Guinée Conakry : Cinq raisons qui poussent à croire qu’Alpha Condé sera réélu
A mon avis, et je peux me tromper, Alpha Condé, le président sortant de la Guinée sera réélu en octobre prochain. Des indices existent qui militent en faveur de ce pronostic. Décryptage.
Première raison. Alpha Condé s’est mieux préparé. Replongeons-nous dans le contexte de 2010. Alpha Condé, président du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) coupé de ses bases depuis son exil forcé du temps de Lansana Conté, affaibli par la maladie pendant la transition militaire, ne dispose que de quelques mois, pour remobiliser ses troupes. A bord de son mythique Hummer jaune, il sillonne le pays, à pas de course, dans les pas des autres candidats issus de l’opposition, qui eux, avaient déjà investi le terrain. Malgré cela, « le professeur » comme ses partisans aiment à l’appeler, se retrouve au second tour avec le grand favori du scrutin, Cellou Dalein Diallo de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG). 20.67% pour le premier et 39.72% pour le second. La suite est connue.
En 2015, Alpha Condé part confiant, d’autant plus qu’il est sur le terrain depuis son élection, qu’il a mieux organisé le RPG devenu RPG-Arc en ciel, que les sections de la mouvance présidentielle sont représentés partout, y compris dans des zones qui lui étaient fermées auparavant.
Deuxième raison
Condé dispose de plus de moyens financiers aujourd’hui, c’est une lapalissade. Dans un pays plus pauvre que de nombreux pays africains, les électeurs se laissent volontairement séduire par le franc guinéen. Et il est sûr que le GNF va beaucoup circuler les semaines à venir. D’autant plus qu’en cinq ans de pouvoir, la galaxie Condé s’est enrichie d’un bon vivier de cadres locaux nommés dans l’administration publique ou jouant le rôle de maires assimilés dans des délégations spéciales, une trouvaille peu orthodoxe, s’il en est, qui constituera l’un des points noirs du bilan de l’ex-opposant historique.
Troisième raison
La dispersion de l’opposition. On ne gagne pas une élection contre un président sortant, soutenu par une coalition qui s’est renforcée, sans soi-même avoir eu le mérite d’élargir sa propre coalition. Or ici, l’union sacrée de l’opposition qui a fait plier le fantasque Moussa Dadis Camara, a volé en éclats. D’une part, suivant les manœuvres divisionnistes du froid renard politique qu’est Alpha Condé et d’autre part, du fait du leadership contesté du très résiliant Cellou Dalein Diallo, dont je continue de prévoir un destin présidentiel, dans cinq ou dix ans. En effet, au moment où Condé ratissait autour de lui, Dalein voyait ses alliés s’éloigner de lui.
Quatrième raison
Au cas où il y a un second tour, comme en 2010, ce qui n’est d’ailleurs pas très sûr (Condé pourrait passer avec un peu plus de 50% des voix, dès le premier tour), le brillant Sidya Touré de l’Union des forces républicaines (UFR), l’immanquable troisième homme du scrutin, n’appellera sans doute pas ses militants à voter Dalein. Déjà qu’en 2010, nombreux parmi eux ont refusé d’obtempérer à son appel au soutien au candidat de l’UFDG, au second tour, ce n’est pas aujourd’hui où les relations entre les deux hommes se sont dégradées que le report des voix sera facile. Et même si l’UFPG a signé un accord avec le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) de Dadis, cet accord reste un accord au sommet et non à la base. En clair, Dadis qui se méprend (comme toujours), sur une popularité qui n’existe que dans la tête des irréductibles nostalgiques des temps de loi martiale; ne sera pas suivi dans les régions forestières, s’il appelle à voter son nouvel allié, jadis ennemi juré. En cause : la cohabitation difficile entre les communautés de base qui soutiennent les deux hommes.
Cinquième raison
Enfin et même si Alpha Condé ne peut pas se vanter d’avoir réussi à faire ce que son voisin Alassane Ouattara (élu en octobre 2010, mais ayant pris fonction, cinq mois plus tard, après une violente crise postélectorale, suite au refus du président sortant de reconnaître sa défaite électorale) a fait en moins de cinq ans dans son pays en Côte d’Ivoire et malgré le fait que les espoirs placés en lui sont loin d’avoir porté des fleurs ; il a un bilan à défendre. Et cela milite forcément en sa faveur.
A mon avis donc et je peux (je le répète) me tromper, Alpha Condé sera réélu en Guinée. Son parti remportera les élections législatives qui suivront, mais pas forcément les communales qu’il fuit depuis son élection, comme la peste. Il a bien conscience que l’UFDG est une bête des villes…Qui vivra verra !
André Silver Konan
Journaliste-écrivain
Spécialiste de la Guinée