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Dossier/Affaire « le Triangle de Sagbé » : Des ministres veulent conduire Alassane Ouattara à bafouer la loi


Le ministre Allah Kouadio Rémi (Ph:Dr)

Le ministre Allah Kouadio Rémi (Ph:Dr)

La Cour Suprême, en sa Chambre Administrative, rend un arrêt n°43 du 27 mai 2009 qui annule l’arrêté n°0013 du 18 mai 2006 et restitue au premier (n°05364/MCU/DU/SDAF du 23 décembre 2005) son plein et entier effet. Ce dans l’affaire qui oppose « Le Triangle de Sagbé » à l’Etat de Côte d’Ivoire. Comment dans une affaire dans laquelle la Haute Cour de justice n’est autre que chef suprême de la justice a tranché des ministres, peuvent faire un forcing au Conseil des ministres ?

Le Conseil des  Ministres, en sa séance du mercredi 25 juin 2014, a adopté une communication relative à la reconstitution de la forêt du Banco dans ses limites initiales en incorporant la parcelle de terrain de lotissement dénommé  « Le Triangle de Sagbé ».

Cette communication est le fait de cinq ministères (Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’Urbanisme – Economie et des Finances – Budget – Environnement, de la Salubrité Urbaine et du Développement durable – Eaux et Forêts) qui s’opposent au lotissement de la parcelle susmentionnée qui, en réalité appartient à la communauté villageoise d’Anonkoua-Kouté, dans la commune d’Abobo.

Cette action est-elle fondée ? Que cache un tel projet ? Quelles en sont les conséquences ?

L’historique

Pour mieux appréhender le sujet, un voyage dans le passé récent de l’histoire de la Côte d’Ivoire s’avère nécessaire.

Un an après l’éclatement de la grave crise qu’a connue le pays d’Houphouët Boigny, la communauté villageoise d’Anonkoua-Kouté décide de donner forme à un projet relatif à la construction d’habitations sur le site dénommé  « le Triangle de Sagbé ».

Elle entreprend alors des démarches inhérentes à un tel projet. Notamment des enquêtes de commodo et d’incommodo à l’effet de s’assurer de la viabilité du projet et aussi de ce que ce site ne fait l’objet d’aucun litige.

Sous l’impulsion de la Mairie d’Abobo, l’arrêté n°04389 du 13 juillet 2005 portant ouverture d’une enquête publique est signé par le Ministre de la Construction et de l’Urbanisme. Toutes les structures concernées par cette enquête sont sollicitées.

Ainsi, le Commissaire de police du 21è arrondissement d’Abobo à cette époque, dans un rapport adressé à sa hiérarchie avec ampliations aux Ministres de la Construction et de l’Urbanisme – des Eaux et Forêts – de l’Environnement ainsi qu’aux autorités de la commune d’Abobo, a indiqué que le « Triangle de Sagbé » est par excellence, le lieu de prédilection de tous les bandits de grand chemin qui écument la ville d’Abidjan. De même, cet espace est utilisé par certains criminels pour commettre les meurtres les plus crapuleux.

Outre cet aspect, l’autorité policière a également indiqué dans son rapport que, de par sa position géographique et grâce à son accès facile du fait de la route créée pour l’entretien de la ligne de haute tension,  « le Triangle de Sagbé » demeure le nid des braqueurs.

Ainsi, les véhicules braqués dans la ville d’Abidjan finissent leur course à cet endroit. De même que leurs conducteurs ou propriétaires.

Il conclut son rapport en affirmant que ce site sert de base arrière aux déstabilisateurs de la Côte d’Ivoire. D’où la nécessité d’y bâtir des habitations.

Sur le même sujet, Madame Jeanne Peuhmond, actuelle conseillère du Président Alassane Ouattara, alors Maire Adjoint, au nom de la commune d’Abobo (dirigée par le Ministre Adama Tounkara), dans un courrier adressé à la communauté villageoise d’Anonkoua-Kouté, a donné un avis favorable.

