Entretien avec Ahmed Adaman Traoré, président du Club’IN : «Le concept ‘’Ivoirien Nouveau’’ ne doit pas être un slogan politique» #ong
-Ce qu’il pense de l’émergence à l’horizon 2020
Abidjan, 08-12-15 (lepointsur.cim)-Le président du Club Ivoirien Nouveau donne des pistes pour parvenir à un changement de mentalités. Il émet également des réserves sur le concept de l’émergence à l’horizon 2020 visées par la Côte d’ Ivoire.
Quels sont les objectifs que vise votre organisation ?
Avant tout, je voudrais mentionner que le Club Ivoirien Nouveau (Club’I.N.) est né en mai 2013 sur les réseaux sociaux. Nous sommes déclarées au ministère de l’intérieur depuis février 2015. C’est vous dire que le concept existe bien avant les élections présidentielles d’octobre 2015. L’objectif primordial de l’association est de contribuer à la prise de conscience de la jeunesse, à sa formation, à la promotion de la solidarité et de la paix ; à travers des actions concrètes, le Club’I.N. veut proposer une nouvelle vision aux jeunes en particulier et à la population ivoirienne en générale sur les questions sociales et économiques. Nous prônons un changement de mentalités de la part des citoyens et des dirigeants. Et une des façons d’y arriver et de montrer aux jeunes de nouveaux modèles de réussite. Des modèles d’autres jeunes qui ont fait du travail, de la rigueur et de la persévérance leur leitmotiv.
Pourquoi ‘’Ivoirien nouveau’’ surtout quand on sait que c’est un concept qui est porté par le président Alassane Ouattara ? Est-ce à dire que vous voulez accompagner sa politique dans ce sens ?
Comme je viens de le mentionner plus haut, avec des dates précises et vérifiables, nous existons bien avant que le président Alassane Ouattara n’en fasse une de ses promesses de campagne. À l’origine, ceux sont des jeunes cadres ivoiriens, conscients qu’ils ont tout reçu de la Côte d’ Ivoire et soucieux de contribuer au développement du pays, qui ont décidé de se mettre ensemble. Nous avions estimé et c’est toujours le cas, que la jeunesse ivoirienne était en manque de repères et de modèles crédibles. Pour tous ceux qui ont suivi les crises successives, depuis 2000, un fait est frappant : c’est la manipulation des jeunes pour tous les protagonistes en présence. Mieux, certains jeunes leaders ont servi de portevoix à cette manipulation. Dans les tous les camps, les jeunes ont sacrifié leurs études, leurs énergies et leur vie. Mais quand on prend du recul, on se rend compte la plupart de ces jeunes n’avait pas fini leurs études, n’avait jamais travaillé mais s’érigeait en modèle. Pour nous, c’était le temps de faux modèles. Il fallait réagir car ces faux repères allaient conduire l’avenir de notre pays vers de mauvais pâturages. Nous pensons que les jeunes doivent prendre conscience qu’ils sont le moteur du développement. En tant que moteur, ils doivent adopter les attitudes et les comportements nécessaires à leur pleine participation. L’Ivoirien Nouveau doit opérer une rupture avec ce passé peu glorieux. Alors, nous voulons jouer notre rôle. Si nos actions vont dans le sens de ce que le président Ouattara veut encourager, alors nous sommes en phase ; mais à ce jour nous n’avons aucun contact avec le président Ouattara et ce n’est pas notre priorité.
Qui est l’Ivoirien selon vous ?
L’Ivoirien Nouveau est un concept qui appelle au développement d’une nouvelle mentalité en Côte d’Ivoire qui fera une rupture avec les comportements qui par le passé ont occasionné les crises successives. Cette nouvelle mentalité ou Ivoirien Nouveau doit se ressentir tant au niveau du citoyen lambda que des dirigeants. Au Niveau du citoyen, c’est la prise de conscience de son rôle en tant que moteur de développement. De ce fait, il est amené à délaisser ses attitudes régionalistes, tribales pour penser NATION. Il doit donc intégrer dans son comportement la notion de bien-être collectif. Cet état d’esprit sera le gage du développement véritable de la Côte d’Ivoire. Au niveau des dirigeants, les notions de libertés, de justice et de bonne gouvernance ne doivent plus être des vœux pieux. Il faut donner l’exemple et veiller à ce que chacun citoyen reçoive la juste rétribution de ses efforts. Ancrer à travers l’éducation les valeurs de travail, de solidarité et de liberté. Cela suppose que les institutions ne doivent plus servir des individus mais la NATION. Que chacune des personnalités qui ont à charge la gestion de la chose publique ne voit plus que leurs intérêts, mais surtout qu’il ait un mécanisme de contrôle indépendant et efficace qui permette d’enquêter, de poursuivre et de condamner les actes indélicats. Le concept de l’Ivoirien nouveau tel que nous le prônons depuis 2013 avec le Club Ivoirien Nouveau, vise l’instauration d’un nouveau contrat social.
