Tag RFI

[Guerre Ukraine-Russie] La stratégie d’usure de Kiev qui fait très mal aux forces du Kremlin


Kiev, 31-01-2024 (lepointsur.com) Après l’échec de l’offensive terrestre à l’été dernier, l’Ukraine change de stratégie et fait preuve d’imagination pour desserrer l’étau russe. Ce mercredi, un missile Patriot ukrainien a abattu un Iliouchine 76 russe, et les forces ukrainiennes sont parvenues, en janvier, à détruire un nombre significatif d’avions à haute valeur ajoutée, réduisant ainsi la capacité de l’armée russe à lire le champ de bataille. C’est la stratégie d’usure de Kiev.

La ligne de front étant figée, l’Ukraine cherche à mettre la Russie dans une position de déséquilibre. Après avoir écarté la menace de la flotte russe en mer Noire, l’objectif est désormais la maîtrise du ciel… Et elle passe par la Crimée… Ainsi ces quatre dernières semaines, des frappes massives ont éliminé, les radars au sol et les systèmes de défense sol air de la péninsule. Puis le 15 janvier, les forces ukrainiennes ont utilisé un système Patriot pour cibler deux appareils stratégiques russes qui pensaient voler en sécurité au-dessus de la mer d’Azov.

Dans le collimateur : un illiouchine 22 de renseignement électronique ; il a été endommagé et un A50 Beriev de guet aérien, lui, a fini au fond de l’eau.

L’A 50, c’est l’équivalent de l’AWACS pour l’Otan, souligne Philippe Gros de la Fondation pour la recherche stratégique : « Pourquoi un AWACS c’est important… car les Russes sont confrontés aux mêmes problèmes que tous les systèmes intégrés de défense anti-aériennes mondiaux, c’est-à-dire la difficulté à détecter les objets qui volent à très basse altitude, comme les missiles de croisière et les drones d’attaque. Ça signifie qu’il faut pouvoir avoir un surplomb et voir la ligne d’horizon. Et c’est à ça que servent les AWACS : à déjà gérer la bataille aérienne et à détecter les engins qui volent bas. Les Russes, devant les pertes qu’ils ont eues avec leurs radars au sol, ont peut être redéployés leur A 50 Beriev pour pouvoir combler ces gaps de détection.

Certains envisagent le fait que les Ukrainiens aient presque mené une embuscade contre l’ A50. C’est en anticipant le fait que les Russes redéploient leurs AWACS plus à l’Ouest pour mieux couvrir la Crimée et donc de ce fait les Ukrainiens auraient quelque part fait une embuscade aérienne, anticipant ce redéploiement-là. »

Les Ukrainiens appuient là où ça fait mal

Surtout l’A50 Beriev, avion rare et cher, a disparu avec tout son équipage hautement qualifié… Il y avait aussi à bord le général Oleg Pchela commandant de l’aviation à long rayon d’action.

Un rude coup porté à la Russie, dit Vincent Tourret, chercheur à l’Université de Montréal: « Les Ukrainiens appuient sur le point faible du dispositif russe. Les Russes ont toujours manqué d’ISR (renseignement, surveillance et reconnaissance), de moyens de reconnaissance, d’intelligence. Les Russes ont toujours eu beaucoup de vecteurs, beaucoup de missiles, de moyens de frappe de précision, mais ils ont toujours manqué de jumelles, d’une vision assez précise pour pouvoir les utiliser à leur pleine efficacité. Les Ukrainiens appuient donc là où ça fait vraiment mal. Ils les rendent aveugles en fait. Et c’est vraiment ça l’objectif recherché par les Ukrainiens en visant des avions de reconnaissance électronique et de commandements aériens. C’est tout le dispositif russe pour (frapper) L’Ukraine en profondeur qui est amputé de sa vision et de ses capacités de coordination. »

L’aveuglement des forces russes et l’insécurité dans les airs permettent aux Ukrainiens de frapper loin… Le 21 janvier dernier des drones chargés d’explosifs ont ainsi bombardé le terminal d’Oust Louga sur la Baltique, où se trouvent les plus importantes infrastructures de gaz naturel liquéfié de Russie.

Un missile Patriot à l’origine du crash de l’Il 76

Le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni jeudi 25 janvier en urgence à la demande de Moscou, qui accuse l’Ukraine d’avoir abattu mercredi un avion de transport militaire russe et tué tous ses passagers. La Russie affirme que les forces ukrainiennes ont lancé « deux missiles » issus « d’un système de défense antiaérien ». De source militaire française, c’est bien un missile Patriot qui a abattu l’Iliouchine 76… Pourtant dans la doctrine, le système Patriot est fixe et destiné à la protection des villes.

Mais les Ukrainiens l’ont rendu mobile. En tout cas un système, qu’ils déplacent au plus près de la ligne de front… pour tendre des embuscades. Et pour rester discrets les experts estiment que pour ne pas dévoiler la position du Patriot les Ukrainiens n’allument pas son radar, bien trop signant.

Ils utilisent probablement celui d’un système de facture russe S300, placé à distance : ce dernier illumine la cible qui est ensuite détruite par un missile d’interception Patriot.

La méthode n’est pas orthodoxe mais elle se révèle redoutable. Fin décembre les Ukrainiens ont ainsi, en quelques minutes, envoyé au tapis cinq avions de chasse SU34 et SU30, et le 15 janvier l’A50 Beriev, avion de guet aérien stratégique, fut à son tour foudroyé.

À chaque fois des cibles à haute valeur ajoutée, c’est la stratégie d’usure ukrainienne contre la Russie.

Source : Rfi

Commentaires

commentaires