Par courrier n°210 du 8 Avril 2003, le Maire de la commune d’Abobo s’adresse au Ministère de la Construction et de l’Urbanisme pour avis.

Le Ministre Abouo N’Dori, alors premier responsable de ce département après étude de ses services compétents, autorise la communauté villageoise d’Anonkoua-Kouté à mettre en valeur le « Triangle de Sagbé ».

Après avoir également recueilli l’avis favorable du Bureau national  des Etudes Techniques(BNETD), la communauté villageoise d’Anonkoua-Kouté entame les travaux de lotissement du « Triangle de Sagbé ».

L’origine du conflit foncier

Les actions de la communauté villageoise d’Anonkoua-Kouté ont abouti à l’immatriculation du « Triangle de Sagbé » sous le titre foncier n°113418 du 23 Mai 2005 de la circonscription de Bingerville.

Cette parcelle de terrain qui s’étend sur 53,6 ha a également fait l’objet d’un arrêté n°05364/MCU/DU/SDAF du 23 décembre 2005 portant approbation du plan de lotissement du « Triangle de Sagbé » au profit de la communauté villageoise d’Anonkoua-Kouté, propriétaire des droits coutumiers.

Ce lopin de terre est limité à l’Est par le quartier Banco, à l’Ouest par le Parc National du Banco, au Nord par le quartier Sagbé et au Sud par la ligne de haute tension de la CIE.LE TRIANGLE SAGBE2

« Le Triangle de Sagbé » est isolé du Parc National du Banco dont la superficie est de 3000 ha.

Il convient toutefois d’indiquer que cette approbation qui a été faite à l’issue d’une procédure régulière suivie par les autorités administratives compétentes et les services techniques appropriés, sera malheureusement et à la demande de Monsieur Andoh Jacques, alors Ministre de l’Environnement et des Eaux et Forêts, remise en cause par un autre arrêté n°0013 du 18 mai 2006 , signé par le Ministre de la Construction et de l’Urbanisme , Amon Tanoh.

 

Comme argument, le Ministre Andoh Jacques laisse croire que « le Triangle de Sagbé » fait partie du Parc National du Banco d’une part et d’autre part, ses services techniques n’auraient pas été consultés ni appelés à la commission d’approbation du site.

Il faut aussi indiquer que le 18 février 2013, le ministre de la Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’Urbanisme, Mamadou Sanogo, a signé un arrêté n°13-0001/MCLAU/CL/DAJC/DML/CA, rapportant l’Arrêté n°0013/MCUH/DAJC en date du 18 mai 2006 annulant l’Arrêté n°05364/MCU/DU/SDAF du 23 décembre 2005 portant approbation du plan de lotissement du « Triangle de Sagbé ». Débute alors la bataille juridique.

La bataille juridique

Au regard des documents techniques et juridiques que détient la communauté villageoise d’Anonkoua-Kouté, celle-ci décide alors de faire valoir son droit de recours.

Elle attaque donc l’arrêté n°0013 du 18 mai 2006. La Cour Suprême, en sa Chambre Administrative, rend l’arrêt n°43 du 27 mai 2009 qui annule l’arrêté n°0013 du 18 mai 2006 et restitue au premier (n°05364/MCU/DU/SDAF du 23 décembre 2005) son plein et entier effet.

Si le Ministère de la Construction et de l’Urbanisme se soumet à la décision de la Cour Suprême, la communauté villageoise d’Anonkoua-Kouté sera encore confrontée à la résistance du Ministre de l’Environnement et des Eaux et Forêts qui, à travers l’Office Ivoirien des Parcs et Réserves (OIPR), va déployer des agents des Eaux et Forêts sur le site pour interpeller les manœuvres et saisir leurs outils de travail. Bloquant ainsi les travaux de viabilisation du « Triangle de Sagbé ».

