Interview Richard Dakoury (Alliance des jeunes patriotes pour le sursaut national) « J’ai rencontré Blé Goudé à la CPI « 


Richard Dakoury de l'Alliance des jeunes patriotes pour le sursaut national (Ph: Dr)

Richard Dakoury de l’Alliance des jeunes patriotes pour le sursaut national (Ph: Dr)

Richard Dakoury, fondateur de ‘’la Sorbonne’’, un espace de libres échanges créépar les ‘’jeunes patriotes’’, en exil, a rencontré Charles Blé Goudé hier, mardi 25 Mars 2014. Il a bien voulu partager cette nouvelle avec les Ivoiriens, à notre demande. Dans l’interview qu’il a bien voulu nous accorder via le net, il raconte le calvaire de Charles Blé Goudé en Côte d’Ivoire, donne des nouvelles de Jean-Yves Dibopieu encore aux mains des geôliers du pouvoir, et du président Laurent Gbagbo qui a accueilli le ‘’Général de la rue’’.

Depuis samedi 22 Mars, votre camarade, le président de la galaxie patriotique est pensionnaire de la prison de Scheveningen par la volonté des autorités ivoiriennes, en exécution d’un mandat d’arrêt international lancé par la Cour pénale internationale depuis le dernier trimestre de l’année 2011. Vous qui étiez un proche collaborateur de Charles Blé Goudé, et qui continuez  de vivre un exil forcé, quels sont les sentiments qui vous animent en ce moment. Deuxièmement, avez-vous pu le rencontrer depuis qu’il est là-bas ?

Je voudrais saluer les Ivoiriens pour leur forte mobilisation lors du procès de la honte du ministre Charles Blé Goudé au palais de justice d’Abidjan. Je suis dégoûté, et en même temps triste pour mon pays, qui vient de prendre un virage sans issue, suite au transfèrement de Charles Blé Goudé à la CPI. Cher ami, au delà des sentiments, je voudrais faire observer deux choses qui me paraissent très importantes. Premièrement, la décision de transférer le leader de la galaxie patriotique à La Haye par la justice ivoirienne relève d’une incongruité juridique sans précédent. La Côte d’Ivoire, bien qu’ayant ratifié le traité de Rome, n’était pas dans l’obligation de procéder à son transfèrement, dans la mesure où le dispositif juridique et les institutions judiciaires nationales sont compatibles à connaître de cette affaire. Il est également bien de noter que la procédure a été engagée et était en cours à Abidjan. S’il y’avait réellement un vide juridique lié aux crimes contre l’humanité, la justice n’aurait pas engagé la procédure.

Pourquoi ce revirement de situation ? Cette décision judiciaire qui adoube celle du gouvernement et qui abuse de la séparation des pouvoirs démontre, en réalité, que le ‘’tyran d’Abidjan’’ dispose des deux pouvoirs, exécutif et judiciaire. La justice ivoirienne sous Ouattara a désormais un rôle marginal. Deuxième constat, c’est que la décision du transfèrement fait suite au scandale des photos de maltraitance de nos deux camarades à la DST.

Elle relève d’un manque de professionnalisme et de lucidité politique. Le gouvernement, par cet acte, vient de démontrer aux yeux des Ivoiriens qu’il gère le pays dans l’émotion, et qu’il ne sait pas apprécier les événements, et à les lire avec un sens de responsabilité. Il préfère sacrifier la réconciliation au profit de la satisfaction des émotions coléreuses injustifiées. La précipitation avec laquelle ce dossier a été évacué vient, au final, consumer les derniers espoirs de réconciliation qui avait suivi la libération de certains prisonniers politiques. Charles et moi, nous nous voyions régulièrement au Ghana dans le cadre du travail. Nous travaillions sur la réconciliation nationale qui vient, malheureusement, d’être rompu par le ‘’dictateur d’Abidjan’’.

Extradé du Ghana où vous vous voyiez régulièrement pour parler réconciliation, votre camarade est resté au secret jusqu’à la publication des photos dont vous parlez, il y a quelques jours. Puis transférer à la CPI. L’avez-vous déjà rencontré, et si oui, de quoi avez-vous parlé, ou qu’est-ce qui pourrait vous avoir confié ?

Il m’a confié qu’il a été traumatisé pendant tout ce temps passé à la DST, qui est véritablement un mouroir digne de l’époque d’Hitler.

