Grand reportage/ Bouna : Quand les enfants paient la bêtise des adultes (2ème) #bouna
-1797 enfants sur 3118 déplacés internes recensés au départ
Abidjan, 18 7 16 (lepointsur.com) Dans la matinée du 30 juin, notre volonté d’avoir quelques informations sur l’état de santé des nourrissons, enfants, adultes et vieux auprès des services sanitaires publics du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique, tant à l’hôpital général qu’au district sanitaire de Bouna, a buté sur des refus. « Nous avons reçu des instructions fermes de notre ministre (Ndlr : Raymonde Goudou Coffie) pour ne donner aucune information à un journaliste sans son autorisation », indiquent les différents directeurs.
Ce même refus de ne pas satisfaire notre curiosité est opposé par le préfet de région, M. Tuo Fozié, sur les statistiques des déplacés internes sur lesquelles ses services ont pourtant travaillé. « Je ne peux pas mettre ces informations à votre disposition, parce que je n’ai pas reçu l’autorisation de ma hiérarchie », nous fait-il savoir.
Seuls les responsables de l’ONG ‘’Notre Grenier’’, qui ont travaillé avec l’ONG ‘’Ocha’’ venue de la Région du Tonkpi dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, se sont prêtés à nos préoccupations. Cette ONG, sise en face de la résidence du préfet de région et à 200 m de l’ONUCI, œuvre selon le secrétaire général, Kangouté Anzoumana, à l’appui au développement communautaire.
Elle est un sous-bureau du siège social basé à Bondoukou. Au plus fort de la crise, les responsables de l’ONG ‘’Notre Grenier’’ ont recensé six sites de déplacés: les sites de l’Onuci, de la cour royale, de la résidence du préfet de région, du quartier Malaga, du quartier Zongo et celui dressé chez le président des jeunes peulhs.
De la période du 30 mars au 2 avril 2016, sur ces 6 sites, l’ONG ‘’Notre Grenier’’ a recensé 3118 personnes déplacées internes, et les a classées par tranche d’âge et par sexe.
A défaut de graphiques, voici le nombre de déplacés par tranche d’âges et par sexe
Plus de 18ans
-Filles de plus de 18 ans : 804
-Hommes de plus de 18 ans : 517
De 5 à 18 ans
-Filles: 568
-Garçons: 499
Moins de 5 ans
-Fillettes: 327
-Garçonnets: 403
De 3118 personnes déplacées internes recensées par l’ONG, l’effectif est passé à 3058, après le passage du président Alassane Ouattara, bien que les 6 sites soient démantelés. Les personnes de 5 à 18 ans sont au nombre de 1797 déplacés internes. “Ceux qui étaient restés dans les campements préféraient venir se mettre en sécurité en ville, ce qui a gonflé le rang de ceux qui étaient déjà là dès le début des affrontements’’ indique le secrétaire de l’ONG ‘’Notre Grenier’’ pour justifier le taux élevé d’enfants parmi les déplacés.
Par ailleurs, le nouveau recensement, qui a débuté le 25 juin 2016, fait état de 1096 personnes déplacées internes. Les sites n’existant plus, l’ONG les recense soit dans des maisons que ces personnes louent, soit dans des maisons inachevées. Elles sont localisées par l’ONG pour permettre, selon les membres, d’avoir toutes les informations et mieux organiser la distribution des vivres et non vivres. “La difficulté ici, c’est que les sites initiaux n’existant plus, c’est de bouche à oreille que nous localisons ces déplacés internes. Le cas des bébés malades revient de façon récurrente. Quand l’ONG Ocha était encore là, tout était organisé pour pouvoir prendre ces cas en charge à l’hôpital, avec la plate-forme des coordinations des ONG”, nous indique Mme Kamagaté Noufé, membre de l’ONG.
Au plan scolaire, 203 élèves ont été recensés et insérés dans des écoles, avec l’aide de la direction régionale de l’Education nationale et l’Inspection de l’Enseignement primaire. “Sur les 203 élèves, certains sont retournés dans leurs établissements d’origine. Finalement, 120 élèves sont restés jusqu’à la fin de l’année”, explique le premier responsable de l’ONG Grenier.
“Pour leur retour à l’école, le Dren a demandé à tous les directeurs de recevoir les enfants “dès qu’ils sont déclarés déplacés”. Etant donné qu’ils avaient tout perdu, les ONG Caritas et Save the children leur ont offert des kits scolaires. “Ils ont organisé des cours de renforcement, pour permettre aux enfants victimes de déplacements internes de rattraper leur retard. Les cours qui ont commencé il y a deux semaines prendront fin le 20 août 2016”, a indiqué le secrétaire général, Kangouté Anzoumana de l’ONG ’Notre Grenier’’.
