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[Devoir de Mémoire/30 janvier 1933 – 30 janvier 2023] Il y a 90 ans Adolf Hitler prenait le pouvoir en Allemagne


La fin de la Première Guerre mondiale, que les États-Unis du président Wilson voudraient placer sous le signe de la paix et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, est marquée par l’émergence des totalitarismes. Comme la Russie en 1917 et l’Italie en 1922, l’Allemagne connaît une profonde crise politique, économique et sociale qu’elle semble d’abord dépasser. Mais en 1933, elle confie son destin à un parti et un homme qui vont la précipiter dans la guerre, le génocide et la destruction.

Le 11 novembre 1918, après plus de quatre années d’une guerre qu’elle a déclarée à la Russie et à la France en août 1914, l’Allemagne est contrainte de signer un armistice dans la clairière de Rethondes, en forêt de Compiègne. En mars, elle a obtenu de la Russie bolchevique une paix toute à son avantage, mais ses alliés ottomans et austro-hongrois ont déposé les armes à l’automne, la laissant seule face aux puissances alliées.

Depuis 1916, l’État-major d’Hindenburg et Ludendorff, surnommés « les dioscures », tient le pouvoir politique. En septembre 1918, il fait savoir que la guerre est perdue et prépare l’armistice. L’armée recule partout, mais reste en territoire ennemi, à l’exception d’une infime partie de la Lorraine cédée par la France en 1871. Épuisé, le pays est traversé depuis octobre par les troubles révolutionnaires, qui amènent l’Empereur Guillaume II à abdiquer le 9 novembre.

De la Révolution spartakiste au Putsch de Munich

Le socialiste Friedrich Ebert est élu chancelier la veille de l’armistice. Dans sa déclaration aux armées, Hindenburg rejette sur le nouveau pouvoir la responsabilité d’une défaite militaire inévitable : « Notre gouvernement a dû accepter les dures conditions d’un armistice. Nous sortons de cette guerre droits et fiers, après quatre ans de lutte contre un monde d’ennemis. » Un an plus tard, il dira plus clairement : « L’armée allemande a reçu un coup de poignard dans le dos ».

La République dite de Weimar, qui ouvre l’entre-deux-guerres, commence dans un bain de sang : la révolte spartakiste à Berlin et la République des conseils à Munich sont durement réprimées par les  sociaux-démocrates. Trois nouveaux soulèvements d’obédience marxiste au début des années 1920 sont aussi écrasés. Les forces de gauche se déchirent et les quatre premières années de l’après-guerre sont marquées par plus de 35 000 assassinats politiques. La responsabilité infamante du Traité de Versailles, très dure pour l’Allemagne vaincue, est entièrement rejetée sur les partis démocratiques par l’extrême-gauche et l’extrême-droite.

En novembre 1923, avec le putsch de Munich, cette dernière menace le jeune pouvoir en place. Le NSDAP – Parti national-socialiste des travailleurs allemands – soutenu par Ludendorff s’y montre encore incapable d’incarner ses ambitions. Son chef Adolf Hitler est condamné à cinq années de prison mais libéré dès 1924. À l’instar deson modèle, Benito Mussolini, sa stratégie politique mêlera désormais légalité et illégalité.

De Mein Kampf au parti de masse

En prison, il commence la rédaction de Mein Kampf, publié en 1925 et 1926. Mal écrit et confus, ce livre-programme connaît d’abord un succès modeste. Il y proclame explicitement sa haine du socialisme et du « judéo-bolchevisme », sa foi en une « race aryenne » qui doit défaire son ennemi juré, la France, et étendre son « espace vital » à l’est, aux détriments des « sous-hommes » slaves.

À la puissante mais peu docile organisation paramilitaire, les SA (Sturmabteilung, section d’assaut), dont le parti nazi s’est doté pour s’imposer dans la rue par la terreur, qu’il habille de chemises brunes sur le modèle des squadristes italiens, Hitler ajoute en 1925 une garde rapprochée, beaucoup plus disciplinée et élitiste, la SS (Schutzstaffel, « escadron de protection »), qu’il confie à son adjoint Himmler en 1929. Elle sera au cœur du futur régime.

En 1925, il pousse Ludendorff, son rival à l’extrême-droite, à se présenter à l’élection présidentielle, prévoyant son échec. Il dépasse à peine 1% des voix. Au second tour, Hitler soutient le candidat nationaliste victorieux, Hindenburg, qu’il rencontre en 1931. « Le vieux fou », comme il le nomme, ne croit guère en l’avenir du « caporal autrichien ».

De la crise de 1929 à la prise de pouvoir

La crise de 1929 frappe de plein fouet l’Allemagne qui a connu un redémarrage aussi spectaculaire que dépendant des capitaux étasuniens. Le déficit budgétaire est impressionnant et un tiers du PIB vient des exportations. Face à la récession et au chômage, parti communiste et surtout NSDAP font une percée aux élections en promettant le plein emploi. Dans ce contexte, les forces démocratiques n’ont pas le soutien de l’armée qui les considèrent responsables de la défaite et de la police ulcérée par les troubles et la criminalité.

Aux élections présidentielles de 1932, Hitler s’affirme comme le principal rival d’Hindenburg, qui est réélu. Le communiste Thälmann est largement distancé. En juillet, de nouvelles élections anticipées font du NSDAP le premier parti d’Allemagne. Face au refus d’Hindenburg de les laisser accéder au pouvoir, les nazis dissolvent le Reichstag – la chambre des députés. Hindenburg finit par nommer Hitler chancelier le 30 janvier 1933 à la tête d’un gouvernement qui n’a que deux ministres nazis.

Comme leurs homologues italiens une décennie plus tôt, bien des politiciens allemands pensent que les nazis n’auront pas les coudées franches et que l’exercice du pouvoir les amènera à modérer leur discours. Moins d’un mois plus tard, l’incendie du Reichstag permet à Hitler d’accuser les communistes et de sortir renforcé après de nouvelles élections émaillées de violences. Le chancelier gardera le pouvoir jusqu’à son suicide dans Berlin détruite, le 30 avril 1945, à l’issue d’une guerre qui aura fait entre 60 et 70 millions de morts.

Source : Rfi

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