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Interview exclusive / Charles Koffi (Président du Renavidet-Ci) : ‘’Le ministre Gnénéma a contribué à faire traîner notre procédure’’


La décision de justice récemment rendue concernant le détournement des 4,658 milliards Fcfa prévus pour l’indemnisation de 6.624 victimes des déchets toxiques continue de faire grincer des dents. Notamment celles de Charles Koffi, président du Renavidet-Ci (Réseau national des victimes des déchets toxiques de Côte d’Ivoire). Au cours d’une interview, il s’est dit offusqué par cette décision et a levé le coin du voile sur le rôle joué par le ministre de la Justice, Coulibaly Gnénéma, pour l’influencer.  

Charles KoffiVous ne semblez pas satisfait par la décision rendue par le tribunal d’Abidjan le mardi 13 janvier 2015, relative au détournement de l’argent destiné à l’indemnisation des victimes des déchets toxiques. Quels sont les recours qui s’offrent à vous pour remettre en cause cette décision ?

Le seul recours de droit qui s’offre à nous, c’est la voie de l’appel.

Après une telle décision, quel est  l’état d’esprit qui anime les nombreuses victimes qui vous ont confié la défense de leurs droits ?

Les victimes sont plus que jamais déterminées à aller jusqu’au bout. Elles ont découvert le pot aux roses qui consiste, pour certaines autorités étatiques trempées dans ledit détournement, à créer un dilatoire indéfini pour protéger les criminels que sont Koné Cheick-Oumar, Gohourou Claude et autres. Partant de là, se protéger elles-mêmes.

Dans une lettre adressée au ministre de l’Intérieur, vous projetiez une série de sit-in pacifiques à partir du 20 janvier 2015. Que recherchez-vous à travers de telles actions ?

Les manifestations dont les sit-in pacifiques font partie des libertés publiques. Et on décide de manifester lorsqu’on est frustré de nos droits. En l’espèce, la décision incomplète, partiale, ambiguë et complaisante prise par la chambre des délits économiques du tribunal correctionnel de première instance d’Abidjan Plateau est tout, sauf une décision de justice. De mémoire de juriste, c’est la première fois que je constate une condamnation à 20 ans de prison sans mandat de dépôt. Cette situation ne doit pas être maladroitement confondue avec celle des ‘’Tapé Doh’’ de la filière café-cacao qui avait déjà été mis sous mandat de dépôt pendant trois ans avant leur jugement et qui ont bénéficié d’une liberté provisoire. Au terme de celle-ci, un jugement est intervenu, les condamnant à 20 ans sans qu’ils ne retournent à nouveau dans leur cellule. Mais, cela est dû au fait que tous leurs comptes ont été saisis aux fins du remboursement des numéraires détournés. Par là-même, il y a eu donc eu une transaction sur l’action publique. Ce n’est donc pas le cas des deux faussaires en liberté qui n’ont rien remboursé et qui ont été aidés, par le tribunal, à déclarer mal fondée ma constitution de partie civile au motif que j’ai été indemnisé. Juste pour trouver des raisons de ne pas évoquer dans la décision prise, les intérêts civils, c’est-à-dire notre indemnisation que Koné Cheick- Oumar et Gohourou Claude ont passé tout leur temps à dilapider en soudoyant certaines autorités politico-judiciaires et bénéficier de l’impunité. C’est vraiment dommage que cela se passe sous le régime du Président Alassane Ouattara qui avait promis, dès son avènement à la magistrature suprême, non seulement régler cette affaire des déchets toxiques en particulier, mais aussi et surtout la justice au peuple de Côte d’Ivoire, en général. Malheureusement, certains de ses collaborateurs avides d’argent comme cela a été le cas sous l’ancien régime et qui a fait couler le Président Laurent Gbagbo, foulent au pied le travail colossal abattu par le Président de la République pour l’émergence de notre pays à l’horizon 2020.

