Economie

Crise dans la filière café-cacao: Les avocats du Synap-CI dénoncent les pratiques mafieuses et annoncent des actions contre l’Etat de Côte d’Ivoire


Abidjan 30-04-2017 (lepointsur.com) Face à la crise qui secoue la filière café-cacao depuis quelques temps, Me Diarrassouba Mamadou Lamine a, au nom du Syndicat national agricole pour le progrès en Côte d’Ivoire (Synap-CI), animé une conférence de presse, vendredi 28 avril 2017, à Abidjan-Plateau, pour annoncer plusieurs actions contre l’Etat de Côte d’Ivoire et le Conseil du café-cacao (CCC).

Ci-dessous l’intégralité du contenu de son message.

Messieurs les journalistes et professionnels des médias,

Chers parents paysans de la filière café-cacao

Honorables invités et amis de la cause paysanne et notamment de la filière café-cacao

Merci d’être venus si nombreux

Cette conférence de presse et notre intervention de ce jour sont à la demande de notre client, le Synap-CI (Syndicat national agricole pour le progrès en Côte d’Ivoire) dont le Récépissé de dépôt n°22/DA/DGA/2007 a été publié au J.O. n°10 du 6 mai 2010. Tel. +22520220603, Fax 20220604, Site internet : www.synapci.org,

Le collectif des avocats ici présents : M. Diarrassouba Mamadou Lamine, M. Koki Hubert et la société civile professionnelle d’avocat Adou et Bagui le Synap-CI et les coopératives affiliées, lui-même représenté par son président, M.Koné Moussa, planteur de nationalité ivoirienne et l’ensemble de son bureau de même que le collectif des producteurs et planteurs de la filière café-cacao sur toute l’étendue du territoire national représenté par Monsieur Bilé Bilé et Monsieur N’ZI Yao Dinard.

Lors de notre précédente rencontre, le 07 avril 2017 dernier, las du mutisme et de l’indifférence de nos autorités face à nos revendications relatives à la mévente de nos produits lors de la première campagne de cacao et à l’absence de l’interprofession des planteurs au sein du Conseil café-cacao, comme recommandé par les textes de la réforme de la filière, nous avions promis d’engager des actions judiciaires.

Ainsi à ce jour nous avons entrepris les actions suivantes :

➢     Le 07 avril 2017 dépôt d’une requête aux fins d’ordonner un audit.

➢     Assignation aux fins d’installation de l’interprofession de la filière.

➢     Assignation aux fins d’ordonner un audit sur la gestion de l’organe de régulation du café-cacao de 2013 à 2016 ;

➢     Recours gracieux auprès du ministère de l’agriculture en vue de l’installation de l’organe de l’interprofession le 13 avril 2017 ;

Actions judiciaires à entreprendre

➢     Action en responsabilité et en réparation du préjudice né du blocage des mécanismes de commercialisation pendant la campagne du mois d’octobre 2016 à mars 2017

➢     Action en paiement du différentiel de la commercialisation du cacao de la grande campagne vendu à 700 francs CFA au lieu de 1100 francs CFA.

➢     Action en revendication de la propriété des producteurs et planteurs sur le fond de réserve

➢     Action pénale pour détournement contre les responsables de l’organe de régulation de la filière.

Démarches administratives et diligences

1 – courrier au Président du Conseil d’Administration du Conseil café cacao pour solliciter la satisfaction des revendications du Synap-CI le 2 mars 2017 ;

2- courrier au Président du Conseil d’Administration pour réitérer la demande du Synap-CI le 27 Mars 2017 suite au refus des usines de réceptionner le cacao avec ampliation au Ministre de l’agriculture et au Premier Ministre.

3 – Courrier adressé à Monsieur le Président de la république de Côte d’Ivoire le 28 mars 2017 pour solliciter son intervention.

4 – Courrier adressé au Directeur Exécutif, au Président par intérim du groupement des exportateurs de Côte d’Ivoire pour une audience en vue d’échanger sur les causes de la crise et les moyens d’y remédier le 03 avril 2017.

Cette rencontre n’a pas eu lieu.

5 – courriers d’information sur la crise adressés à

➢     L’Ambassadeur résident de l’Union Européenne en Côte d’Ivoire.

➢     Représentant résident du Fond Monétaire Internationale en Côte d’Ivoire.

