Dans le collimateur du pouvoir/Ce qui est reproche a « Commandant Tracteur »
Figure des Forces nouvelles, proche de Guillaume Soro, Salif Traoré, alias Commandant Tracteur, est aujourd’hui dans le collimateur de la gendarmerie. Mais depuis le 13 octobre, il reste introuvable. En toile de fond, le rôle qu’il a pu jouer lors de la campagne des municipales, où il soutenait Téhfour Koné à Abobo…rapporte Jeune afrique
Salif Traoré est-il en cavale ? Il n’a, en tout cas, pas regagné son domicile d’Attoban, à Abidjan, depuis une dizaine de jours. S’il est peu connu du grand public, cet ancien chef de guerre charismatique, connue sous le surnom de Commandant Tracteur, fut une des figures importantes de la rébellion des Forces nouvelles (FN) et participa activement à la prise d’Abidjan lors de la crise poste électorale de 2010-2011. Ce n’est pas un militaire gradé, mais il fut pendant quelque temps chargé de la question des ex-combattants par le ministère de la Défense.
Ses ennuis ont commencé au soir des élections municipales et régionales du 13 octobre. En milieu de soirée, Salif Traoré quitte Abobo accompagné par neuf proches. Son convoi, composé de deux véhicules, tombe dans un énorme embouteillage au niveau d’un carrefour très fréquenté quand une cinquantaine de jeunes, certains armés de machettes, commencent à l’encercler. Selon une personne présente au moment des faits, il s’agissait de « membres d’un syndicat de transporteurs [ces groupes qui gèrent les gares de transport à Abidjan, ndlr] ». Des éléments de la FRAP – une unité de la police – et de la gendarmerie observaient la scène, assurent plusieurs sources.
Détention illégale d’armes
La tension monte rapidement. Il fait nuit et la foule est nombreuse. Se sentant directement visé, Tracteur profite d’un moment de confusion pour s’enfuir. Mais six personnes, dont son chauffeur et son garde du corps, sont appréhendées et remises à la police. Après avoir été maintenues en détention pendant dix jours au camp d’Agban, à Abidjan, cinq d’entre elles sont déférées à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) le 23 octobre, pour trouble à l’ordre public et détention illégale d’armes – deux armes à feu et un couteau ayant été retrouvés dans l’un des véhicules.
Depuis, s’il n’est officiellement pas visé par l’instruction, Salif Traoré est en fuite. Et certains de ses proches disent craindre pour leur vie. Convoqué le 15 octobre par la brigade de recherche de la gendarmerie, « Tracteur » a préféré se faire représenter par un avocat. Et quand les enquêteurs se sont présentés à son domicile, le 19, il ne l’y ont pas trouvé.
Que reproche-t-on à Commandant Tracteur ?
Contactée par Jeune Afrique, la gendarmerie s’est refusée à tout commentaire. Au ministère de la Défense, on indique n’avoir aucune information sur le sujet. « C’est encore très flou, mais il est clair que son rôle lors des municipales à Abobo y est pour quelque chose », assure toutefois une source judiciaire.
Plusieurs semaines avant le scrutin, Commandant Tracteur avait décidé de venir en aide au candidat indépendant Téhfour Koné, qui sera finalement battu par le ministre d’État Hamed Bakayoko. Tous deux originaires de la grande commune d’Abidjan, Traoré et Koné se connaissent bien. L’ancien chef de guerre est un proche de Guillaume Soro, tandis que l’enseignant de formation était soutenu par le président de l’Assemblée nationale lors de la campagne. Le jour du scrutin, Tracteur et ses hommes ont été vus dans les rues d’Abobo, notamment aux abords de certains bureaux de vote.
Ce n’est pas la première fois, depuis la fin de la crise post-électorale, que l’ancien chef de guerre est visé. En décembre 2014, il avait été arrêté et détenu pendant près d’un mois. De nombreuses armes avaient alors été saisies. Il était depuis sous étroite surveillance, certains membres de l’appareil sécuritaire le suspectant d’être lié aux mutinerie de 2017.
EKB avec Jeune afrique