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[Décision sur les conditions de mise en libertés de Gbagbo et Blé Goudé] Les éclairages d’un magistrat ivoirien


Abidjan, 29-05-2020 (lepointsur.com) Je constate que la décision de la Chambre d’Appel de la CPI suscite bien des interrogations. Dans l’optique d’en restituer fidèlement la teneur, j’ai décidé de donner dans un premier temps l’ensemble des conditions qui étaient imposées, la décision de ce jour de révoquant certaines d’elles, la liste de celles qui sont maintenues, avant de les commenter.

La liste des conditions

i)   S’engager  par  écrit  à  se  conformer  à  toutes  les  instructions  et  ordonnances  de la  Cour,  notamment  en  comparaissant  devant  la  Cour  lorsque  celle-ci l’ordonnera,  et  accepter  que  la  procédure  d’appel  devant  la  présente  Chambre pourrait  se  poursuivre  en  leur  absence,  s’ils  ne  se  présentaient  pas  devant  la Cour après en  avoir reçu  l’ordre  ;

ii) Informer  la  Chambre  et  l’État  qui  les  accueille  de  leur  adresse  et  de  leurs coordonnées,  et  demander  à  la  Cour  son  autorisation  avant  de  changer d’adresse  ;

iii) Ne  pas  se  déplacer  en  dehors  des  limites  de  la  municipalité  dans  laquelle  ils résident  dans  l’État  d’accueil,  à  moins  d’y  avoir  été  expressément  autorisés au préalable  par la  Cour  ;

iv) Remettre  au  Greffe  toutes  les  pièces  d’identité  dont  ils  disposent,  en particulier  leur  passeport  ;

V) Se  présenter  chaque  semaine  auprès  des  autorités  de  l’État  d’accueil  ou auprès du Greffe  ;

Vi) Ne  pas  entrer  en  contact,  que  ce  soit  directement  ou  indirectement,  avec  un quelconque  témoin  cité  par  l’Accusation  dans  le  cadre  de  cette  affaire,  ou avec  une  quelconque  personne  dont  le  Procureur  leur  a  révélé  qu’elle  a  été entendue  dans  le  cadre  de  l’enquête  en  cours  en  Côte  d’Ivoire,  sauf  par l’intermédiaire  du  conseil  autorisé  à  les  représenter  devant  la  Cour  et conformément  aux  protocoles applicables  ;

Vii) S’abstenir  de  toute  déclaration  publique  au  sujet  de  l’affaire,  que  ce  soit directement  ou  indirectement,  ou  d’entrer  en  contact  avec  le  public  ou  de faire  des déclarations à  la  presse au sujet de  l’affaire  ;

viii)  Se  conformer  à  toute  autre  condition  raisonnable  imposée  par  l’État  dans lequel ils seront

“Ils ont retrouvé leur liberté d’expression, quitte seulement à garder leur réserve sur l’affaire, en plus de ne pas approcher les victimes et les témoins et d’être obligé de se présenter chaque fois que la CPI le demandera’’

La décision de la Cpi

65. Compte tenu de ces circonstances, la Chambre d’appel estime que l’imposition continue de certaines conditions énoncées au paragraphe 60 de l’arrêt n’est pas nécessaire.

66. La Chambre d’appel considère qu’il convient de révoquer les conditions (iii), (iv), (v) et (viii) du paragraphe 60 de l’arrêt, telles qu’elles sont énoncées dans le présent paragraphe au paragraphe 25. Conditions (i), (ii), (vi) et (vii) du paragraphe 60 de l’arrêt sont maintenus.

i)   S’engager  par  écrit  à  se  conformer  à  toutes  les  instructions  et  ordonnances  de la  Cour,  notamment  en  comparaissant  devant  la  Cour  lorsque  celle-ci l’ordonnera,  et  accepter  que  la  procédure  d’appel  devant  la  présente  Chambre pourrait  se  poursuivre  en  leur  absence,  s’ils  ne  se  présentaient  pas  devant  la Cour après en  avoir reçu  l’ordre  ;

ii) Informer  la  Chambre  et  l’État  qui  les  accueille  de  leur  adresse  et  de  leurs coordonnées,  et  demander  à  la  Cour  son  autorisation  avant  de  changer d’adresse  ;

La liste des conditions qui sont maintenues

Vi) Ne  pas  entrer  en  contact,  que  ce  soit  directement  ou  indirectement,  avec  un quelconque  témoin  cité  par  l’Accusation  dans  le  cadre  de  cette  affaire,  ou avec  une  quelconque  personne  dont  le  Procureur  leur  a  révélé  qu’elle  a  été entendue  dans  le  cadre  de  l’enquête  en  cours  en  Côte  d’Ivoire,  sauf  par l’intermédiaire  du  conseil  autorisé  à  les  représenter  devant  la  Cour  et conformément  aux  protocoles applicables  ;

Vii) S’abstenir  de  toute  déclaration  publique  au  sujet  de  l’affaire,  que  ce  soit directement  ou  indirectement,  ou  d’entrer  en  contact  avec  le  public  ou  de faire  des déclarations à  la  presse au sujet de  l’affaire  ;

Mes commentaires

1) On constate que c’est le changement d’adresse, c’est-à-dire de la volonté se de se fixer permanemment à un endroit qui exige l’autorisation préalable de la CPI et non le droit se déplacer partout dans le monde. Il s’ensuit que le Président Laurent Gbagbo et le Ministre Charles Blé Goudé ont la liberté de se déplacer partout dans le monde y compris en Côte d’Ivoire, sans autorisation. S’il décide de se fixer dans leur pays ils, devront le faire avec l’accord de la CPI. Je ne crois pas que ce soit la chose la plus difficile à obtenir. On constate que l’obstacle à leur liberté de mouvement est plus que mineur.

2) Les décisions de condamnation  par contumace ne leur interdisent pas de rentrer chez. Au contraire, elles ont fait naître une obligation de se présenter devant le Tribunal pour se défendre. D’autre part les condamnations par contumace sont annulées  dès la présentation des personnes qui en ont fait l’objet.

3) Elles ne sont pas exécutoires, parce qu’il ne s’agit pas de décisions définitives. Par conséquent la perte des droits civils n’est pas applicable.

4) Les personnes poursuivies en matière criminelle, même si elles ont fait l’objet d’une condamnation peuvent comparaître libres.

5) C’est un droit pour le Président Laurent Gbagbo, en sa qualité d’ancien de l’Etat de bénéficier d’un service de sécurité et non une faculté pour les autorités. Aux cas où, elles ne voudront pas se soumettre à leurs obligations, cela ne saurait constituer un obstacle quelconque pour son retour, il lui est loisible d’ailleurs de refuser et d’organiser lui-même sa sécurité.

6) Comme les juridictions internes, les juridictions internationales auxquelles la Côte Ivoire à adhérer par voie de traité font partie de l’organisation judiciaire ivoirienne. Comme un citoyen qui a bénéficié d’une liberté provisoire de la part d’un tribunal pénal interne n’a pas à attendre des autorités politiques l’autorisation de rentrer chez lui, il en est de même pour le Président Laurent Gbagbo et le Ministre Charles Blé Goudé. Par ailleurs la Constitution ivoirienne interdit qu’un ivoirien soit contraint à l’exil. Ce sera une violation de leurs droits de soumettre leur retour à une quelconque condition.

7) Enfin, ils ont retrouvé leur liberté d’expression, quitte seulement à garder leur réserve sur l’affaire, en plus de ne pas approcher les victimes et les témoins et d’être obligé de se présenter chaque fois que la CPI le demandera.

De Grah Ange Olivier (Juge)

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