L’OIPR saisit à son tour la Cour Suprême d’une démarche en tierce opposition contre l’arrêt n°43 du 27 mai 2009 de la Chambre Administrative. Cette structure étatique présente une requête devant la Cour Suprême, en suspension de l’exécution de l’arrêt reconnaissant le droit de la communauté villageoise d’Anonkoua-Kouté sur la parcelle.

A l’issue d’une longue et harassante procédure, la requête de suspension introduite par l’OIPR est déclarée irrecevable d’une part et l’Office des Parcs et Réserves est débouté sur le fond de la tierce opposition, d’autre part.

Le passage en force d’Allah Kouadio Rémi

Malgré toutes ces décisions qui tranchent définitivement le litige en faveur de la communauté villageoise d’Anonkoua-Kouté, celle-ci est toujours confrontée au refus de l’OIPR et aussi aux humeurs de Monsieur Allah Kouadio Rémi, le nouveau Ministre de l’Environnement, de la Salubrité Urbaine et du Développement durable qui a décidé de s’opposer par tous les moyens à l’exécution des décisions de justice.

Dans sa logique, il a révoqué le Directeur de l’OIPR qui a fini par reconnaitre les droits de la communauté villageoise d’Anonkoua-Kouté sur cette parcelle.

Toujours dans sa volonté de faire échouer le projet de lotissement, le ministre Rémi Allah-Kouadio engage de nouvelles procédures, purement dilatoires.

Sur ses instructions, une nouvelle action est initiée en référé devant la Juridiction Présidentielle de la Cour Suprême au nom de l’Etat de Côte d’Ivoire et de l’OIPR pour solliciter une expertise aux fins de délimiter la parcelle litigieuse.

Par décision n°002/12 du 12 janvier 2012, rendue par le Président de la Cour Suprême, l’Etat de Côte d’Ivoire et l’OIPR sont à nouveau déboutés.

La demande aux fins de délimitation ayant été déjà tranchée par les précédentes décisions de la Chambre Administrative.

En dépit de toutes ces décisions qui donnent tort à l’OIPR et à l’Etat de Côte d’Ivoire sur l’ensemble des actions entreprises, de nouvelles démarches aussi ridicules que puériles sont menées.

Cette fois, par une demie-dizaine de ministres du gouvernement actuel qui, sous le prétexte fallacieux de reconstitution des limites du Parc National du Banco, font croire au Premier Magistrat ivoirien que « le Triangle de Sagbé » fait partie de cet espace protégé de la Côte d’Ivoire. Alors qu’il n’en ait rien.

La Côte d’Ivoire actuelle ne saurait s’accommoder d’une telle démarche des ministres, des autorités elles-mêmes, qui aucunement ne doivent empiéter sur les droits des citoyens. Laisser prospérer une telle action des ministres, c’est ternir l’image de la Côte d’Ivoire.

Sériba Koné

 

Encadré 1

 

« Le Triangle de Sagbé » n’est pas le Parc

Il est établi à la lumière du décret N° 95-530 du 14 juillet 1995, fixant le ressort territorial de la commune d’Abobo et celle d’Attécoubé que la partie du terrain litigieuse est sur le territoire communal d’Abobo.

En outre, la loi N°2002-102 du 11 février 2002 portant création, gestion et financement des parcs nationaux et réserves naturelles, indique les dénominations, les  localisations et les superficies.

Cette loi fixe les dimensions du Parc National du Banco à 3000 ha. Jusqu’à ce jour, le législateur n’a pris aucune décision contraire à celle du 11 février 2002 qui est toujours en vigueur.

Celle-ci en son article premier, stipule que les limites des  parcs et des réserves  ne peuvent être modifiées (soustraire ou ajouter des dimensions) qu’après le vote d’une nouvelle loi par l’Assemblée Nationale.

C’est après le législateur qu’un décret peut-être pris en Conseil des Ministres  (Article 9 de la loi portant création, gestion et financement des parcs et réserves).Or tel n’est pas le cas du Parc National du Banco dont l’Etat compte reconstituer les dimensions en y incorporant la parcelle de terrain de lotissement dénommé « Triangle de Sagbé ».