Comment expliquez-vous que Koné Cheick-Oumar, Gohourou Claude, Digbeu Léocadie, Awa N’Diaye, épouse M’Baye tous incriminés dans l’affaire du détournement de l’indemnisation des victimes des déchets toxiques soient condamnés à 20 ans  sans que des mandats de dépôt ne leur soient décernés ?

Cela a été volontairement fait par le juge pour leur donner la possibilité de faire appel, et ainsi de voir la décision être suspendue ; c’est aussi une vengeance personnelle du ministre de la justice lorsqu’ il m’avait reçu courant novembre dernier en présence de ses collaborateurs, parmi lesquels figurait son directeur de cabinet. Il  m’avait dit : « Tu as ton doigt dans la bouche du singe et tu veux taper sur sa tête. Comment tu peux dire que Le juge Koné Bernard va juger Koné Cheick-Oumar, tu sais combien de Koné il a mis en prison ? Il peut te faire arrêter pour ces propos. Il peut même prendre une  fausse décision contre vous et si vous n’êtes pas contents vous ferez appel c’est tout ».

Il avait même continué pour dire : «  ce n’est pas l’emprisonnement de Koné Cheick-Oumar qui est important et qu’ils étaient entrain de faire des mains et des pieds pour rembourser notre argent. Nous-mêmes on sait la vérité ; comment quelqu’un qui a détourné 4,658 milliards Fcfa peut promettre 60 milliards Fcfa. Qu’il donne d’abord ces 4 milliards Fcfa. Votre problème est complexe. Est-ce que vous savez qu’Access Bank a changé de nom que ce n’est plus la même banque ? »

En somme, le ministre de la Justice s’était substitué aux avocats de la partie adverse et c’est sa volonté qui a été retranscrite en décision de justice, parce que selon lui, j’exigeais sa démission à l’occasion des différentes manifestations organisées par le bureau exécutif de l’association que j’ai l’honneur de présider.

Que répondez-vous à la décision de justice qui vous dénie la qualité de représentant de victimes et qui stipule que seul un conjoint ou un parent au 3e  degré peut avoir cette qualité ?

C’est une décision aberrante à tous égards. Cependant, elle ne me dénie pas la qualité  de représentant des victimes mais plutôt, la qualité de représenter les victimes, personnes physiques devant le tribunal au regard des trois conditions exigées par le code civil : être un parent au 3ème degré, un conjoint ou un avocat.

Nous n’avons pas de problème avec cette disposition de la loi. Ce, d’autant que Me Tanoh Diavatchè Pierre s’est constitué pour notre compte, à toutes les étapes de cette procédure. Aussi, le juge a-t-il déclaré recevable ma constitution de partie civile. Cependant, l’y dit mal fondé parce que, selon lui, j’aurais reçu 5 millions Fcfa à titre d’indemnisation, ce qui est archi-faux, parce que l’indemnisation individuelle est de 727.500 Fcfa.

C’est une vengeance personnelle de certaines autorités, soit impliquées dans ce dossier, soit qui ont bénéficié des numéraires détournés, à mon égard, et pour cause. N’eut été ce motif fallacieux des 4,658 milliards Fcfa qui m’auraient été versés en ma qualité de plaignant principal pour indemniser les 6.624 victimes restantes. C’est une double humiliation qu’elles ne voulaient pas essuyer, selon elles. Aussi, notre conseil était-il fondé à recevoir lesdits fonds à cette même fin. Mais, pour moi, c’est le premier épisode et le film continue, la lutte continue donc et ce, en dépit des menaces de mort et tentatives d’assassinat dont je suis quotidiennement l’objet, pour cause de marcher sur les plates bandes de la République.

Dans une déclaration faite juste après le jugement, Gohourou Claude estimait que le blocage était enfin levé par la justice. Cela insinue-t-il que c’est vous qui étiez l’obstacle au processus d’indemnisation des victimes des déchets toxiques ?

Avec tout ce que je viens de vous expliquer, c’est plutôt la justice ivoirienne qui est l’obstacle au règlement du problème. C’est la justice qui n’a pas intérêt à ce que ce problème se règle, parce que cette décision farfelue ne prend pas en compte les intérêts des victimes, encore moins elle ne prévoit pas la reprise de notre indemnisation.

