particulier à l’endroit du peuple Bron ? 

Je voudrais demander au peuple Bron de demeurer dans la franchise en donnant dos au pouvoir de l’argent. Je voudrais aussi les inviter à marcher dans la vérité et la dignité. Mon souhait est que le peuple Bron prenne enfin conscience de la nécessité de rétablir son royaume dans ses droits en l’enlevant du joug des rois autoproclamés et fabriqués.

Réalisée par Idrissa Konaté

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