Interview /Julie Mabéa (Artiste-chanteuse) : « Le Burida est une caisse noire »
– « Il n’y a pas de petits artistes. Créer une œuvre artistique ce n’est pas donné à tout le monde«
Originaire de l’ouest de la Côte d’Ivoire, Julie Mabéa, Epse Koffi est une chanteuse panafricaine. Ses textes sont tirés généralement de son terroir. Elle chante également en français, en yacouba, en Schoili et en Ligana. Mabéa est aujourd’hui à sa quatrième galette musicale intitulée ‘’Régal’’ après ces albums’’ Suzy Bayom’’, sortis en 1996 ‘’Yema La Vie’’ en 1996 et ‘’Bassonga’’, en 1998. De passage à Abidjan pour le tournage de son tout nouveau bébé, elle s’est confiée à « Lepointsur. » Dans cet entretien, elle lève un coin de voile sur le phénomène de la piraterie et dit ses griefs contre le Bureau ivoirien des droits d’auteurs (BURIDA).Projecteurs sur la pulpeuse Julie Mabéa !
Les raisons de votre présence à Abidjan ?
D’abord, la Côte d’Ivoire c’est chez moi ; Ensuite parce que j’avais l’envie de vous voir. Enfin, je suis là pour le tournage du clip de mon nouveau album ‘’Régal’’.
Présentez-nous succinctement votre nouveau-né…
C’est un album de 14 titres. La particularité, il y a les animations de DJ Mix. Sinon, tout le reste c’est moi. Je traite des thèmes d’amour, de tolérance et de joie de vivre. Je chante en français, en Yacouba, en Ligana, en Schoili. En fait, nous étions sur une autre planète et nous atterrissons maintenant sur la planète terre avec ‘’ L’atomica dance’’.
Et pourquoi précisément en Côte d’Ivoire ?
Non, j’ai fais des tournages un peu partout dans le monde. J’ai tourné à Paris, à Londres… Je suis une artiste panafricaine. J’ai donc plusieurs cordes à mon arc. Je fais de la musique ivoirienne certes, mais également d’autres musiques africaines. Chaque fois que l’opportunité se présente à moi, je reviens au bercail pour le tournage de mes clips. Quand bien même j’en fais en Europe.
Vous abordez très souvent le thème de l’amour dans vos chansons. Beaucoup amoureuse ?
L’amour c’est la base de toutes choses. Et puis, quand vous n’avez pas la quiétude, vous ne pouvez pas exceller dans ce que vous faites. Amoureuse ? Oui, je suis évidemment amoureuse de mon homme (Rire.)
Votre regard sur la musique ivoirienne ?
Tout dépend de nos dirigeants. C’est bien beau d’être à bord de sa grosse voiture et acheter des CD à des feux. C’est honteux pour des gens qui se disent émancipés et qui occupent des postes de responsabilités ! Pour moi, ils ne savent même pas d’où ils viennent. Parce que quand on sait d’où on vient, on respecte la culture. Un peuple c’est une culture. « Un peuple sans culture est un arbre sans racine« . Ne soyons donc pas surpris que les autres nous bafouent.
Selon vous, il n’ ya pas une réelle volonté politique contre la piraterie ?
Pas du tout !
Et le Burida dans tout ça ?
Le Burida existe mais, il est impuissant. Et c’est bien dommage.
Que préconisez-vous donc comme solution ?
Solution ? Eh bien, quand ils finiront de se remplir les poches, ils penseront aux pauvres. Le Burida ne peut rien y faire. D’ailleurs, il y a qui au Burida ?
Vos droits vous sont-ils reversés, comme il se doit ?
Depuis que je chante, mes droits m’ont été correctement reversés en Côte d’Ivoire. Mais c’était une somme de… (Elle hésite et affirme finalement). Je n’ose même pas dire le montant. Cette somme a été par la suite récupérée. Soi-disant que je leur dois. Je n’ai jamais rien dit. Peut-être que c’est une bombe à retardement. Pour l’instant, ce qui m’intéresse, c’est faire ma musique et l’avenir de ma carrière.
D’où vous vient cette passion pour la musique, malgré toutes ces difficultés ?
C’est par amour. Je ne m’intéresse pas à tout ce qui peut nuire à ma carrière. Tout ce qu’ils font ici, ne m’intéressent pas du tout. Si le Burida et les décideurs s’intéressent à moi, tant mieux. Mais si en retour, ils ne s’intéressent pas à moi, et que j’ai des fans c’est l’essentiel. Je fais la musique parce que j’aime la musique et je veux satisfaire plaisir à de milliers de fans, qui ne sont pas forcément des Ivoiriens ou des africains.
