[Interview] L’avocate Pansy Tlakula sans détour :« Les questions de développement doivent être basées sur les droits humains »
La présidente de l’organe de régulation de l’information d’Afrique du Sud l’avocate Pansy Tlakula, par ailleurs ancienne présidente de la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples, aborde dans cet entretien les sujets liés au droit de l’Homme et à la bonne gouvernance.
Peut-on dissocier la bonne gouvernance des droits de l’homme ?
Non. On ne peut pas le faire.
Comment vous expliquez ce que nous voyons un peu partout dans le monde, particulièrement en Afrique ?
Effectivement. C’est là que se trouve le problème. Je pense que pour parler de la bonne gouvernance, on doit respecter les droits humains. J’ai aussi vu des pays africains où on met en avant le développement économique et les questions de droits humains au second plan.
Selon vous, qu’est-ce qui doit primer? La bonne gouvernance ou le développement économique ?
Je pense que c’est une question de mixte-conception et d’une non priorisation des éléments importants. Parce qu’on ne peut pas avoir un pays où les droits des journalistes ne sont pas respectés, dans lequel les droits humains ne sont pas respectés, où les gens sont emprisonnés, où les voix des dissidents sont réprimées et dire que ce pays-là est en développement, ou en progrès économique. Pour moi, ici, il s’agit d’un développement économique artificiel.
Quelle solution peut-on préconiser pour qu’il y ait et la démocratie et le développement économique?
Je pense que les questions de développement doivent être basées sur les droits humains. Mais, généralement, lorsqu’on parle des droits humains, les Africains pensent qu’ils vont à l’encontre de nos cultures, alors que lorsqu’on parle du développement, lorsqu’on parle des Africains en tant que personnes, qu’êtres humains, tout ce qui nous unit et qui fait de nous Africains, c’est l’humanité. Une fois que nous respectons la dignité humaine, le monde sera meilleur pour nous tous.
Vous êtes la présidente de l’organe de régulation de l’information de l’Afrique du Sud. Est-ce qu’il existe dans votre pays une loi qui donne droit aux journalistes et aux citoyens d’avoir accès à l’information d’intérêts publics et aux documents publics?
Oui, il y a une loi pareille. Parce que même si on a une loi sur la protection des données et de la cybersécurité qui stipule que “les données des citoyens doivent être protégées’’, il y a aussi un côté de la loi qui dit qu’il doit avoir un flot indépendant de l’information. Effectivement, il y a la loi sur la promotion de l’accès à l’information.
Cette loi est-elle appliquée sur le terrain ?
En ce qui concerne la loi d’accès à l’information, oui elle est mise en application et c’est une loi qui a été votée depuis 2003. Par contre, il y a des domaines dans lesquels on peut avoir des améliorations. C’est grâce à cette loi que des groupes de la société civile ont contraint les partis politiques à informer et à ouvrir leurs sources de financements privées. Cependant, la loi sur la protection des données est une nouvelle loi.
Vous avez été aussi la présidente de la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples. En son arrêt du 18 novembre 2016, la Cour africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a demandé à l’État de Côte d’Ivoire de reformer la CEI afin qu’elle soit conforme à ses engagements internationaux. L’opposition rejette la nouvelle CEI, et veut une réforme en profondeur de l’institution avec un président issu de la société civile. Quel est votre commentaire ?
La plupart des traités à la Commission de l’Union africaine (UA) sont des traités signés volontairement par les États membres, mais la Commission pourrait faire encore plus dans le sens de cette loi. Cependant, il y a quelque chose de clé dans le cas de la Côte d’Ivoire : ce sont les manifestations des citoyens et de la société civile. Ils peuvent encore aller à une autre étape plus avancée, qui est de questionner cette loi dans un tribunal, où ils peuvent en débattre largement et rejeter la loi ou l’appliquer.
Entretien réalisé à Accra par Sériba Koné
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