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Interview/Noël Le Graët (président de la fédération française de football (FFF) : « Ce serait du gaspillage d’argent que d’organiser la coupe du monde maintenant ».


Abidjan-06-10-16 (lepointsur.com) Moins bavard d’ordinaire, le président de la Fédération française de Football (FFF) Noël Le Graët s’est confié au journal Le Figaro. Détendu, Noël Le Graët a reçu la rédaction  dans son bureau de président de la Fédération française avec vue imprenable sur la tour Eiffel. Et sur les dossiers chauds de la FFF…

 Le Figaro. – Les Bleus sont-ils à l’abri d’une mésaventure comme celle vécue en 1993 face à la Bulgarie ?

 Noël LeE Graet. – Oui, je pense qu’on est à l’abri de quelque chose de très désagréable. Didier Deschamps a formé un groupe cohérent, qui n’est pas champion du monde, mais, aujourd’hui, il y a match quelle que soit l’équipe en face. Il y a 4 ou 5 ans, quand on jouait l’Allemagne, on était content de n’avoir pris que deux buts. On les a battus à l’Euro et nos équipes de jeunes commencent aussi à les battre.

Pas  de crainte contre la Bulgarie ?

Il ne faut jamais sous-estimer un adversaire. J’ai été président d’un petit club, alors j’ai toujours aimé que les petites équipes battent les grandes. La Bulgarie nous a déjà joué un mauvais tour il y a longtemps. Et le déplacement aux Pays-Bas, trois jours après, ne sera pas facile.

L’image des Bleus semble restaurée…

Elle est complètement redressée. Le maillot bleu est estimé. C’était indispensable. Les Français avaient un rejet, mais ils aiment leur équipe. Le déclic a eu lieu lors du barrage contre l’Ukraine pour la Coupe du monde 2014 au Brésil. Depuis, on confirme. On n’est pas les meilleurs, mais on s’en approche. Globalement, nos sélections ont trouvé une allure. Le football féminin était bas il y a cinq ans, le nombre de licenciées a été multiplié quasiment par trois. Chaque équipe nationale française a le même schéma que Didier Deschamps dans son organisation tactique. Et le boulot marketing est de qualité.

Knysna est oublié dans le foot français ?

Oui. Quand on a repris après cet épisode, on a passé beaucoup de temps à marteler que ça irait mieux demain. Aujourd’hui, plus personne n’en parle. Mais on ne pourra jamais effacer cette bêtise.

L’Euro 2016 en France a été une belle réussite …

Oui, à tous les niveaux. Sportivement, on est vice-champions d’Europe en ayant battu l’Allemagne en demi-finale. Et sur la sécurité, c’était une angoisse. Les stades ont été fréquentés, la ferveur était présente. Tout a été réussi.

L’Euro s’est joué sans Karim Benzema…

Aujourd’hui, il est sélectionnable. J’ai horreur de punir les gens éternellement. L’affaire est encore en cours. À titre personnel, je trouve que cela traîne trop. Mais la justice est comme ça. Le joueur, on l’aime bien. En Bleu, il n’a jamais posé de problème. Didier l’a toujours défendu, même quand il n’a pas eu une grosse réussite. Maintenant, il redémarre bien. À voir.

Quel est votre regard sur Didier Deschamps ?

Didier fait progresser ce groupe. Il a réussi à faire de cette sélection une vraie équipe. Ce n’est pas facile. Son travail ne me surprend pas. Sa réussite encore moins. Il est honnête avec un grand H, pragmatique. Si quelque chose ne va pas, il le dit. Il ne fait pas d’entourloupes aux joueurs. La preuve, vous entendez peu de critiques. Je ne lui vois pas de défauts. Il est respecté de la FFF et de ses salariés. Il y a trois étages ici, Didier connaît tout le monde. Il jouit d’une belle estime…

Parmi les joueurs qui réussissent avec Deschamps, Antoine Griezmann a changé de dimension. C’est une belle vitrine pour le foot français ?

Formidable. D’abord il est bon. Après, il communique bien avec sa belle gueule et son sourire. Il est d’une énorme gentillesse. Pendant l’Euro, on lui a demandé beaucoup d’efforts marketing, il n’a cessé de répondre présent, sans jamais rechigner. C’est un grand attaquant qui travaille sérieusement sans se prendre au sérieux. Il reste espiègle. Tout le monde est amoureux. Les filles ici (à la FFF) le sont, même si j’ai beau leur dire qu’elles ne sont pas seules sur le coup.

Vous aussi vous êtes amoureux ?

Bien sûr. J’apprécie le joueur.

Vous faites partie de ceux qui le voient Ballon d’or à l’avenir ?

