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Démission de Francis Wodié de la présidence du Conseil constitutionnel : Le Président de la République à l’épreuve du Droit


lepointsur.com (Abidjan, le 4-2-2015) C’est par un communiqué de la présidence de la République lu par Amadou Gon Coulibaly, Secrétaire général du Gouvernement, le mardi 3 février 2015, que l’information relative à la démission du Professeur Francis Wangah Romain Wodié de la tête du Conseil constitutionnel a été rendue publique.

Francis Wangah Wodié, désormais ex-président du Conseil constitutionnel. (Ph: Dr)

Francis Wangah Wodié, désormais ex-président du Conseil constitutionnel. (Ph: Dr)

Une information qui a entraîné la surprise dans le monde de la communication, ainsi que dans les rangs des intellectuels. Hier c’était Tiburce Koffi qui ne respectant pas son obligation de réserve en tant que Directeur Général d’une institution de l’Etat, qui était débarqué de ses fonctions. Aujourd’hui, le microcosme politico-judiciaire est surpris avec le brusque départ du Professeur de Droit des universités, deux fois agrégés de Droit.

Qu’est-ce qui a bien pu motiver le départ, précipité, du Professeur Wodié de la tête du Conseil constitutionnel ? Au moment où nous publions cette information, nous n’avons aucune certitude sur les motivations réelles du désormais ex-président du Conseil constitutionnel. Cependant, l’on peut suspecter un différend grave, un clash, issu de l’article 35 de la Constitution ivoirienne diversement interprété par l’opinion. S’agit-il simplement de l’interprétation de l’article 35 de la Constitution ou alors, du mode de révision de la Constitution elle-même, telle que prévue par son article 43 ?

De notre lecture, la Constitution ivoirienne n’offre pas la possibilité d’une révision par voie parlementaire. Si par hasard, le Président Alassane Ouattara qui a promis, en campagne électorale de 2010, de modifier la Constitution, il est évident qu’aucune autre voie de Droit ne s’offre à lui en dehors de celle du référendum consacré par l’article 43 de la présente Constitution qui dispose :
« Le Président de la République, après consultation du bureau de l’Assemblée nationale, peut soumettre au référendum tout texte ou toute question qui lui parait devoir exiger la consultation directe du peuple. Lorsque le référendum a conclu à l’adoption du texte, le Président de la République le promulgue dans les délais prévus à l’article précédent ».

Vouloir donc forcer le consensus du peuple en procédant à une révision constitutionnelle par voie parlementaire serait une violation flagrante de la Constitution et par conséquent, de la loi et du Droit. Ment-on au Président de la République qui n’est pas un spécialiste de Droit  pour être incité par l’idée de violer le Droit ?

Si Alassane Ouattara est un féru et spécialiste de l’économie, de la finance, de la banque et de la statistique qui, bien entendu, semblent ne pas avoir de secret pour lui, il faut admettre tout de même qu’il présente des lacunes et des insuffisances pour ce qui concerne les questions relative au Droit, notamment dans la lecture et l’application des textes de loi.

Dès lors, l’on est droit de se demander s’il ne dispose pas d’un conseil, des conseillers, des spécialistes en la matière et qui soient capables, dans les seuls intérêts du pays, de lui dire : « Attention Monsieur le Président de la République, le Droit ne permet pas cette voie ». Quand on voit les graves et manifestes violations de la règle de droit, on se demande ce que font ces juristes, bardés de diplômes, aux côtés du Président de la République. Quel dommage pour la République.

Francis Wodié, défenseur intransigeant de l’application rigoureuse des textes

Pour qui connait le Professeur Francis Wodié, sauf erreur de notre part, son intégrité, sa rigueur dans l’enseignement et l’application du Droit dans le cadre de son travail ne cèdent aux influences encore moins aux pouvoirs politiques, fussent-ils du Président de la République. Lors de sa prise de fonction, le Professeur Wodié, s’adressant au Président Alassane Ouattara avait dit ceci : « Monsieur le Président, je vous remercie d’avoir porté votre choix sur ma modeste personne, mais en tant que président du Conseil constitutionnel, j’ai un devoir d’ingratitude à votre égard, car je ne dois obéir qu’aux textes, à la loi. Mais lorsqu’il est demandé à un homme de loi, un constitutionnaliste de violer le droit, la loi, ou de ne pas s’en conformer, il doit alors démissionner pour être en paix avec sa conscience ».

Et conformément à l’article 90 de la Constitution ivoirienne, le président du Conseil constitutionnel, avant son entrée en fonction, prête serment devant le Président de la République, en ces termes :

« Je m’engage à bien et fidèlement remplir ma fonction, à l’exercer en toute indépendance et en toute impartialité dans le respect de la Constitution, à garder le secret des délibérations et des votes, même après la cessation de mes fonctions, à ne prendre aucune position publique dans les domaines politique, économique ou social, à ne donner aucune consultation à titre privé sur les questions relevant de la compétence du Conseil constitutionnel ».

Quand on a ainsi juré devant son peuple, quand on a la réputation et l’intégrité d’un homme d’envergure comme le Professeur Francis Wodié, on ne peut pas céder aux manipulations, aux complots, aux combines pour violer et tordre le cou au Droit. Si on peut comprendre la volonté du Président de la république de procéder à une révision de la Constitution qui ne reflète, en réalité pas la société ivoirienne, tant métissée, tant multiculturelle, il faut aussi que cette révision se fasse en respectant les lois et la Constitution. Certains pourraient penser que c’est parce que cette Constitution exclut Alassane Ouattara de la course à l’élection présidentielle qu’il veut procéder à sa révision.

Les détracteurs du chef de l’Etat qui penseraient ainsi ont tort. D’autant que le Président Ouattara veut bâtir une Côte d’Ivoire où le lien qui unit un citoyen à son pays est un contrat social, un lien de droit. Cela signifierait que quiconque voudrait être citoyen ivoirien, peu importe ses origines, son ethnie, sa religion et sa couleur, est libre d’en faire la demande. Et s’il remplit les conditions de la loi, il aura droit à la nationalité ivoirienne, il sera considéré comme ivoirien, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs.

Alassane Ouattara, de par ses origines et ses papiers de citoyen, a toujours montré qu’il était fils de la Côte d’Ivoire de par ses origines de Kong et Odienné. Il a publiquement montré et démontré les papiers de Droit qui attestent de son état de citoyen ivoirien, depuis ses arrières grand-parents, fondateurs du grand empire de Kong. Ce qui permet de soutenir que même dans sa forme actuelle, appliquant le Droit, en dehors des considérations politiques, Alassane Ouattara est conforme pour être candidat à l’élection présidentielle de 2015. Si l’on fait une lecture politique, alors, par arbitraire, on pourrait l’en exclure.

A ce jour, aucun adversaire, aucune autre tierce personne n’a pu démontrer la preuve contraire. Nous ne défendons pas le Président Ouattara. Mais, au-delà des émotions, nous affirmons ce que disent les textes et ce que personne n’a pu démontrer la preuve contraire. Le doute profite à l’accusé en Droit.

Cet homme rêve de semer les sillons et les semences de la Cote d’Ivoire des futures générations. Ce qui expliquerait sa volonté de procéder à une révision constitutionnelle. La Côte d’Ivoire de demain doit et devra se construire avec toutes les filles et tous les fils de cette nation, sans aucune exclusion et sans aucune discrimination. Voilà le rêve d’Alassane Ouattara pour son pays, la Côte d’Ivoire. Seulement, ce rêve doit se réaliser dans les règles de l’art.

Diarrassouba Abdoul Kader Stéphane

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