“Nous faisons les sensibilisations sur la déclaration des naissances et l’école obligatoire, sur les mariages précoces et forcés, le travail des enfants ainsi que le lavage des mains pour les plus petits avec l’appui de l’ONG Internationale Save The Children. Ainsi que, bien entendu, les cours de renforcements à l’EPP Bouna-Centre”, soutient le responsable du sous-bureau de l’ONG à Bouna, Touré Aboubacar.
Des organisations de bienfaisance et des personnes de bonne volonté, qui ont secouru les sinistrés, seuls le Pam, à travers la distribution de vivres (riz, huile, etc.) et l’ONG Save the children (avec des kits scolaires) continuent de soutenir les déplacés internes. “Nous sommes en train de faire le reprofilage des déplacés internes comme nous l’avons indiqué tantôt. Ce qu’il faut retenir, c’est que les déplacés ont quitté les sites d’accueil, mais beaucoup d’entre eux vivent dans des conditions précaires. Ce sont généralement les familles dont les campements ont été incendiés. Hier (le 29 juin), par exemple, nous avons reçu une famille qui a été chassée de Niandégué par des miliciens, selon elle. Dans un autre campement, un homme a semé du maïs dans la parcelle qu’un peulh avait déjà défrichée. Ce sont des cas récurrents qui ont besoin d’être bien pris en compte”, indique le secrétaire général de l’ONG.
Nous n’avons pu effectuer le déplacement à l’EPP Bouna-Centre, ce jour, pour des raisons de repos ‘’exceptionnel’’ des enfants et enseignants. Toutefois, les cours de renforcement donnés aux enfants ont commencé au début du mois de juin et prendront fin le 20 août, selon les responsables de l’ONG ‘’Notre Grenier’’.
Sériba Koné envoyé spécial à Bouna
Encadré
Quand les enfants paient la bêtise des adultes
3058 personnes déplacées internes, parmi lesquelles, 1797 enfants. Soit plus de la moitié des adultes. Tel est le triste bilan fait par l’ONG ‘’Notre Grenier’’, dès les premiers mois des affrontements entre éleveurs et agriculteurs de Bouna.
A la clé, ce de enfants innocents dont l’âge part de zéro à 18 ans, qui paient les frais. Le droit à l’égalité, sans distinction de race, de religion ou de nationalité, à une attention particulière pour son développement physique, mental et social, à la compréhension et à l’amour des parents et de la société, à une protection contre toute forme de cruauté, de négligence et d’exploitation, à l’éducation gratuite et aux activités récréatives sont entre autres des principes contenus dans la Déclaration des Droits de l’Enfant, qui ont été violés.
Grâce à l’apport de l’ONG ‘’Save the Children’’, ces enfants déplacés internes ont droit à l’éducation gratuite. Mais là encore, les ‘’activités récréatives’’ des vacances sont violées. Depuis la mi-juin, les écoliers sont en vacances. Ils reprendront les cours, la mi-septembre. Eux, ont droit à des activités récréatives.
Pendant ce temps, à l’école primaire publique de Bouna-Centre, plus d’une centaine d’écoliers n’ont pas de vacances. Ils sont soumis à des cours de renforcement pour rattraper les heures perdues, à cause des affrontements.
Débutés vers la fin du mois de juin, ces cours prendront fin le 20 août, selon les organisateurs. Une initiative louable de la part des ONG qui œuvrent dans le sens du droit à l’éducation, mais en même temps, un autre droit est rangé aux calendes grecques.
La Déclaration des Droits de l’Enfant est adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, à l’unanimité de ses 78 pays membres, le 20 novembre 1959 dans sa résolution 1387 (XIV). « L’enfant est reconnu, universellement, comme un être humain qui doit pouvoir se développer physiquement, intellectuellement, socialement, moralement, spirituellement, dans la liberté et la dignité», indique le contenu de la Déclaration des Droits de l’Enfant. Pourtant, ni la Déclaration de Genève de 1924, ni la Déclaration des Droits de l’Enfant de 1959 ne définissent quand commence et quand s’arrête l’enfance, et ce, principalement, pour ne pas avoir à prendre position sur l’avortement.
Néanmoins, le préambule de la Déclaration des Droits de l’Enfant met en lumière le besoin de l’enfant à une protection et à des soins particuliers, ‘’notamment à une protection juridique appropriée, avant comme après la naissance’’. Pouvait-on en arriver aux violations des Droits de l’Enfant si les adultes avaient de l’affection pour leurs progénitures?
Sériba K.
Suite et fin à lire bientôt
-Une heure dans l’antre présumé des assaillants
-Autorités religieuses, administratives et élus confus
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