[Interview] Ouattara Clément (président du Renascomci) : ‘’Ce que nous attendons de notre parrain, le ministre Hamed Bakayoko’’
-Les impayés de nos redevances plombent nos activités
Dans cette interview, le président du Réseau national de santé communautaire de Côte d’Ivoire (Renascomci), Ouattara Clément, parle des dures réalités que vivent les établissements sanitaires communautaires à cause du cumul des arriérés de redevance.
Êtes vous satisfait de la Confédération des établissements sanitaires à base communautaire de Côte d’Ivoire que vous avez mise en place il y a quelques années?
Avant de répondre à cette question, j’aimerais avant tout saluer tous vos lecteurs, toute la Côte d’Ivoire et présenter mes vœux les meilleurs pour l’année 2019. Surtout les vœux de bonheur et de paix pour notre pays et ses habitants.
Pour répondre à votre question je dirai que notre fédération des établissements à base communautaire se portent très bien.
Nos établissements sanitaires communautaires sont très bien connus sur le plan national parce que nous existons depuis 20 ans, et nous faisons du grand boulot à travers la ville d’Abidjan et dans toute la Côte d’Ivoire.
Est-il vrai que les différents ministres de la Santé rendent de moins en moins de visite dans vos établissements sanitaires ?
Oui, c’est une réalité. Mais mettons tout en œuvre pour faire la promotion de nos établissements. Il appartient au ministère de nous accompagner, de nous encadrer et de suivre nos activités. Nos activités qui sont, bien entendu, l’étendue des soins primaires de la population de la Côte d’Ivoire. Si la population est déjà satisfaite, il appartient à nous les gestionnaires de ces établissements d’en faire la promotion auprès de nos communautés.
Le président Alassane Ouattara tient beaucoup à la santé des Ivoiriens, particulièrement à vos établissements. Mais, en même temps, vos agents éprouvent des difficultés avant d’être payés. Pourquoi ce paradoxe ?
Oui, effectivement, j’étais ravi après avoir écouté attentivement, comme si j’étais dans un lieu de culte, le message au peuple du président de la République à l’occasion du message de nouvel an, précisément, pour le domaine qui nous concerne qui est la santé, d’entendre qu’il va bientôt construire 600 centres de santé en Côte d’Ivoire, avec plusieurs hôpitaux.
Il a surtout parlé de structures de proximité, quand on parle de structures de proximité, nous sommes les pionniers en la matière.
Aussi, vous parliez des salaires de nos agents qui ne sont pas payés. À ce niveau, je voudrais apporter un éclaircissement. En réalité, nous sommes des établissements à base communautaire de gestion privée et de droit privé. Nous faisons nos propres recouvrements et, à travers ces recouvrements, nous payons les salaires de nos agents et nous faisons nos investissements. Mais depuis l’avènement de la gratuité totale, et ensuite, la gratuité ciblée, il nous a été impossible de recouvrer nos prestations parce qu’il appartiendrait à l’Etat de payer les factures de nos prestations, ce qui prend du temps. Et nous avons demandé en lieu et place, puisque le salaire est alimentaire, que l’Etat nous reverse une partie de ce qu’il nous doit, comme redevance pour payer les salaires. Et c’est ce qui est fait. Mais malheureusement, souvent de retard de 4 à 5 mois d’impayés.
Pour revenir à votre question, effectivement cela fait maintenant trois mois que nos agents ne sont pas payés, c’est-à-dire les mois d’octobre, novembre et décembre 2018. Ils sont allés en fin d’année sans être rémunérés.
Vous êtes accusés en tant que les différents présidents de conseil d’administration des retards de dépôts de paiement de vos agents. Que répondez-vous?
Le disque de cette chanson est rayé des antennes, il y a longtemps de cela. Pour preuve, de 2011 à 2016, après avoir versé une partie de notre redevance comme salaire à nos agents, après nous avoir donné des forfaits de redevance pour couvrir nos charges, l’Etat nous doit environ trois milliards FCFA.
Si nous comprenons bien, vous éprouvez des difficultés à cause de cet arriéré de redevances pour équiper vos différents hôpitaux communautaires …
Exact ! Mais, permettez-moi de mieux expliquer. Les établissements à base communautaire ont une gestion privée. Leur gestion n’a rien à voir avec un établissement public dont la totalité du budget émane de l’Etat. Par contre, quant à nos établissements, leurs budgets émanent des couvrements qui relèvent de nos prestations.
