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Interview exclusive/Jean Kouadio Bonin (Vice-président du Fpi) : ‘’Si ce n’est pas la balle d’un mutin qui vous tue, c’est la machette d’un microbe qui s’en chargera’’


‘’Même s’il neige ce jour-là, nous devons braver ces intempéries car aucun sacrifice n’est de trop pour sauver notre nation’’

CIV-lepointsur.com (Abidjan, le 9-6-2017) A quelques jours de la marche citoyenne que le Front populaire ivoirien envisage de tenir le samedi 17 juin 2017, l’un des vice-présidents de cette formation politique se prononce sur la pertinence de ce rassemblement. Au cours de l’interview qu’il nous accordée, Jean Kouadio Bonin précise que qu’aucun obstacle ne saurait freiner cet évènement qui, selon lui, se présente comme l’ultime occasion de mettre devant les projecteurs, tous les échecs du pouvoir Ouattara. A juste titre, il invite tous les Ivoiriens à y prendre part.

Vous avez initié une marche dite de protestation le samedi 17 juin 2017. Comment vont les préparatifs de ce rassemblement contre le pouvoir ?

C’est une marche citoyenne. Elle concerne tous les Ivoiriennes et les Ivoiriens qui n’en peuvent plus de la mauvaise gouvernance du pouvoir en place. Cela dit, les préparatifs vont bon train. Nous sensibilisons le maximum de compatriotes, les organisations de jeunesse, bref, les forces vives de la nation afin que les uns et les autres comprennent que l’heure est grave, le pays court vers la faillite.

Le fossé entre le Fpi et la dissidence conduite par Abou Drahamane Sangaré semble désormais très grand. Ne pensez-vous pas au boycott de votre rassemblement par cette branche qui s’est toujours opposée à toutes vos actions ?

Le président Affi a fait tout ce qui est humainement possible pour que la paix interne revienne au FPI.  Malheureusement, le vice-président Sangaré reste sourd. Affi s’est même humilié au nom de la réconciliation interne. Il s’est rendu deux fois chez Sangaré pour échanger avec lui, Sangaré a refusé de lui ouvrir sa porte. Il a mandaté des personnalités pour qu’elles parlent à Sangaré pour que la paix revienne au FPI, en vain. Les chefs Bétés de Yopougon et de Gagnoa, les chefs traditionnels Agnis, le doyen Bernard Dadié, le vice-président Afrique de l’international socialiste et bien d’autres ont buté sur l’intransigeance de Sangaré. Même lors du décès de sa mère, Affi a conduit une délégation du parti pour lui faire le traditionnel yako, là encore il a laissé Affi devant son portail. C’est insensé ! C’est contre toutes nos valeurs coutumières.  En même temps, ce qui est curieux, c’est qu’alors qu’il refuse l’entente au FPI, il discute aisément et sans complexe avec des gens qui ont combattu activement Gbagbo et applaudi son extradition à la CPI tels KKB, Anaky, Doumbia Major et tant d’autres. Il est même rentré avec eux dans des coalitions telles que la CNC et le FDR. Franchement, on a beau tourner cette affaire dans tous les sens on ne comprend pas quel est le problème de Sangaré, qu’est-ce qu’il reproche à Affi. Parce que si c’est parce qu’Affi veut le dialogue politique avec le pouvoir, aujourd’hui lui-même réclame à Ouattara ce dialogue. Il reçoit les honneurs militaires, il reçoit depuis 2013 sa rente viagère de Ouattara. Il n’a pas ses comptes gelés. Des Préfets prennent des arrêtés d’interdiction de certaines de ces cérémonies, mais il les organise quand même sans qu’il ne soit arrêté tel que cela s’est passé à Akouré. 

Est-ce parce qu’Affi N’Guessan veut être Président de la République ?

À l’occasion de la mise en place de sa nouvelle plateforme EDS il a dit qu’il sera candidat à la présidentielle de 2020 alors que c’est le même Youssouf Bakayoko qui organisera cette élection. Pendant ce temps, Laurent Gbagbo n’a toujours pas été libéré. Le problème de Sangaré est ailleurs. Lui seul sait ce qu’il reproche à Affi et pourquoi il n’a pas intérêt à ce que la réconciliation soit une réalité au FPI. Pour la marche du 17 juin, Affi lui a adressé un courrier pour qu’il y participe. Il espère qu’il viendra, car ce qui peut nous opposer ne peut pas être plus fort que notre volonté de voir Alassane Ouattara quitter le pouvoir.

Ces deux tendances ont profondément affaibli la formation politique créée par l’ex-Président Laurent Gbagbo. Sur quels militants comptez-vous exactement vous appuyer pour réussir la marche du 17 juin 2017 ?

Nous comptons d’abord et surtout sur les Ivoiriens et les Ivoiriennes. C’est une marche citoyenne. Elle va donc au-delà du FPI et des petites querelles de personnes. Il y a des sujets qui doivent rassembler les Ivoiriens et sur lesquels nous devons nous entendre. Aujourd’hui, les sujets de mécontentement ne manquent pas. Ils sont nombreux. Chômage, cherté de la vie, insécurité, détournement des fonds de l’agrobusiness et des fonds de réserve de la filière café-cacao, rattrapage ethnique, détournements massifs de fonds publics. Il faut que tous ceux qui souffrent de la gouvernance appauvrissante de M. Ouattara soient dans la rue le 17 juin 2017 pour lui dire que trop c’est trop. C’est de cette manière qu’il comprendra que le vrai pouvoir appartient au peuple et à personne d’autre. Si les Ivoiriens ne sortent pas ce jour-là pour crier leur colère à Alassane Ouattara, c’est qu’ils sont satisfaits de leur condition de vie, ce ne sera pas un échec pour Affi, mais un échec de la société civile ivoirienne. On dit que les peuples ont les dirigeants qu’ils méritent. Il nous appartient de descendre tous dans la rue le 17 juin pour montrer à la face du monde que M. Ouattara n’est pas le choix des Ivoiriens. 