➢     Représentant résident de la Banque Mondiale

➢     Directeur Exécutif de l’Organisation Internationale du Cacao

➢     Directrice Générale du Conseil café-cacao pour une tentative de conciliation

Sur le plan judiciaire ce sont là les actions qui ont été menées.

Aujourd’hui, nous allons vous entretenir, messieurs les journalistes et professionnels de la presse, des origines et causes de la crise de la filière café-cacao que nous vivons.

La situation est en effet grave. Même très grave et préoccupante pour les planteurs. Nous pouvons en effet vous annoncer dès aujourd’hui que la tendance baissière de la dernière campagne va se poursuivre l’année prochaine. Et qui sait, peut-être encore pendant deux ou trois autres campagnes. Ce ne sera pas bon pour les planteurs, ce ne sera pas bon pour la Côte d’Ivoire. Autant le dire tout net.

L’attitude du Conseil du café-cacao est pour le moins scandaleuse.

Nous rappelons que le Conseil du café-cacao a délibérément obstrué la commercialisation du cacao pendant la grande campagne d’octobre 2016 à fin mars 2017 pour des raisons inavouées et certainement inavouables.

Le Conseil du café-cacao suspendait en effet son mécanisme de vente par anticipation.

C’est l’enlisement pour les planteurs :

Les planteurs arrivaient aux portes des usines de collecte et de vente agrées avec leurs cargaisons de produits sans pouvoir les décharger.

Pourtant le Conseil du café-cacao effectuait préalablement et validait le connaissement électronique.

En conséquence, depuis plusieurs mois, d’innombrables stocks de cacao restaient en rade dans les ports, se couvrant de moisissure dans des camions immobilisés en attente de déchargement.

Le conseil du Synap-CI avait fait constater par voie d’huissier des camions non déchargés dans plusieurs villes du pays dont San Pedro, Man, Soubré, Daloa, Guiglo, Duékoué, Séguéla…

Partout le même désastre, la détresse sur le visage des producteurs.

Le coût d’immobilisation de centaines de camions depuis plusieurs mois dans les ports d’Abidjan et de San Pedro dépassait les capacités de règlement des planteurs ;

A cela s’ajoutaient des frais annexes, notamment le prix du gardiennage prolongé des produits et des camions.

Les planteurs étaient la proie d’acheteurs peu scrupuleux, prompts à les dépouiller de leurs récoltes par l’achat à vil prix.

En somme, les différents désagréments sus cités se poursuivent à ce jour au grand dam des paysans et producteurs.

Dès lors que la présente campagne, intermédiaire, voit les stocks invendus venir sur le marché pour être vendus en deçà de leur valeur. Plus clairement, les stocks de cacao qui devraient plus tôt être vendus à 1.100FCFA/kg sont au final vendus à 700FCFA/kg, voire moins.

La décision du Conseil du café-cacao d’autoriser la commercialisation du cacao dans de telles conditions scabreuses interpelle. Par quelle alchimie dont le Conseil du café-cacao a sûrement seul le secret est-on parvenu à un résultat aussi honteux ? Les décisions sont prises au mépris des producteurs, exclus des instances de décision ou dépourvus d’organisation interprofessionnelle.

La pilule d’une vente à perte pour les producteurs, ou d’un dumping orchestré, ne passe pas. Elle ne peut passer. D’autant plus que la baisse du prix du cacao était prévisible, en raison notamment de la surproduction voulue et entretenue par le Conseil du café-cacao.

La baisse du prix du cacao, suite à la surproduction, aurait dû en effet intervenir plus tôt. Peut-être deux campagnes plus tôt. L’Union européenne, le plus gros consommateur de ce produit, a quelque peu retardé cette baisse lorsqu’il y a deux ou trois ans, elle a enjoint les chocolatiers européens de passer de 33% de part de cacao sur chaque barre de chocolat à au moins 60%.

Voilà qui aurait pu déjà nous alerter.

Plus grave, cette surproduction a été organisée sur notre propre sol. D’abord nos réserves et forêts classées sont de grandes pourvoyeuses de cacao illicitement cultivé et illicitement commercialisé. Deux exemples :

1.- Sur le Mont Péko, à l’ouest du pays, à la faveur des événements de 2002, on sait que des infiltrés ont illégalement occupé et cultivé une grande partie des 34.000 hectares de cette forêt classée. On y a surtout planté du cacao. En 2013 lorsque les occupants illégaux en ont été déguerpis, les plants de cacao ont continué de produire d’année en année.

