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[Interview/Gisèle Dutheuil, membre du comité de pilotage du projet Alerte-Foncier] «Il faut une bonne collaboration entre l’Etat et les communautés villageoises  pour une sécurisation des terres en  Côte d’Ivoire»


Abidjan, 26-07-2019 (lepointsur.com) Dans le cadre de son projet Alerte-Foncier pour une gouvernance inclusive et durable du foncier rural en Côte d’Ivoire, Gisèle Dutheuil, co-porteur du dit projet et directrice d’Audace Institut Afrique a échangé avec le pointsur.com le vendredi 19 juillet 2019. Dans cet entretien, elle revient sur les motivations et les innovations de ce projet.

Lepointsur : Pouvez-vous nous présenter le projet Alerte-Foncier ?

GD : Alerte-Foncier est une plateforme réunissant une centaine d’associations de la société civile, qui travaillent, depuis 2015, sur la problématique du foncier rural et urbain. Et depuis décembre 2018, la plateforme bénéficie d’un financement de l’Union européenne et de CCFD-Terres solidaires, qui lui a permis d’accélérer son travail sur le terrain, afin de contribuer, avec l’aide du gouvernement, à l’amélioration de la gouvernance foncière dans le pays.

Lepointsur : Qu’est-ce qui justifie la mise en œuvre de ce projet ?

GD : Le foncier est un sujet sensible auquel tout le monde hésite à s’attaquer. L’Etat ne pourra pas résoudre seul cette problématique. Les villages qui ont la connaissance traditionnelle des limites de terres ne pourront pas eux non plus le faire tout seuls. Donc l’idée, c’est que la société civile puisse vraiment instaurer un cercle vertueux entre l’Etat et les villages de manière à améliorer de façon efficiente les procédures de certification des terres. Aussi, c’est d’avoir une réflexion au niveau national, tenant compte surtout du contexte de la Côte d’Ivoire, et de voir dans quelle mesure les terres peuvent être sécurisées rapidement et à moindres coûts. Mais pour y arriver, Il faut une bonne collaboration entre l’Etat et les communautés villageoises. Et c’est ce rôle de facilitateur que le réseau Alerte-Foncier veut jouer.

Lepointsur : Comment ce travail s’effectue concrètement sur le terrain ?

GD : Sur le terrain, il s’agit de former toutes les organisations de la société civile qui sont plus près de la population, notamment les organisations agricoles. A ce niveau, nous travaillons avec la Chambre nationale des Rois et Chefs traditionnels pour justement porter ces idées, les aider à constituer leurs comités villageois de gestion foncière rurale telle que le suggère la loi.

Lepointsur : En termes d’innovations, qu’est-ce que vous apportez de plus par rapport au premier projet ?

GD : Nous ne sommes pas là pour avoir un financement et nous arrêter. L’innovation, c’est vraiment d’aider cette société civile à améliorer ses compétences sur la question du foncier rural, mais surtout de promouvoir l’importance de la sécurisation foncière qui est un volet très important qu’on oublie parfois. C’est donc cette vision globale de la sécurité et cette idée d’être une société civile constructive qui fait le plus de ce deuxième programme d’Alerte-Foncier

Lepointsur : De nombreux défis sont liés à la question foncière. Est-ce que ce nouveau projet prend en compte cette question ?

GD : Bien sûr. Vous savez, la majorité des gens qui nourrissent la Côte d’Ivoire sont les planteurs. On parle beaucoup de certification. Mais on oublie  parfois le problème des contrats de location de ces exploitants. Cela fait partie du programme d’Alerte-Foncier que de promouvoir ces contrats à travers des campagnes radios, à travers le maillage territorial pour que chacun ait un papier de garanti. Ceci, pour améliorer la sécurité foncière de ceux qui ont les droits coutumiers c’est-à-dire les propriétaires, mais aussi des exploitants de terres.

Lepointsur : La sensibilisation est un problème réel sur le terrain dans le domaine du foncier. Comment vous vous y prenez effectivement pour la mener ?

GD : En plus de la formation, la sensibilisation occupe une grande place dans notre programme. Nous tenons à rassurer les populations villageoises qu’il n y’ a aucun danger à accepter de matérialiser l’appartenance de leurs terres dans des documents. Parce que quand le gouvernement arrive pour les immatriculer,  Il y a beaucoup d’incompréhensions. Certaines d’entre-elles pensent, par exemple, que c’est pour leur faire payer des impôts. Mais, aujourd’hui, il y a de plus en plus des personnes qui sont à Abidjan qui n’ont pas de travail  et qui veulent revenir à la terre. Il est temps que les  villageois comprennent qu’ils doivent enregistrer leurs terres sur des papiers de manière à ce qu’il y ait plus de clarté et moins de conflits.

Lepointsur : Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées sur le terrain ?

GD : La difficulté majeure que nous avons rencontrée, c’était d’arriver à créer un maillage territorial parce qu’on veut toucher l’ensemble des régions de la Côte d’Ivoire. Maintenant, cette difficulté est résolue en grande partie grâce à un partenariat avec des organisations paysannes et surtout avec la Chambre nationale des Rois et Chefs traditionnels, qui nous offrent un maillage exceptionnel jusque dans les villages. C’était le défi à relever. Et nous y sommes presque. Toutefois, nous avons encore beaucoup de travail à faire.

Interview réalisée par Boubakar Barry

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