Technologie

[Guerre en RDC/Les réseaux sociaux suspendus dans plusieurs villes du pays] La galère des populations


Depuis ce week-end, les habitants de plusieurs villes congolaises ne parviennent plus à se connecter à leurs réseaux sociaux favoris. Si leur coupure n’a, pour l’instant, pas été confirmée officiellement, les observateurs s’accordent à dire qu’une telle mesure vise à enrayer la propagation de fausses nouvelles sur la situation dans l’est du pays. La décision pourrait toutefois se révéler contreproductive pour Kinshasa, alors que le conflit prend aussi la forme d’une guerre de l’information.

Dimanche matin, Ange Kasongo n’a pas caché sa surprise quand, en ouvrant son compte X, un message d’erreur est apparu en lieu et place de son fil d’actualité. « C’était assez surprenant de se rendre compte que je ne pouvais plus y accéder et que lorsque j’ai activé mon VPN, tout s’est immédiatement remis à fonctionner… », raconte l’éditrice en cheffe du site congolais de vérification des faits Balobaki.

Depuis qu’elle n’arrive plus à se connecter à TikTok, Natasha Mingu Andréa regarde, elle, les anciennes vidéos de la plateforme qu’elle a téléchargées avec une certaine nostalgie. « TikTok me manque beaucoup !, confie-t-elle, téléphone en main, au micro de notre correspondant à Bukavu, William BasimikeBien sûr, on y trouvait à la fois de vraies et de fausses informations sur la RDC, mais ne plus y avoir accès dans le contexte actuel, cela pousse les gens à se poser beaucoup de questions. »

Empêcher les internautes de télécharger des VPN

Revendeur de crédits téléphoniques dans la capitale du Sud-Kivu, Paulin Ndanda se trouve dans la même situation : pour lui, TikTok est plus qu’une simple distraction. « En allant sur TikTok, je voyais certes de fausses informations, mais je pouvais aussi regarder des vidéos qui me déstressaient… Et celles qui me faisaient rire me permettaient d’oublier un peu la situation dans laquelle nous nous trouvons », témoigne-t-il en expliquant désormais se tourner vers d’autres réseaux sociaux.

Depuis samedi à Goma, à Lubumbashi, à Kalemie, à Bukavu et à Kinshasa, tous les usagers d’internet que nous avons contactés n’ont, en effet, plus accès aux plateformes X et TikTok, ce que confirme un tableau partagé par NetBlocks, un observatoire indépendant de surveillance de la cybercriminalité et de la gouvernance numérique, qui montre que leur accès a tout simplement été coupé, sans doute pour mettre un terme à la circulation de fausses informations qu’ils contribuaient à propager sur la situation dans l’est de la RDC. Des données recueillies par l’organisation « montrent [en outre] que Google Play Store est désormais restreint [dans le pays], dans le but apparent d’empêcher les utilisateurs de télécharger des applications VPN afin de contourner les restrictions ciblant » ces deux réseaux sociaux.

Couper internet facilite aussi toutes sortes de rumeurs

Mais pour Qemal Affagnon, le coordinateur de l’ONG Internet sans frontières en Afrique de l’Ouest, il s’agit d’une mesure incohérente, qui peut même se révéler dangereuse. « Les gens sont à la recherche d’informations pour se rassurer. Mais couper Internet, c’est une mesure qui facilite aussi la circulation de toutes sortes de rumeurs, alors que c’est précisément ce que les autorités semblent vouloir empêcher », analyse celui-ci. Complètement d’accord avec ce constat, Ange Kasongo ajoute, quant à elle, avoir la crainte qu’une telle coupure ne permette plus de réfuter les fausses informations à propos de la guerre qui déchire le Nord-Kivu et le Sud-Kivu.

Si la situation actuelle n’a, pour l’instant, fait l’objet d’aucune confirmation officielle des autorités à Kinshasa, Elie Mugisho, l’un des cadres de l’UDPS, le parti au pouvoir, laisse toutefois entendre que la mesure a bien été prise en haut lieu et exhorte ses concitoyens à la patience : « L’État ne dort pas : il est en train de tout faire pour mettre hors d’état de nuire l’ennemi rwandais entré [sur le territoire congolais] pour nous agresser. Et dès lors que la situation sera calme, l’autorité de régulation de ces différents réseaux sociaux en remettra l’acquis de droit avec certaines restrictions », déclare-t-il.

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur en attendant le retour de leurs réseaux favoris, à Bukavu, certains habitants se félicitent d’une situation qui leur permet au moins de faire quelques économies… en évitant le gaspillage de leurs données mobiles.

Source : Rfi

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