Or, la justice elle-même, au regard des preuves irréfragables et les contradictions des deux larrons s’accusant mutuellement devant ledit tribunal, quant au détournement en cause, a reconnu que Gohourou Claude et ses acolytes ont détourné notre indemnisation. Ce qui a valu leur condamnation à 20 ans de prison ferme. Les différents rapports d’enquête ont démontré que le détournement a eu lieu le 24 mars 2010, donc avant la survenance de la crise postélectorale que Gohourou Claude utilise comme prétexte  pour avoir interrompu  ledit processus.

Le président du Renavidet-Ci, Charles Koffi (T-shirt orange et pantalon jean) lors d'un meeting annulé des victimes des déchets toxiques à Vridi-Cité dans la commune de Port-Bouët.

Le président du Renavidet-Ci, Charles Koffi (T-shirt orange et pantalon jean) lors d’un meeting annulé des victimes des déchets toxiques à Vridi-Cité dans la commune de Port-Bouët.

Le ministre de la justice affirme que c’est grâce à lui que le dossier des déchets toxiques a évolué. Qu’en dites-vous ?

Rires, c’est au contraire à cause de lui que le dossier a pris ce temps fou et continue d’en prendre, du fait de la condamnation de ces criminels sans mandat de dépôt pour leur permettre de continuer d’escroquer les victimes à travers une association fictive réhabilitée par le tribunal procédant d’une décision grotesque violant toutes les règles de Droit.

Avant l’arrivée de M. Gnénéma Coulibaly à la tête du ministère de la Justice, il ne restait plus que Koné Cheick-Oumar à entendre par la juge d’instruction, Mme Assi Dosso Juliette avant de transmettre ledit dossier au procureur de la République. Etant entendu que Gohourou Claude était à l’extérieur du pays (pour avoir été un mercenaire de la galaxie patriotique de Blé Goudé Charles qui était,  pendant la chaude période postélectorale, arrivé en dernière position au journal de 20h comme un cheveu sur la soupe. Pour affirmer que ma manifestation qui devait avoir lieu le jour suivant sur le détournement de notre indemnisation avait été suscitée par le Rdr pour attenter à la sûreté de l’Etat. Et que  cela avait été préparé par mon avocat, Me Soungalo Coulibaly, avocat du Rdr et du Président Alassane Ouattara. Si bien que mes anciens camarades étudiants véhiculaient partout que j’avais viré au Rdr. Toute la Fesci me cherchait, y compris les jeunes patriotes  exilés au Ghana   pour attenter à ma vie. Aujourd’hui, certains hauts responsables du Rdr me traitent d’appartenir à La majorité présidentielle).

La juge en question avait fait de cette condition, une exigence péremptoire. C’était courant 2012 où Koné Cheick-Oumar bénéficiait de fortes protections pour ne pas déferrer aux différentes convocations de celle-ci. Ce, en dépit du mandat d’arrêt sous le coup duquel il était. Lorsque M. Gnénéma avait été nommé ministre de la Justice, il aurait instruit le parquet général à l’effet de planifier la comparution de Koné Cheick-Oumar, afin de légalement déposséder ladite juge du dossier, en dépit de plusieurs classements sans suite de celui-ci qui ont fait échec, suite aux pressions des victimes à travers leurs différentes manifestations.

Le lundi 17 Juin 2013, lorsque Koné Cheick-Oumar a comparu devant ledit cabinet,  j’étais venu déposer la motion d’une manifestation tenue devant l’Assemblée nationale, à l’effet d’obtenir la levée de l’immunité parlementaire de M. Adama Bictogo impliqué dans le détournement de 600 millions Fcfa au préjudice de près d’un millier de victimes sur les 6.624 restantes.