Comment comptez-vous parvenir à ‘’créer’’ ce nouveau type d’Ivoirien ?
Il faut dire que c’est une quête sur le long terme. C’est pour cela que le concept Ivoirien Nouveau ne doit pas être un slogan politique mais un processus dont les bases doivent être posées dès maintenant. Il faut associer toutes les composantes de la société pour arriver à un consensus sur la Côte d’Ivoire de demain. Et je pense que nous les jeunes devons être les premiers concernés, car la Côte d’Ivoire c’est nous et nos enfants. Alors notre part, au Club’I.N., dans cette quête est de partager notre expérience, d’appeler à un changement de mentalité, d’expliquer pourquoi et surtout quels comportements pourraient nous aider à faire de notre pays un havre de paix et de prospérité. Nous organisons des formations dans nos domaines de compétence et nous faisons des dons à la communauté. Nous voulons donner l’exemple…l’exemple de la bonne attitude.
Quels sont les secteurs d’activités qui selon vous, doivent être valorisés pour voir éclore ce nouveau type d’Ivoirien ?
Tous les secteurs d’activité doivent être explorés et encouragés. Le secteur de l’artisanat est aussi important que le secteur financier. L’Ivoirien Nouveau c’est celui qui fait bien et de bon gré la tâche qui est lui confiée. L’ivoirien Nouveau c’est l’ivoirien apprenti gbaka qui est courtois et pense au bien-être de ses clients avant de les encaisser. C’est le policier qui contrôle les usagers sans exiger un billet en cas d’infraction. C’est le politicien qui travaille pour les populations sans chercher à remplir son compte personnel. Tous les secteurs doivent être valorisés car tous les secteurs d’activité contribuent au rayonnement d’un pays ; mais ce qu’il faut rechercher c’est que tous les actes posés dans n’importe quel domaine soient conformes à la loi et au bien-être de l’autre.
Vous êtes une organisation privée. Alors, pour la réalisation de vos ambitions qui à priori sont un challenge à l’échelle nationale, d’où comptez-vous tirer les moyens ? Est-ce que l’Etat a une partition à jouer dans l’atteinte de cet objectif étant donné son caractère national ?
Pour le moment toutes nos actions sont financées sur fonds propres. Nos membres qui sont des jeunes cadres tant en Côte d’Ivoire qu’à l’extérieur cotisent pour la réalisation de nos objectifs. Plus l’objectif sera partagé par plus d’Ivoirien plus nous auront de ressources. Le rôle de l’État à travers les dirigeants est de donner l’exemple. Il faut sortir définitivement des paroles de bonnes intentions pour rentrer dans le concret. Faire de la santé, de l’éducation et de la justice une réalité pour les populations. Mettre tous les ivoiriens sur le même pied d’égalité de sorte que le tribalisme, le népotisme et le régionalisme deviennent des actes condamnables dans la conscience collective. Que des sanctions soient prisent à l’encontre de tous ceux qui exercent des fonctions publiques et qui commettent des actes indélicats. L’exemple doit aussi venir du haut pour que l’Ivoirien lambda puisse suivre.
Votre regard sur le concept d’émergence de la Côte d’Ivoire à l’horizon 2020 ? Est-ce tenable ? Sur quoi doit miser l’Etat de Côte d’Ivoire tenir son pari ?
L’émergence est un état vers lequel nous devons tendre et pour lequel tous les ivoiriens doivent être engagés. Mais force est de reconnaître qu’une part importante de la population ne se sent pas concernée. Le gouvernement semble miser beaucoup plus sur des indicateurs financiers, mesurables, que sur des indices comportementaux. Si rien n’est fait pour encourager un changement de comportement et surtout si le gouvernement n’en fait pas plus pour intéresser toutes les forces vives du pays, je crains fort qu’on connaisse juste une croissance économique mais pas l’émergence. L’émergence doit se ressentir dans une croissance soutenue et constante de l’économie qui s’accompagne d’un changement positif des mentalités.
Quelle place pour la jeunesse Ivoirienne dans votre programme ?
Le Club’I.N. a été créé par les jeunes. C’est vous dire le rôle central de la jeunesse. Nous croyons fermement que la jeunesse doit avoir son mot à dire sur toutes les questions nationales. Le dernier recensement indiquait qu’environ 35% de la population ivoirienne avait moins de 15 ans. C’est cette population qui sera la force vive en 2020. Il faut commencer dès maintenant à leur donner la bonne formation et les bons modèles à suivre. Nos formations sont orientées en majorité vers les jeunes. Et nous continuerons encore dans les semaines et les mois à venir. Mieux, nous souhaitons faire émerger dans nos rangs des jeunes qui joueront les premiers rôles dans la Côte d’Ivoire nouvelle. Il est temps que les jeunes soient le moteur de leur propre développement.
Interview réalisée par Le Sursaut du samedi 5 et dimanche 6 décembre 2015
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