Aussi convient-il d’ajouter que le schéma directeur de la ville d’Abidjan élaboré par la société SCIET IVOIRE indique que le Triangle de Sagbé ne fait pas partie du Parc National du Banco. Cette parcelle, selon la même étude, est destinée à l’extension d’habitat.

Fort donc de tous ces éléments, le Directeur de l’Urbanisme, celui du Cadastre, de la Conservation foncière, du BNETD, le Gouverneur de la ville d’Abidjan, le Maire d’Abobo ont requis leur avis favorable, objet de l’approbation du plan de lotissement attaqué injustement par un arrêté ministériel aux fins d’annulation dudit lotissement au préjudice de la communauté villageoise d’Anonkoua-Kouté.

Ce village, à l’instar d’autres localités de la Côte d’Ivoire, n’a pas échappé aux effets de la guerre. De nombreuses infrastructures y ont été détruites. Des stigmates de la guerre y sont toujours perceptibles. Et les cœurs des habitants qui ont tout perdu continuent de saigner.

Refuser de reconnaitre aux populations de cette localité de jouir des droits du « Triangle de Sagbé » qui, coutumièrement et juridiquement leur appartient, pourrait les rendre davantage malheureux.

Sériba Koné

Encadré 2

Les arrêts de la Cour Suprême bafoués

La loi est impersonnelle. Elle n’a ni couleur, ni ethnie, ni religion encore moins un parti politique. Elle s’impose à tous. Et nul n’est au-dessus de la loi.

Dans un pays, l’ensemble des lois, appelé constitution régit les actions et les relations entre les citoyens. Lorsque ces lois sont respectées par tous, l’on parle alors d’Etat de droit.

La Côte d’Ivoire a décidé de s’inscrire dans le lot de pays qui font du respect des lois, le fondement de toute action. Nul ne saurait contester les efforts du Président Alassane Ouattara pour permettre à ses concitoyens de vivre dans un pays de droit.

Chaque jour, il ne cesse d’inviter les Ivoiriens à cultiver ces valeurs qui précèdent le développement. Le Président de la République tient beaucoup au respect des lois et à la séparation des pouvoirs.

C’est pourquoi, l’on s’interroge sur les démarches des ministres, proches collaborateurs du Président Alassane Ouattara qui veulent piétiner les lois et donner une image hideuse à la Côte d’Ivoire.

Les décisions de justice notamment les arrêts de la Cour Suprême ne sauraient être bafoués par des Ivoiriens, furent-ils ministres. Le faire, c’est décider de jouer contre le Président Alassane Ouattara dont le souci permanent est le bien-être des hommes et des femmes qui habitent la terre d’Eburnie.

 

Encadré 3

 

Pour une question de sécurité

Le « Triangle de Sagbé » est juridiquement distincte du Parc National du Banco. Le débat ne vaut pas la peine. Sauf que pour des raisons qui, seules les personnes qui contestent cette vérité savent, le sujet qui nécessite plutôt une attention est l’importance ou non de la mise en valeur de cette parcelle de terrain.

A cette préoccupation, l’autorité policière a tranché. Le rapport du commissaire de police du 21è arrondissement indique clairement que« le Triangle de Sagbé » représente un danger pour la ville d’Abidjan, voire de la Côte d’Ivoire. Que ce site abrite les criminels et autres grands bandits. Il sert de cimetière aux personnes qui n’ont pas les moyens financiers d’offrir à leurs morts des sépultures dignes du nom.

Selon l’autorité policière, ce lieu sert de base arrière aux personnes qui nourrissent l’intention de déstabiliser la Côte d’Ivoire. D’où la nécessité de transformer ce site en un lieu d’habitations à l’effet de déloger tous ces hors la loi.

 

                                                                                            Par Sériba Koné

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