Voyant la procédure trop longue, un procureur général dont je préfère taire le nom sur instruction, semble-t-il du ministre de la Justice, était descendu par deux fois et en vain au 1er cabinet d’instruction ou comparaissait Koné Cheick-Oumar depuis 9h pour ordonner à la juge de le laisser rentrer chez lui. Suite au refus de la juge qui avait décidé de le conduire à la Maca, au cas où il ne rembourserait pas l’argent détourné, celui-ci avait émis un chèque d’un milliard Fcfa, en vue de bénéficier de la liberté provisoire en rassurant que les fonds viendraient de l’un de ses comptes à l’extérieur pour créditer celui d’ici dans 72h. Eu égard à cet engagement au terme duquel il devait solder un milliard 600 millions Fcfa, fin septembre 2013, il avait été relaxé aux environs de 16h, à charge pour lui de revenir pour me soumettre ces propositions en ma qualité de partie civile.

Au terme du délai donné et après vérification, ledit chèque est revenu sans provision. Après quoi, il n’avait plus répondu aux nombreuses convocations de ladite juge jusqu’ à ce qu’elle soit affectée comme simple juge au tribunal de Yopougon à la rentrée judiciaire qui a suivi, comme nous l’avions révélé, pour indiscipline à sa hiérarchie. Elle a donc été remplacée par M. Loi Clotaire.

Par ailleurs, suite à une requête de l’un de nos conseils, dont Me Soungalo Coulibaly pour recevoir ledit chèque sur notre compte, en vue de commencer l’indemnisation progressive des victimes sous le contrôle de cette juge, puisqu’elle savait que le chèque émis était sans provision, la juge a fait ses réquisitions au parquet de la République sur l’état du chèque et sur l’objet de la demande de notre conseil. Les réquisitions sont restées, à ce jour, bloquées au parquet certainement pour ne pas avoir la preuve de cette autre mauvaise foi de son titulaire.

Suite aux pressions discontinues faites par les victimes, le sieur Adama Bictogo a été retiré par le nouveau juge dudit dossier pour le rendre moins lourd. Mais cette affectation inattendue avait dû retarder notre procédure et ce, d’autant que le nouveau juge avait pris un long temps pour connaître le dossier. Cela avait été le cas du procureur Ettien Tiémélé dont les premières réquisitions de 20 ans avaient échappé à la vigilance du ministère de la Justice. Qui n’a pas pu rectifier le tir, suite au port de cette information à la connaissance de l’opinion à travers une série de manifestations.

Après lesdites requisitions intervenues le 1er Juillet 2014, il avait été aussi affecté au tribunal d’Abengourou, y compris la juge de siège, Mme N’Dri Bertine qui a été changée de cette  chambre à la rentrée judiciaire d’octobre 2014. Cela a eu pour conséquence plusieurs renvois faits par les nouveaux juges à charge de statuer, renvois apparemment justifiés également par la connaissance du dossier en cause.

C’est donc à tort que le ministre de la Justice soutient cela. Bien au contraire, il a contribué manifestement à faire traîner notre procédure. Le jugement qui est donc intervenu est le fait des pressions exercées par les victimes elles-mêmes. Ce jugement rendu traduit le dilatoire indéfini orchestré par le ministère de la Justice pour protéger Koné Cheick-Oumar que nous avons tant dénoncé, partant Gohourou Claude. Car si Gohourou est emprisonné, il en ira de même pour Koné Cheick-Oumar. Ce qui justifie que le juge n’ait pas décerné de mandat de dépôt, en dépit des réquisitions du procureur qui le recommandaient. Les 20 ans d’emprisonnement dénués d’effets qui consacrent ainsi l’impunité et la discrimination d’une justice de deux poids deux mesures qui m’avait condamné à 6 mois de prison ferme pour avoir prétendument diffamé Gohourou Claude au cours d’une Assemblée générale où je l’avais accusé d’avoir détourné 3 milliards Fcfa. Détournement pourtant confirmé par le jugement du 13 Janvier 2015.

J’invite donc les victimes à continuer la lutte en utilisant les voies légales, car rien n’est éternel sur cette terre et nous, nous avons foi en la justice  divine.

Réalisée par Idrissa Konaté

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