Que pensez-vous du genre musical Coupé Décalé ?
A priori, je n’ai aucune objection à faire. Bien au contraire, c’est un genre musical qui compte beaucoup dans le show- biz. C’est un style que j’apprécie. C’est quelque chose qui fait beaucoup bouger. En fait, ça existait avant, ils y ont mis leur grain de sel afin que les choses évoluent aujourd’hui.
Votre secret pour rester toujours belle…
C’est gentil. Le secret c’est d’être positive dans sa tête et pratiquer beaucoup le sport, et être bien dans sa peau.
Vous faites partie de ces rares artistes ivoiriennes à avoir mis la corde au cou officiellement de façon médiatisée…
Peut-être parce que les autres n’éprouvent pas encore la nécessité de le faire maintenant…
Les cas rares le font en catimini. Contrairement à vous…
Notre mariage a été médiatisé parce que nous l’avons voulu. C’était notre bonheur. Nous nous aimons et nous avons voulu partager ce bonheur avec tous nos amis.
Comment vivez-vous votre vie de couple ?
Par la grâce de Dieu, pour l’instant ça va. C’est vrai que nous sommes des êtres humains. Mais je prie Dieu pour que notre couple subsiste aux intempéries.
Le métier d’artistes a pourtant ses exigences. Des concerts par-ci, des concerts par-là. Cela ne risque-t-il pas de jouer négativement sur votre vie de couple ?
Mon mari est professeur en Lettres modernes certes, mais il est aussi artiste comme moi. Il était comédien en Côte d’Ivoire, avant de venir en Europe. Donc il sait ce qu’est le milieu du show biz. Il me comprend beaucoup ; heureusement d’ailleurs.
Des conseils à celles qui ne sont pas encore mariées
Pour moi, être célibataire n’est pas une fatalité. Il faut respecter leur choix. Moi j’ai choisi de me marier. Peut-être que la vie de célibat les arrange, ou qu’elles n’ont pas encore trouvé l’âme sœur. Quelqu’un qui les comprend. Parce qu’il ne suffit pas de se marier et qu’après quelques mois ton homme t’interdise de faire de la musique ou qu’il s’oppose aux coups de fil de ton manager. Pour moi, le jour qu’elles décideront et que le bon Dieu leur accordera aussi un mari, il n’y a pas de souci.
Votre contribution à l’effort de paix ?
C’est le pardon, la compréhension et beaucoup de compréhension. La tolérance est la base de tout.
Vos projets immédiats pour le nouvel album?
Les projets immédiats c’est l’album qui se prépare et qui va être bientôt sur le marché. On espère qu’il sera accueilli favorablement par les mélomanes.
Un appel à vos fans ?
C’est parce que je les adore que je suis là. Qu’ils sachent que j’ai beaucoup pensé à eux pendant mon absence. J’ai été beaucoup soutenue par certains via facebook et à travers des messages. Je les remercie beaucoup. Je suis de nouveau parmi eux comme ils l’ont toujours souhaité. L’album, je l’ai préparé minutieusement pendant deux ans. Julie Mabéa fera désormais partie de leurs décors.
Votre cri de cœur ?
- Que les autorités de mon pays, la Côte d’Ivoire fassent quelque chose pour les artistes qui se meurent. Si elles (autorités) ne sont pas conscientes qu’un pays est basé sur le tourisme etla culture, c’est une vraie catastrophe. Il ne suffit pas de parler pour parler, il faut agir. Si le Burida doit être une caisse noire quelque part pour les uns et les autres, c’est tout simplement déplorable. Même quand on a l’envie d’amasser de l’argent, il faut avoir une petite consciente. Les gens se moquent des artistes. Pourtant, il n’y a pas de petits artistes. Créer une œuvre artistique ce n’est pas donné à tout le monde. Que les décideurs de mon pays permettent aux artistes de vivre de leur art. Comment voulez-vous qu’un artiste arrive à manger quand vous achetez des CD à des feux ? Franchement c’est honteux. Ils donnent des clés USB à leurs boys et leur demandent de télécharger des chansons. C’est honteux. S’ils n’ont pas cette conscience, c’est tant mieux pour eux. Mais qu’ils sachent que tout se paye sur cette terre.
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