S’il y a une difficulté aujourd’hui, c’est parce que nous avons été réquisitionnés pour pratiquer la gratuité totale des soins. À l’époque, l’usager qui venait dans nos structures n’avait pas à débourser un centime. C’est l’Etat qui payait en lieu et place de l’usager.
Deuxièmement, lorsque c’est devenu de la gratuité ciblée, un certain nombre de prestations ont été prises en compte par l’Etat. Ces paiements ne sont pas faits dans les délais. C’est ce qui fait que nous accusons des retards dans tout ce que nous faisons comme investissement, comme réhabilitation, etc.
Mais, toutefois il n’est pas exclu que l’Etat, en dehors de notre mode de gestion ne puisse pas venir en aide à nos structures.
Pour preuve, je prends dans le cas de financements de la réhabilitation de trois établissements à base communautaire de la part de l’Etat de Côte d’Ivoire, avec le soutien de la Banque mondiale, pour le compte de l’année 2018.
Celui d’Agouédo PK18 a été totalement réhabilité, sur proposition de l’Etat ivoirien, par la Banque mondiale. Le Csucom (Ndlr : Centre de santé communautaire) de Kennedy Kouetcha a été entièrement réhabilité par l’Etat avec le financement de la Banque mondiale. Le Csucom Zoé-Bruno à Koumassi a également été réhabilité entièrement.
Cela signifie que réhabiliter et rééquiper un centre de santé communautaire est aussi l’affaire de l’Etat, parce qu’on nous a concédé seulement la gestion de ces établissements. Mais les difficultés que nous avons, et je vous le dis, sont dues au fait que nos prestations qui sont prises en compte dans la redevance ne sont pas payées à temps. Malheureusement, cette situation impacte négativement la rémunération de nos agents.
C’est vrai, mais la formation sanitaire communautaire de Yopougon-Ouassakara dont présidez les destinées tend vers un hôpital général…
Bon, à ce niveau aussi, il faut rappeler que cela se justifie pas le fait que nous avons une grande affluence, car nous avons su faire la promotion de nos activités. Nous avons également su faire de la qualité des soins, notre particularité. Ce qui a attiré bon nombre d’usagers dans notre formation sanitaire.
C’est ce qui a amené l’Etat à appuyer notre structure en l’agrandissant, et surtout, vous savez que dans le cadre de la lutte contre la mortalité mère-enfant, nous avons pris notre part de responsabilité qui concerne la promotion prénatale. Parce qu’une femme qui vient dans un centre de santé, enceinte, et qui doit donner naissance à un bébé, c’est une joie, mais comme on le sait en Côte d’Ivoire, à un moment donné, c’est devenu un véritable problème. Car, soit c’est la mère qui décède suite à l’accouchement, soit c’est l’enfant qui décède, soit les deux.
Dans une pareille situation, qu’est-ce qu’il fallait faire ? Il fallait faire en sorte qu’il y ait des blocs opératoires disponibles dans les structures de grande affluence, afin de pouvoir récupérer les femmes qui, seront en difficulté, d’accoucher par la voie normale. Et c’est ce qui a poussé l’Etat de Côte d’Ivoire à apporter son appui à la formation sanitaire à base communautaire de Ouassakara, dont je suis le président du Conseil d’administration pour réaliser la construction de blocs opératoires et de prendre en charge les césariennes des femmes à l’accouchement.
Le ministre d’Etat, ministre de la Défense, Hamed Bakayoko, est le parrain du Renascomci. Explique-nous…
Oui effectivement, c’est l’un de nos donateurs. C’est l’un de nos aînés qui appuie notre confédération à divers niveaux. C’est vrai qu’on ne le dit pas tout le temps sur la place publique, mais il apporte beaucoup aux structures de santé communautaires. C’est pour cela que vous avez vu pour la première fois, lorsqu’il a été envoyé en mission à Abobo pour en être le maire, nous nous sommes engagés à le soutenir pour faire campagne auprès du corps médical.
Qu’attendez-vous concrètement de votre parrain?
