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Guinée : Dadis Camara candidat à la présidentielle


Il s’était fait oublier, l’incontrôlable, le violent et fantasque capitaine Moussa Dadis Camara, lui, plus coutumier des esclandres que du silence. Exilé, le fugace chef de la junte militaire guinéenne (décembre 2008 – décembre 2009), qui s’était emparé du pouvoir immédiatement après à la mort de Lansana Conté, coulait des jours paisibles à Ouagadougou, entre sa villa d’un quartier résidentiel de la capitale burkinabé et les boîtes de nuit où il avait ses habitudes. Lundi 11 mai, Dadis Camara s’est rappelé au bon souvenir de la classe politique guinéenne en annonçant depuis le Burkina Faso son intention de se présenter à l’élection présidentielle prévue en octobre.

Selon LeMonde, cela faisait plusieurs mois qu’il préparait ce retour. Récemment il avait démissionné de l’armée guinéenne. Plus avant, en décembre, les Forces patriotiques pour la démocratie et le développement (FPDD), avaient été créées. Il en a pris la présidence, lundi.

Les frasques télévisées du « Dadis Show »

Le nom de cette nouvelle formation n’est pas sans rappeler celui de la junte qu’il dirigea : le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD). Une junte qui reste associée aux frasques télévisées du « Dadis Show » avant de se dissoudre dans un bain de sang. Le 28 septembre 2009, 157 opposants qui manifestaient pacifiquement dans un stade de Conakry tombaient sous les balles de militaires et de gendarmes. Le 3 décembre suivant, Dadis Camara était laissé pour mort par son aide de camp. Toumba Diakité venait de lui tirer dessus à bout portant alors que des enquêteurs de l’ONU venaient de l’auditionner pour le massacre du stade.

La première vie politique de Dadis Camara s’était arrêtée là. Opéré au Maroc, il s’était ensuite progressivement rétabli à Ouagadougou sous la protection – physique et financière – de Blaise Compaoré. Il semblait politiquement neutralisé.

Le départ, en décembre 2014, de l’ancien président burkinabé a-t-il joué un rôle dans le come-back de l’ex-capitaine ? C’est ce que pense un député d’opposition. « Dadis a alors perdu son protecteur et son financier, il se place maintenant sous l’aile d’Alpha Condé [l’actuel président guinéen] qui tient son destin entre ses mains ». A la différence d’une opposition virulente, l’ancien chef de la junte s’est d’ailleurs gardé d’attaquer le président. « Alpha Condé est un démocrate donc je ne crois pas qu’il m’empêchera de retourner dans mon pays natal », a-t-il déclaré. Dans plusieurs entretiens à la presse, Alpha Condé, de son côté, a laissé entendre qu’il existait une forme de pacte de non-agression entre les deux hommes.

Bien peu imaginent l’ancien chef de la junte défier le président

Selon le député guinéen, la manœuvre consiste à capter l’électorat potentiel de Dadis Camara concentré au sein de la communauté des « forestiers ». Regroupé dans l’est du pays, ce groupe minoritaire composé de plusieurs ethnies s’estime marginalisé par les autres communautés dominantes en Guinée : Malinké, Peul et Soussou. « Ensuite, il se retirera de la course au profit d’Alpha Condé, soit avant le scrutin, soit entre les deux tours », pronostique l’élu.

Car personne ne croit à la profession de foi de Dadis Camara lorsqu’il affirmait, lundi, se placer au-dessus des ethnies et des religions alors que le paysage politique guinéen est polarisé autour des origines ethniques.

De la même façon, bien peu imaginent l’ancien chef de la junte défier le président en poste depuis 2010. Dadis Camara traîne comme un boulet le massacre du 28 septembre 2009. Si personne ne peut dire aujourd’hui qu’il a lui-même lancé ses chiens de guerre pour tuer et violer des femmes désarmées, sa responsabilité est en revanche engagée en tant que chef de l’Etat au moment des faits. Une équipe de juges guinéens instruit l’affaire depuis des mois. La CPI et les organisations de défense des droits de l’homme veillent. Pas sûr que Dadis retourne de sitôt en Guinée où il ne s’est rendu qu’une fois depuis l’attentat. C’était en 2013, pour les obsèques de sa mère.

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