Le jour retenu pour la manifestation est un samedi en pleine saison de pluie. Pensez-vous sincèrement que les populations répondront à l’appel de votre parti ?

Qu’est-ce que la pluie devant les souffrances d’un peuple ? Rien. La pluie bénira notre marche. Même s’il neige ce jour-là, en Côte d’Ivoire, nous devons braver ces intempéries car aucun sacrifice n’est de trop pour sauver notre nation. Non, la pluie ne doit pas être un prétexte pour donner à M. Ouattara le sentiment qu’il peut faire ce qu’il veut, quand il veut et comme il veut, car nous sommes des peureux et que face à ses actes impopulaires, il ne se passera rien.

Avez-vous déjà eu l’accord des autorités pour la marche de protestation ? Si c’est le cas, quel est l’itinéraire que suivra la procession ?

En Côte d’Ivoire, les marches sont soumises à un régime d’information et non d’autorisation. Le Préfet de région a été informé en bonne et due forme. Il n’y a de ce point de vue aucun problème. Le rassemblement se fera à la gare de Grand-Bassam à Treichville, dès 8h. De là, la marche prendra la voie qui mène vers nanan Yamousso, empruntera le pont De Gaule et un grand meeting couronnera le tout à la place des Martyrs à Adjamé.

Que reprochez-vous au pouvoir actuel dont les actions semblent en faveur de la paix sociale et à l’essor économique du pays ?

Le pouvoir par sa surdité et sa cécité politique a échoué sur le plan de la justice sociale et de la réconciliation nationale. Des centaines d’Ivoiriens sont maintenus illégalement en prison pour leur opinion politique, des milliers de nos compatriotes sont en exil, des millions de nos concitoyens sont au chômage, la cherté de la vie est devenue endémique. De nombreux Ivoiriens aujourd’hui ne prennent qu’un seul repas par jour. Le travail des fonctionnaires est sous payé. Peu d’Ivoiriens peuvent se soigner correctement. Si ce n’est pas la balle d’un mutin qui vous tue, c’est la machette d’un microbe qui s’en chargera. Le pays va mal. Très mal. Regardez le nombre d’Ivoiriens qui meurent chaque jour dans la Méditerranée en essayant de fuir la croissance appauvrissante de M. Ouattara. Même les militants du RDR déchantent. D’ailleurs ils sont les bienvenus à la marche.

Pouvez-vous situer les populations sur le contenu du message que vous véhiculerez au cours du rassemblement ?

Nous en réservons la primeur aux marcheurs. Il faut que le pouvoir comprenne que devant l’échec du dialogue politique, des points et conférences de presse, nous allons opter pour une autre démarche républicaine pour le faire plier comme cela a été les cas au Mali, au Burkina, en Egypte et en Tunisie. Les Ivoiriens doivent comprendre qu’aucun pouvoir n’est assez fort devant un peuple déterminé et cela, Blaise Compaoré l’a appris à ses dépens.

Nous sommes à moins de dix jours de cet évènement que vous souhaitez historique, rien pour autant ne rassure quant à la mobilisation autour. Une telle situation est-elle opportune à votre volonté de rassembler le maximum d’Ivoiriens ?

L’efficacité n’aime pas le bruit. Nous travaillons discrètement dans les quartiers, auprès des syndicats, des associations et plus généralement auprès des organisations de la société civile. D’ailleurs, pour essayer de tuer cette marche dans l’œuf, le gouvernement a reculé sur la loi sur la presse, il va libérer incessamment des détenus politiques, il veut précipitamment régler le problème des fonctionnaires, des souscripteurs de l’agrobusiness…  Malgré tout cela nous serons dans la rue le 17 juin pour crier notre colère, car lui-même il pose problème. Il est le problème de notre pays.

L’on a souvenance que les derniers rassemblements de l’opposition ont été violemment dispersés par les forces de l’ordre. Quelle garantie donnez-vous aux potentiels marcheurs pour leur sécurité le samedi 17 juin 2017 ?

À l’approche des jeux de la Francophonie le pouvoir n’a aucun intérêt à ternir plus qu’il ne faut, son image déjà écorné à l’international. Il prendrait un gros risque car vaille que vaille cette marche aura lieu. Nous n’avons aucune inquiétude à ce sujet. Nous sommes sereins.

Avez-vous associé des organisations de la société civile à la manifestation du Front populaire ivoirien ? Si c’est le cas, citez-en quelques unes d’entre elles ?

Nous avons invité les principaux partis et groupements politiques, dont le Cojep et l’Eds de Sangaré. Les principales centrales syndicales également, Dignité, Ugtci, Fesaci, synares… L’accueil a été cordial et favorable. Ils ont tous promis en référer à leur base et nous faire un retour. Nous les attendons tous à la marche. Quand le pays nous appelle nous devons répondre à cet appel. C’est un impératif de survie de notre nation.

Réalisée par Idrissa Konaté

 

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