Il s’en rapproche. Aujourd’hui, Messi et Ronaldo ont sans doute une longueur d’avance, mais Antoine est exceptionnel en club comme en sélection. Il a pris une dimension presque inespérée dans la perception populaire. Il est très estimé par ceux qui aiment le football. C’est un type immense.

Ne lui en demande-t-on pas trop ?

Non. Il bosse énormément. Et il est heureux. Il fait tout avec le sourire. Il ne peut pas attraper le melon, c’est quelqu’un d’une énorme simplicité.

Comme d’autres, Griezmann préfère jouer à l’étranger. Le football français est-il assez attractif ?

Oui. La santé de nos clubs est soi-disant fragile. Mais au final, aucun n’est très endetté. En revanche, il y a des choses que l’on subit. Personnellement, je ne suis pas favorable à ce que nos clubs soient achetés à 100 % par des investisseurs étrangers. Je n’ai pas envie que, demain, la moitié des clubs de L1 soient sous pavillon chinois, américain, russe. Il ne faut pas que les clubs se vendent à n’importe qui. Je pense que l’on peut intéresser davantage de sociétés françaises ou européennes.

Globalement, le football français est-il en bonne santé ?

Oui. Chez les amateurs, en nombre de licenciés, on bat des records. Nos catégories jeunes ont des résultats. Notre système de formation est parfaitement en place, c’est notre force. On travaille de plus en plus. On a plus de 260 éducateurs sur le terrain. Économiquement, les résultats de la FFF sont positifs (budget de l’ordre de 200 M€, avec un peu plus de 200 salariésNDLR). Tous les ans. Pas un seul bilan négatif. Tout l’argent que l’on gagne va au football amateur. Économiquement, c’est une belle affaire.

Pourquoi le football féminin se développe aussi bien ?

On a mis toutes nos forces dans ce dossier. La difficulté était de convaincre les clubs de créer une section féminine. À chaque fois que cela est possible, il y a 20  ou 30 filles qui viennent s’inscrire. Le regard a changé par rapport au football féminin. L’équipe de France donne une belle image et, aujourd’hui, un million de personnes regardent ses matchs, ce n’est pas rien. L’évolution est belle, mais loin d’être terminée. On organise en France la Coupe du monde 2019 et on se doit de mettre beaucoup d’envie sur le football féminin. D’où le changement de sélectionneur (Philippe Bergeroo a été remplacé par Olivier Echouafni après des JO décevants, NDLR).

Après la réussite de I’Euro, imaginez-vous une candidature pour l’organisation d’une Coupe du monde ?

Non. Quand je vois le programme de la Fifa, je penche plus pour des nations comme l’Italie, l’Espagne ou l’Angleterre. Aujourd’hui, ce n’est vraiment pas une priorité. En revanche, imaginer une Coupe du monde dans vingt ans, pourquoi pas. Mais dans les huit années qui viennent, ce serait gaspiller de l’argent.

Un petit mot sur Michel Platini, avez-vous des nouvelles ?

Oui, nous sommes en contact permanent avec lui. Nous avons été très déçus qu’il ne puisse pas assister à l’Euro. Si la France a eu l’Euro, on lui doit peut-être quelque chose. Et si j’oublie cette affaire que je ne connais pas bien, au niveau de l’UEFA, il a réconcilié les petites et les grandes fédérations, il a réussi à maintenir le poids des équipes nationales dans un calendrier de plus en plus compliqué. Si on laisse faire les clubs, il n’y a plus d’équipes nationales.

Il pourrait rebondir à la Fédération française ?

Aujourd’hui, non, il n’est pas intéressé par un retour immédiat, mais il va rebondir, et je pense dans le foot, dont il est imprégné depuis qu’il est né. Fifa et UEFA, il doit oublier quelque temps. Déjà il va mieux, je suis assez content. Je pense qu’il est soulagé d’être venu à l’UEFA récemment dire au revoir à tout le monde. Maintenant, je le vois mal rester à la maison, matin, midi et soir.

Zinédine Zidane sélectionneur, ce serait une bonne idée pour l’équipe de France ?

Il réussit bien au Real Madrid, je suis content, il s’en sort royalement. Il montre qu’il a des qualités, il sent le jeu. Un jour, il peut bien sûr devenir sélectionneur. Ne mettez pas ça comme titre, Didier Deschamps est au moins là jusqu’à la Coupe du monde 2018 (rires). Et je pense que le poste lui plaît, il adore ça.

Quel avenir voyez-vous pour Didier Deschamps ?

Je le vois un jour président de la Fédération française. Ça l’agace quand je lui dis ça, mais je le pense sincèrement. En fait, il aime tout ce que l’on fait à la fédération. Formation, business, terrain, organisation, il connaît tout. Oui, j’aimerais un jour qu’il soit président. Ce serait un grand dirigeant…

 

In le Figaro

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