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[District des Montagnes/Prolifération des fermes traditionnelles d’élevage de porcs en pays Wê] Une réponse à la cherté de la vie qui dérange énormément


Guiglo, le 31-10-2022 (lepointsur.com) L’avènement de la Covid-19 en 2019 puis la guerre en Ukraine le 24 février 2022, présentent l’élevage traditionnel des porcs africains comme l’une des réponses positives à la lutte contre la cherté de la vie et l’auto-emploi dans le District des Montagnes, en Côte d’Ivoire. Une activité qui s’exerce d’ailleurs dans des conditions peu hygiéniques, avec en prime le manque de qualification des acteurs et le manque de soutien des partenaires. Toutes choses qui, si l’on y prend garde, pourraient à terme ne pas restées sans conséquences majeures sur le cours du développement durable de notre nation, la Côte d’Ivoire. Reportage !

Les conditions d’élevage traditionnel des porcs africains sont à améliorer

Description des fermes traditionnelles d’élevage de porcs africains

Intéressés par les conditions d’élevage des cochons africains et la qualification de leurs éleveurs, nous nous sommes rendus dans le District des Montagnes, précisément en pays Wê, dans les régions du Guémon et du Cavally, dans l’ouest ivoirien, où cette activité bat son plein.

Jean G. Koulaï est un jeune diplômé dans une grande école en Côte d’Ivoire. En attendant peut-être son embauche un jour, “inch’Allah’’, dans une entreprise de la place, il élève derrière leur résidence familiale des porcs africains à Duékoué, au quartier Manioc ou quartier Artisanal. Une dizaine de bois plantés quelques centimètres les uns des autres, telle une hutte abandonnée, lui servent d’enclos pour parquer ses bêtes de somme. Il est aidé dans sa tâche par sa petite amie et l’un de ses camarades étudiants sans emploi, lui aussi.

Tous les matins vers 8h, ils ouvrent à tour de rôle l’enclos pour permettre aux bêtes de se sauver vers le vaste bas-fond contigu au lit du fleuve Guémon pour se nourrir, eux-mêmes. Sans surveillance ni suivi (médical, alimentation et surveillance), ces animaux qui connaissent la notion du temps, une fois la fin de l’après-midi s’annonce, se dirigent allègrement en meutes comme des bêtes robotisées vers leur “dortoir’’, en s’alimentant au passage pour les plus chanceux, des déchets ménagers et des excréments des hommes dissimulés derrière les résidences de ce quartier où les toilettes modernes se comptent du bout des doigts comme à l’époque de Mathusalem.

Pour s’engager dans un tel business, le jeune diplômé et son équipe n’ont bénéficié d’aucun soutien de leurs parents ni d’aucune formation professionnelle quelconque. « Ma prime de stage est mon fonds d’activités. Avec seulement 200 mille que j’ai pu économiser, j’ai acheté 4 porcs dans un village dont 3 femelles et un mâle », nous avait-il dit.

Ce projet, à y voir de loin, n’est pas né ex-nihilo. Il provient de l’expérience du neveu du ministre-gouverneur des Montagnes, M. Albert Flindé. C’est ce qu’il dit si bien en ces termes suivants : « Un jour, de passage à Gblapleu (Village situé à 15 km de Youdé, dans la Commune de Guiglo), c’était en décembre 2021 je crois, j’ai été témoin de l’achat d’une trentaine de porcs africains par un cadre à bord d’un véhicule de type 4×4 venu de Duékoué. Sidéré par cette transaction, j’ai décidé de me lancer aussi dans cette activité. Après échanges avec le jeune Gbla, neveu du ministre-gouverneur Albert Flindé, j’ai compris que tout le monde peut élever les porcs africains, sans grand moyen ».

À cette activité d’élevage se greffe pour les jeunes gens, le lobbying qui consiste à servir d’intermédiaires entre les éleveurs des villages éloignés de la ville et les acheteurs. Pour des gains de 3000 FCFA par bête négociée. Toute chose qui met aussi en activité, de façon directe, au moins 4 à 5 personnes selon l’état des routes, moyennant des commissions au prorata de la distance parcourue.

Conditions d’élevage des porcs africains et le manque de qualification des éleveurs

Autant le site d’élevage ne peut faire l’objet d’une simple et petite jalousie, autant la qualification professionnelle de l’éleveur importe peu. A preuve, à Gblapleu (Guiglo) tout comme à Béoué (Bangolo), à Nanadi (Duékoué), à Doké (Bloléquin) et à Zagné (Taï), des jeunes sans aucun renforcement de capacités opérationnelles au départ, s’y investissent. Pour vu qu’ils aient le minimum de moyen financier, comme fonds de début d’activité. Quitte à laisser les bêtes errer dans la nature. Un vrai élevage de type bio et qui fait perdre de vue le fait que ces bêtes de somme méritent aussi, des traitements alimentaires, sanitaires et sécuritaires adéquats parce que les acteurs du secteur sont aveuglés par le gain facile au bout du fil.

Une vue d’un cochon de race africaine en quête de nourriture, à proximité d’une poubelle

« On ne souffre même pas pour les entretenir. Il faut les mettre à terre seulement et puis chaque année, tu gagnes pour toi. En décembre dernier j’ai vendu 5 porcs mâles à 70 mille l’unité. C’est mon trésor », s’était confié à nous le jeune Guiézia de Tomimpleu (Derrière Bédy-Goazon dans le Département de Guiglo).

De telles conditions d’élevage des porcs africains semblent ne pas être sans conséquences majeures sur la santé des populations cosmopolites qui, consomment leur chair avec grande affection d’ailleurs.

