[Interview] Gassimouh Soumah (de la direction générale la Police guinéenne) :‘’Les fakenews en tant que telles n’influencent pas le résultat des élections, mais…’’
Le directeur central adjoint de la sécurité publique au sein de la direction générale de la Police nationale de la République de Guinée, le commissaire de police, Gassimouh Soumah, dans cet entretien, s’explique sur la sécurisation des élections et la lutte contre les fausses informations (fakenews) dans son pays.
Quand on aborde la question de la sécurisation des élections et la lutte contre les fake news, c’est qu’il y a problème, n’est-ce pas?
C’est exact. Quand les fakenews s’invitent au débat sur la sécurisation des élections, c’est qu’il y a problème. Les fakenews ou les fausses informations sont de la désinformation. C’est en quelque sorte manipuler ou tromper le peuple.
Généralement, les fakenews partent d’une personne ou d’un site anonyme pour se propager vers des sites influents, bien référencés, pour se retrouver sur les réseaux sociaux. Ce qui est plus important à retenir dans les fakenews, c’est que c’est un facteur de trouble à l’ordre public.
Selon vous, les fakenews peuvent-elles avoir un impact sur le résultat des élections ?
Les fakenews en tant que telles n’influencent pas le résultat des élections, mais jouent beaucoup sur l’opinion des personnes. Et quand cette opinion n’est pas gérée avec tact, nous basculons dans des manifestations qui déclenchent effectivement des troubles à l’ordre public. Et la police en tant que telle, comme sa mission régalienne, c’est de protéger les personnes et leurs biens, vient rétablir et maintenir l’ordre, qui pour la majorité des cas, se déroule sur la voie publique.
Généralement, la police affirme qu’elle a un droit de réserve, donc confisque l’accès à certaines informations et documents publics. N’avez-vous pas le sentiment que ce droit ouvre la porte à toutes sortes de fausses informations concernant vos actes?
Oui, je suis entièrement d’accord avec vous. En tant que policiers, nous sommes astreints à l’obligation de réserve et à la discrétion professionnelle. Toutes nos actions sont régies par la loi 09 portant sur le maintien et le rétablissement de l’ordre, qui nous exige d’utiliser des moyens et les matériels conventionnels, ce qui veut dire que nous sommes limités dans tout ce que nous disons, dans tout ce que nous faisons, parce que le policier dans sa déontologie doit éviter tout agissement de nature à porter le discrédit sur l’institution.
Donc, vous faites plus de communication que d’information ?
Oui, nous communiquons quand des cas de fausses nouvelles se présentent. C’est un devoir. Pour ce faire, en tant qu’institution, il est de notre devoir de communiquer sur les faits qui sont révélés faux. En prononçant des conférences de presse pour attirer l’opinion nationale sur le fait, en disant exactement ce qui s’est passé. Mais, tout cela, dans le strict respect de la déontologie de notre métier.
En revanche, ne pas informer comme vous l’avez dit, ouvre aussi une porte aux fakenews et chacun interprète de sa façon.
Donc, la police par rapport à ces faits, doit toujours informer et communiquer pour ne pas laisser la porte aux fausses informations qui viendront inonder la conscience des personnes au niveau de l’opinion nationale et internationale.
En Guinée, une loi a-t-elle été votée pour que la société civile et les journalistes puissent avoir accès aux informations et aux documents d’intérêt public ?
Oui, oui. Vous savez, l’accès à l’information est un droit pour le citoyen. Comme toute administration, il y a le principe de redevabilité. Le citoyen a le droit de venir vers l’administration publique demander des comptes. Autant vous affirmer que la société civile, la police nationale et les journalistes s’associent pour travailler souventes fois.
Vous savez, même le journalisme a ses limites. Je sais que vous ne devez pas écrire de papiers ou véhiculer de messages qui troubleront l’ordre public. Je pense que, vous-même, votre déontologie interdit cela. À savoir que l’information que vous donnez ne doit pas porter atteinte à la sûreté de l’État.
En Guinée, nous travaillons beaucoup dans ce sens, c’est pourquoi parfois il y a des rapports très tendus entre police et la société civile, parce que la partie civile veut que nous lui disions tout, alors que nous ne pouvons pas tout dire. Sachez que notre déontologie est très exigeante par rapport à cela.
Toutefois, quand il s’agit des informations d’intérêt public, nous parlons le même langage, nous communiquons pour l’intérêt général de la nation.
