Korhogo, 18-07-2020 (lepointsur.com) À Barthelemy Zouzoua Inabo: Les populations de Korhogo ont fait contre mauvaise fortune, bon cœur… Elles ont fini par accepter la réalité. Pendant une demi-heure au moins, les observateurs ont craint une « arafatisation » du caveau familial où repose ton parrain. Les forces de l’ordre ont eu mal à contenir les plus téméraires qui ont escaladé la clôture. Le dispositif de sécurité a été renforcé. Tard dans la nuit, la police était encore bien visible et les accès bien contrôlés. « Il faut maintenir la vigilance pendant au moins une semaine », conseille un cadre de Korhogo.
Elles se sont repliées au domicile des parents de ton défunt parrain pour exprimer par la danse, leurs frustrations.

Les forces de l’ordre ont eu mal à contenir les plus téméraires qui ont escaladé la clôture.

Frustrés d’avoir subi toutes les obsèques en spectateurs d’un des leurs, poroman convaincu, député et maire de leur cité, un homme qui selon leurs dires, se comportait en citoyen ordinaire et disponible au cours de ses séjours réguliers dans la ville, « les traditionnels » ont forcé les barrages, à motos ou à pieds, pour accompagner leur frère. La tension est montée d’un cran, après le départ de ton camarade et ses invités, du caveau familial. Mais le calme est revenu plus tard.

Ton camarade justement. Un homme totalement défait. Visiblement ! Il la joue stoïque mais le coeur est brisé. Au sortir du caveau familial, après l’inhumation de son frère et fidèle compagnon, les journalistes ont vu un chef d’Etat qui a péniblement quitté les lieux. Difficile séparation. Terrible séparation. Ton camarade est sonné. Tous ses plans politiques et même personnels sont tombés à l’eau avec le décès de celui qu’il avait choisi comme dauphin. Il doit dérouler très vite un plan B, celui de réorganiser tout son aréopage, nommer dans les meilleurs délais, après Korhogo, un Premier ministre et faire connaître sa décision de s’aligner ou pas pour la présidentielle dans exactement, 105 jours.
Le débat sur la question n’est pas simple. Il y a déjà la parole donnée de ton camarade lui-même, celle « de laisser la place à une nouvelle génération » et surtout la polémique sur « le troisième mandat ».
Il a beaucoup reçu à Korhogo. Officiellement, pour le « Yako » traditionnel.

Amadou Gon Coulibaly repose à jamais auprès de son père, au caveau familial à Korhogo

Ton parrain repose à jamais auprès de son père. La mort n’arrête pas l’amour. Les messages sur les tee-shirts portés par les fils et filles de Korhogo l’indiquent expressément: « AGC, nous t’aimons toujours ».
61 ans, une carrière professionnelle et politique riche. « Aux Jeunes de ce pays je veux dire ceci : Souvenez-vous, c’est par les voies du travail et de la compétence qu’Amadou Gon Coulibaly est monté pas à pas jusqu’au sommet; souvenez-vous qu’il est mort à la tâche pour que notre pays continue sa marche vers le progrès et la prospérité, dans la Paix et la stabilité », disait la Tantie HDD, le mardi 14 juillet 2020 dans son oraison funèbre, lors de l’hommage de la nation au Palais présidentiel.

Je suis venu à Korhogo. J’ai vu. J’ai écouté. J’ai eu le même sentiment, lors du décès du jeune DJ Arafat. Incompris de son vivant, vilipendé même. À sa mort, la société a découvert un jeune qu’elle n’a pas toujours approché, qu’elle a jugé sans forcément le connaître.
Ton parrain a été caricaturé à grands traits dans le milieu politique et pour son engagement politique. Présenté comme un obstacle à la réconciliation. Un enseignant de l’université Pelforo Gon Coulibaly explique: « il nous a reçus. Il nous a dit sa joie d’avoir autant d’enseignants venus de toutes les régions du pays pour la formation des jeunes dans l’université qui porte le nom de son grand-père ». Nous devrions apprendre à écrire sur les hommes et leurs actions, de leurs vivants…
Le Lion s’est couché. Dieu seul sait…

Encadré: La compassion de Alain Lobognon

Le message vaut son pesant d’or. La mort comme la prison, n’efface pas les souvenirs des relations humaines. Le message de compassion et de soutien à la famille du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly de la part de l’ancien ministre et député en détention préventive, Alain Lobognon a fini par arriver. Amadou Gon Coulibaly et Alain Lobognon étaient à l’époque, comme l’arbre et l’écorce dans la lutte politique. Tous les deux engagés et déterminés. Convaincus que la cause qu’ils défendaient était la bonne.
Les divergences politiques les ont éloignés. Plus encore, Alain Lobognon n’a jamais digéré l’accusation de détournement des primes des Éléphants en 2015. Alors qu’il a travaillé sous la responsabilité du secrétaire général de la présidence de la République. Le processus de gestion des fonds et primes des joueurs était clairement défini et établi. Le Trésor public gère les fonds et paie les primes des athlètes par virement bancaire. Pour le ministre des Sports, c’était une condition de transparence. Un moyen de motivation des joueurs. Tout semblait si bien huilé…Et la CAN 2015…
Quand l’affaire a éclaté, le ministre des Sports de l’époque s’en est régulièrement référé à son chef et à son grand-frère. Il voulait comprendre lui-même ce qui se passait. Il n’a jamais rien compris. Il s’est senti humilié, blessé dans sa dignité, dans son amour-propre. Livré à la vindicte populaire.
Il parle dans son courrier rendu public sur les réseaux, « de secrets à trois emportés dans sa tombe par AGC ».
Après son limogeage, il a en effet été reçu par le président de la République, assisté du secrétaire général de la présidence. Il attendait sa réhabilitation. Là également, silence.
Les chemins des deux hommes se sont éloignés. L’un est aujourd’hui décédé, l’autre en prison.
Alain Lobognon regrette d’être physiquement éloigné au moment des obsèques de son compagnon de lutte. En détention préventive depuis le 23 décembre 2019, il appelle le chef de l’Etat à prendre les mesures nécessaires pour la libération des détenus.

Fernand Dédeh, envoyé spécial dans le Poro

Commentaires

commentaires