Conséquences de l’élevage à ciel ouvert des porcs africains

L’élevage des porcs africains à ciel ouvert présente des dangers énormes pour la population. Selon le vétérinaire Dosso K., spécialiste de la santé animale au ministère de la production animale (Direction Régionale) à Guiglo, en plus des pestes porcines qui ont décimé plusieurs milliers de porcs en Afrique, en Europe, Amérique et même en Asie, les porcs africains élevés à ciel ouvert sont considérés comme des vecteurs de transmission des maladies hydriques comme la fièvre typhoïde, le choléra et la diarrhée. A ces maladies hydriques pourraient s’ajouter la tuberculose et la fièvre hémorragique à virus Ebola, vu que ces animaux, en certains endroits, ont pour lieu d’alimentation et de prédilection, les cimetières.

Élevage traditionnel de porcs africains, une réponse à la cherté de la vie

Bien que dérangeant de par son mode d’élevage (Manque d’hygiène, de sécurité, et d’alimentation), la viande de porc est l’une des viandes les plus vendues à moindre coût sûr le marché. Ce, au moment où le monde entier est secoué par le conflit Russo-Ukrainien, avec ses corollaires de cherté de la vie.

Si à Boundiali, précisément au quartier Sénoufo, le tas est vendu à 300 FCFA, dans l’ouest montagneux, le kilogramme coûte 1300 FCFA les jours ordinaires et 1500 FCFA les jours de fête. Un prix 2 fois moins cher que le kilogramme de viande de bœuf en période ordinaire (2800 FCFA sans os et 2500 FCFA avec os). Dame Guéi Louise M., secrétaire de direction dans une usine hévéicole du Cavally, ne rate pas d’occasion pour réserver sa part, chaque jour.

« Il me suffit d’appeler les vendeuses et j’ai la quantité que je veux… En tout cas, ma famille et moi aimons beaucoup cette viande qui ne consomme pas de produits chimiques », nous avait-elle dit, toute gaie. À ses côtés, des jeunes, célibataires sûrement, nous confient qu’ils en achètent tous les jours pour faire leur sauce de “garçon’’.

Mlle Tito Ida Delaure vend la soupe et la chair de porcs africains depuis 3 ans aux abords de la voie publique qui mène au quartier Nazareth à Guiglo, aidée de deux serveuses qu’elle paie à 30 mille le mois, pour une demi-journée de service. Mlle Tito témoigne que divorcée, c’est son commerce qui lui permet de subvenir aux besoins alimentaires, sanitaires et éducatifs de ses 2 enfants abandonnés par son ex-mari. Elle ajoute qu’avec un bénéfice compris entre 15 et 20 mille par jour, elle a pu acquérir un lopin de terre pour se bâtir une modeste demeure à partir de l’année prochaine.

Sa stratégie de commercialisation de la viande de porc consiste en l’achat et vente de viande de porc fraîche des villages environnants, à moindre coût. Les soirs venus, elle vend aussi de la soupe accompagnée d’Atiéké à partir de 300 FCFA le morceau de viande. C’est nul doute du fait du caractère social du coût de son kilogramme que la viande de porc est fortement consommée en pays Wê et, un peu presque partout maintenant en Côte d’Ivoire où de plus en plus, des marchés de nuit de vente de porcs au four ou de soupe de porcs africains prennent de l’ampleur. C’est le cas des villes  d’Abidjan, où on a la fameuse Gabriel gare de Yopougon (le marché attitré de vente de porc au four) et de Ouragahio, au marché de nuit, sis à la gare des motos-taxis brousse et communal.

Cependant, bien que prisée en pays Guéré comme dans plusieurs autres villes du pays, cette viande dérange énormément certaines communautés.

Laine Gonkanou, correspondant régional

Encadré 1 : “Kôkôti’’, la viande prisée du peuple Wê qui dérange énormément certaines communautés religieuses

Le cochon, dénommé “Kôkôti’’ ou “Gabriel’’ par les Ivoiriens est certes apprécié en pays Wê et de plus en plus dans d’autres localités. Cependant, elle est sujette à polémiques. Les autres le taxant d’impurs.

La viande de porc, très prisée en pays Wê

Ainsi, de façon spirituelle, il serait à l’origine de blocages et de lourdeurs spirituels. C’est pourquoi, sa viande fait l’objet de rejet total par les religieux au nombre desquels figurent les musulmans et les adeptes de l’Ordre Syar Doulcass Bitslingues (ndlr : O.S.D.B, une alliance entre les terriens et les extraterrestres fondée par Feu Kiknasbir Savané Amadou à Daloa).

A preuve, à Duékoué et plus précisément dans le quartier Manioc ou quartier Artisanal où son élevage prolifère, aucune famille musulmane n’y réside. Au regard de ce qui précède, nous estimons que la mise à disposition des fonds à ces éleveurs traditionnels et l’encadrement de leurs activités pourraient contribuer à la levée des restrictions des libertés des autres communautés, stratégiquement interdites de circuler en certains endroits du fait des principes sacro-saints de leur religion.

L.G.

Encadré 2 : Porcs africains et porcs de Toubabou, “y a pas match’’

“Le Gabi chaud’’ est doux. Un goût qui provient nul doute des saveurs des essences de la nature qu’il consomme sans relâche. Un type d’élevage bio qui mérite d’être accompagné par un traitement mixte adéquat dans le but de garantir la sécurité financière des éleveurs de porcs ainsi que la santé des personnes qui consomment la viande de cochon au fil du temps.

L.G.

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