À cause des vives tensions en Guinée ces derniers temps, il y a des images qui circulent dont on ignore la provenance et l’authenticité, donc difficile à recouper. Est-ce que des dispositions ont été prises au sein de la police pour pallier cela ? Si oui quel service s’en occupe? Si non pourquoi ?
Au sein de la direction de la Police nationale, à travers la direction centrale de la Police judiciaire, la brigade de recherche et d’intervention est équipée de moyens conséquents qui nous permettent de faire la distinction entre ce qui est faux et ce qui est vrai.
Aussi, au sein de la direction centrale de la sécurité publique, nous avons ce qu’on appelle ‘’le Centre national de l’information et de la communication’’, qui centralise toutes les informations émanant des collectivités locales.
Lorsqu’il y a des tensions dans un pays, sur les réseaux sociaux, les gens prennent des images qui ont été prises dans d’autres pays et les collent aux événements actuels de la Guinée, on remonte le fil. Ensuite, on informe la population en disant que cette image, par exemple, a été prise dans tel pays, lors de tel fait. Cela permet de ne pas coller le faux à la tension qui existe actuellement dans le pays.
Donc, par rapport à cela, soyez à l’aise. Plusieurs photos parmi les images qui circulent actuellement sur la Guinée sont des clichés pris dans d’autres où des événements antérieurs. Alors, en aucun cas on ne peut coller ces images aux faits qui se passent actuellement. La plupart de ces photos sont de fausses images.
Quelle est la sanction qu’encourt un journaliste lorsqu’il diffuse une fausse information ?
Il y a deux lois en Guinée qui régissent les infractions commises via internet. Lorsqu’un journaliste commet l’infraction, il y a la loi 02 qui est tellement souple, en faveur du journaliste, qui stipule que le journaliste ne doit pas faire la prison pour ses écrits. Donc, aujourd’hui, aucun journaliste ne peut faire la prison en Guinée, mais en cas d’infraction et qui n’est pas liée à son métier, là, ça devient pénal.
Et un citoyen lambda ?
Quand un citoyen lambda commet une infraction sur Internet, il est frappé par la loi sur la cybercrimalité. Cette loi nous permet, en tant qu’officier de police judiciaire, de l’interpeller et de le traduire devant le Parquet pour répondre de ses actes. Cela se passe sous la direction du procureur général de la République, qui nous saisit et, automatiquement, un constat est fait. Si les preuves sont réunies, le coupable est traduit devant la justice pour répondre de ses actes.
Cela dit, le policier ne peut pas interpeller un individu pour le mettre en prison. C’est une mesure privative de liberté qui est diligentée sous la responsabilité du procureur de la République.
Est-ce qu’à ce jour, on peut affirmer que la sécurisation des élections de 2020 et les fakenews seront une réalité dans la sous-région Ouest-africaine ?
2020 s’annonce comme l’année électorale pour plusieurs pays de la sous-région Ouest-africaine, la Guinée se prépare par rapport à cela.
Le modèle guinéen est particulier parce qu’à chaque élection, la Guinée crée une unité spéciale.
Si nous prenons, par exemple, les élections de 2010, la Guinée a créé ce qu’on a appelé la force spéciale de sécurisation de la présidentielle et, en 2015, il y a eu l’unité de sécurisation des élections. Ces forces sont créées pour le bon déroulement des élections et la mission de ces forces ou de ces unités est la sécurisation avant, pendant et après les élections.
Je vous avoue que, par rapport à toutes les élections qui se sont déroulées en République de Guinée, nous n’avons pas eu de problème, puisque ces unités ont déployé une stratégie qui a bien fonctionné. C’est grâce à deux stratégies qui fonctionnent parfaitement que nous sommes parvenus à contenir ces mouvements.
Depuis les élections de 2010 et 2015, quelles sont les dispositions concrètes qui ont été prises pour éviter les violences concernant les fausses informations?
On a toujours pris des dispositions lors des élections par rapport aux fakenews. Le premier point, c’est la communication. Quand nous constatons une communication qui n’est pas bonne, il est de notre devoir, en tant que policier, de démentir d’abord la nouvelle si elle est fausse, mais d’orienter également les populations vers l’organisation qui est censée donner la bonne nouvelle. Voilà l’une des dispositions que nous avons prises.
Aussi, lorsqu’on se rend compte que de fausses informations sont véhiculées lors des élections, nous créons une plateforme qui nous permet de les signaler. Une fois que ces fausses informations sont signalées, automatiquement, nous intervenons pour orienter la population. Voilà ce qu’on fait lors des élections au quotidien.
Interview réalisée à Accra par Sériba Koné
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