Pendant onze jours, il a été enchaîné comme un animal, couché à même le sol, et se nourrissait de riz communément appelé « déni cachia », juste avec sa tête plongée dans l’assiette. Il était souvent battu par ses geôliers qui ne cessaient de crier vengeance. Sa situation s’empirait de jour en jour. Il tournait son regard vers Dieu pour lui demander de le protéger afin qu’il puisse, un jour participer à son procès pour prouver son innocence.

Il est donc heureux de se retrouver à Scheveningen ? Ne vous a-t-il pas dit s »il a déjà rencontré le président Laurent Gbagbo depuis son arrivée là-bas, et quel est son état d’esprit aujourd’hui ?

Il m’a fait cet aveu. Il dit qu’il a fait huit fois la prison mais celle là était la plus difficile et m’a confirmé que même Mandela n’aurait pas survécu à toutes ces tortures du grand tortionnaire qu’est Hamed Bakayoko.

Avec quels sentiments Charles Blé Goudé attend-il sa première comparution devant les juges de la CPI, qui lui signifieront les charges retenus contre lui pour son éventuel procès, s’il y avait lieu, jeudi ?

La joie qu’il exprime n’est pas de comparaître à la CPI mais plutôt d’avoir échappé à la mort dans l’enfer de la DST. Et la CPI apparaît comme un exutoire de sauvetage. Il a tout à fait rencontré le président Gbagbo qui lui a souhaité la bienvenue dans un humour qu’on lui connaît. Le président Gbagbo lui a dit de tenir bon, et que la victoire n’était pas loin. A la fin, pour me faire sortir de ma tristesse, il m’a dit qu’il est venu à « bingué » sans visa et que le transport a été gratuit. Il m’a confirmé qu’il est serein, et que la CPI sera la tribune qui lui permettra enfin de s’exprimer devant le monde entier. Son âme est en paix, car aucune goutte de sang innocent ne crie vers lui. Il félicite tous les Ivoiriens qui se sont mobilisés pour la cause de tous les prisonniers. Il m’a dit de transmettre aux ivoiriens qu’il pardonne à tous ceux qui l’ont vilipendé, en leur demandant de nous donner la main pour la cause commune. Il termine son échange en disant qu’il aime beaucoup son pays et les ivoiriens sans exception.

Vous a-t-il parlé aussi du sort de votre camarade Jean-Yves Dibopieu resté dans les geôles du pouvoir Ouattara ? Et dans quelles conditions, et où est-il enfermé au juste ?

Il a le moral très haut malgré les douleurs corporelles et sa tension qui est monté à 16.Il très serein face au  chapelet de paille de chefs d’accusations qu’on lui attribuera. Revenant à Blé GOudé ,  Il est à la CPI parce qu’il est politiquement gênant et non pour ces inventions de crimes taillés sur mesure. Il est prêt à faire face à la justice des vainqueurs du dieu de ce monde appelé communauté internationale. Il préfère vivre et répondre aux fausses accusations que de périr dans la fournaise ardente de la DST.

 

Charles Blé Goudé a-t-il évoqué avec vous le cas de Jean Yves Dibopieu encore détenu dans les geôles du pouvoir d’Abidjan ?

Il a confirmé qu’ils étaient ensemble à la DST, mais qu’il ne l’a plus revu depuis le scandale des images de traitement inhumain qu’ils ont subis. Le président de la SOAF est encore à la DSt dans un dénuement total. Jean Yves Dibopieu souffre de sinusite aiguë, et il ne bénéficie d’aucune assistance médicale. Il souhaite que le pouvoir revoie les conditions de détention de son camarade qui était encore sous le choc suite à une bastonnade qu’il a subie. Les geôliers appellent cela le dîner du soir. Ils mangeaient une seule fois par jour la nourriture préparée par une gargotière.

Tout en vous félicitant pour le travail que vous abattez pour informer l’opinion, j’invite les ivoiriens à jeter un regard rétrospectif dans l’histoire des hommes qui ont marqué l’humanité. Ils ont eu en commun de combattre l’injustice qui, elle, a décimé leur vie terrestre, mais au final ils sont devenus des références préférentielles qui marquent à jamais la conscience du monde et la fierté des amoureux de la liberté. De cette injustice inqualifiable naîtra la justice des justes pour l’éclosion d’un monde meilleur. Les célèbres prisonniers de l’impérialisme et capitalisme dévorant seront les modèles d’une Afrique nouvelle et engagée.

Interview réalisée par « LE MONDE D’ABIDJAN »

 

 

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