Ce que nous attendons de lui, c’est la continuation dans les efforts qu’il fait à notre égard. Ce n’est pas nouveau, lui-même, il l’a déjà dit à plusieurs occasions, notamment dans son programme de société dans la commune d’Abobo.
En effet, il a dit qu’il réhabilitera les structures de santé communautaire d’Abobo et qu’il apportera du sang neuf à travers le relèvement du plateau technique, pour qu’il y ait une accessibilité et des soins de qualité dans les centres de santé.
Donc, nous croyons qu’avec lui, nous avons à tout gagner parce que comme on le sait, il est très généreux et c’est quelqu’un qui travaille beaucoup dans la vision du peuple et il est dans la pensée du chef de l’Etat. En outre, il est l’homme de mission du président Alassane Ouattara. Et c’est pour cela que nous sommes engagés à ses côtés pour toujours.
Vous êtes à 37 établissements sanitaires à base communautaire à ce jour. Êtes-vous rassuré qu’avec votre parrain, toute la Côte d’Ivoire sera couverte par les établissements sanitaires communautaires ?
Bon! ce qu’il faut savoir, ici c’est que M. Hamed Bakayoko est ministre d’Etat, ministre de la Défense. Mais le cadre dans lequel nous parlons, il est le maire de la commune d’Abobo, ce qu’il peut faire, c’est peut être introduire, dans son plaidoyer en tant qu’une personnalité proche du président de la République, l’extension des établissements sanitaires à base communautaire à toute la Côte d’Ivoire.
À votre niveau, que comptez-vous faire pour l’extension de ces établissements à travers toutes les régions ?
En réalité, l’extension des centres de santé communautaire ne relève pas de nos compétences. Ce n’est pas à nous de les construire. Nous, notre compétence, c’est de les gérer.
Il avait été prévu par les initiateurs la création en 1994 d’une centaine de structures sur le territoire national. Avec, malheureusement l’avènement du coup d’Etat, ça n’a pas été possible jusqu’aujourd’hui où nous sommes à 37 centres de santé communautaire. Mais avec l’avènement des 600 centres de santé que le président Alassane Ouattara vient de promettre aux Ivoiriens dans son récent message de nouvel An à la nation, (comme ce qu’il dit il le fait), nous savons que dans ces 600 centres il y aura des centres de santé communautaires. Je suis persuadé que le nombre de centre de santé communautaire va augmenter.
Il est prévu un centre de santé à tous les 5 kilomètres pour se soigner. Croyez-vous en cela ?
Oui, ce n’est pas de l’utopie, parce que quand on connaît la cartographie sanitaire, ce n’est pas impossible. Ecoutez, quand le président parle de ces 600 centres, c’est bien évidemment en tenant compte de tous ces paramètres. Il ambitionne que ces concitoyens ne parcourent pas trop de kilomètres pour se faire soigner.
Monsieur le président, quelle autre question à laquelle vous voudriez bien répondre, mais qu’on ne vous a pas posée?
Nous voudrions dire qu’en tant que président national de structures de santé à base communautaire de Côte d’Ivoire, nous sommes rassurés, nous sommes pleinement d’accord avec le président de la République sur le nombre croissant de centres de santé qu’il veut construire en Côte d’Ivoire.
Pour nous, la santé ne doit pas être une denrée rare pour les Ivoiriens. Non ! Cela doit être une denrée à la portée de tout le monde, car la Côte d’Ivoire aspire à l’émergence 2020. Donc, il est tout à fait normal que le président Alassane Ouattara, qui attend que son peuple soit en bonne santé pour se mettre au service de la nation, fera ce qu’il a promis.
Comme on le sait, la santé est le préalable à tout développement, et cela a été bien compris par le président. Nous avons le devoir de l’accompagner dans ce sens-là.
Dans les 600 centres de santé qui vont être construits nous serons heureux que le nombre des centres de santé communautaire, augmente. À travers cela, l’Etat va économiser parce que le gouvernement n’injecte pas de budget dans les centres s sanitaires à base communautaire. Ça n’alourdit pas donc les dépenses de l’Etat. Mais également, ça met au cœur des problèmes de santé la population elle-même, qui se sensibilise sur les maux liés à la santé et qui se prend en charge médicalement.
Réalisée par Sériba Koné
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