A priori, plus personne, depuis le déguerpissement, n’était autorisée à rentrer dans la réserve du Mont Péko. Qui donc a organisé l’entretien, la récolte, le traitement et le transport de sa production ? C’est ici que s’installent les pratiques mafieuses. En effet, sous la menace de dénonciation ou sur le prétexte de production provenant de terres non réservées à la culture du cacao, l’on s’est accaparé de ce cacao à des prix non homologués. Sorti nuitamment ou avec la complicité d’agents véreux des eaux et forêts, ce cacao est mélangé et brassé pendant son transport avec du cacao propre avant d’arriver dans nos ports. Et c’est généralement lorsque cette source de production est tarie que l’on va chercher le complément chez le producteur qui, lui, a légalement planté, récolté et traité honnêtement sa production.

La production du Mont Péko ne figure nulle part dans les statistiques officielles de production de cacao de la Côte d’Ivoire. Et pour cause.

Est-ce délibérément que l’on a fermé les yeux sur cette situation ? Où était le Conseil café-cacao ? Ignorait-il cet état de fait ? A qui profite le crime ? Ce qui est sûr, pas au brave planteur honnête.

  1. Maintenant, prenons le cas de Bianouan, un gros village du département d’Aboisso. Ce village est classé par le Conseil café-cacao, lui-même, comme celui produisant le plus grand tonnage de cacao. Et la meilleure qualité aussi. L’on sait que depuis le déplacement dans les années 60 de la production du cacao vers la boucle du cacao au centre du pays puis aujourd’hui vers l’ouest, la culture de ce produit n’a guère retrouvé ses allures d’antan. Les plantations ont vieilli et peu ont été rajeunies. Et pourtant, d’année en année Bianouan maintient et améliore ses performances. Ceci grâce à une production qui provient au su et au vu de tout le monde d’une forêt protégée de la région de Bétié à une dizaine de kilomètres un peu plus au nord du village. Les pratiques sont les mêmes : le produit sort nuitamment et est mélangé en cours de route avec les récoltes d’honnêtes paysans de la région. Le Conseil café-cacao, la structure de régulation qui sait reconnaître les pourvoyeurs de grands tonnages ignore-t-il la provenance de ce cacao ?

Pour ces deux cas uniquement, l’on estime la production non officielle de l’Etat de Côte d’Ivoire à environ 300.000 tonnes, soit plus que la production entière du Nigéria classé 5ème producteur mondial de cacao.

Une autre raison et non des moindres de la surproduction du cacao cette année, est indubitablement l’introduction il y a un peu plus d’une dizaine d’années par le groupe Nestlé, par ailleurs premier producteur mondial de chocolat, de la variété de plant dit « cacao Mercedez ». Qu’est-ce-à-dire ? Cette variété commence à produire à partir de 18 mois contre 2 à 3 ans pour les plants ordinaires. De plus, son rendement à l’hectare est de 1 à 2 tonnes contre 800 kg pour les plants ordinaires. Aujourd’hui ces plants ont atteint leur maturité et sont au mieux de leur rendement.

Voilà comment le pays a organisé la surproduction et partant encouragé la spéculation sur le produit phare qui soutenait le développement du pays à raison de 15 à 20 % de contribution aux recettes d’exportation.

Voilà pourquoi nous estimons que la surproduction est organisée à l’intérieur de notre pays sous le couvert de nos légèretés, de notre manque de lucidité et de la cupidité de beaucoup de nos opérateurs dans la filière. D’une année à l’autre, nous sommes passés de quelque 1. 700.000 tonnes en 2016 à plus de 1.900.000 tonnes cette année, sans nous poser de questions. Les bonnes questions.

Cette crise est là pour durer et perdurer.

C’est faire montre d’une naïveté coupable que de penser que les importateurs européens ou américains vont, de bonne grâce, communiquer aux pays producteurs l’état réel de leurs stocks. Ils vont, pendant tout le temps que cela va les arranger, procéder par la méthode de l’achat au flux tendu, c’est-à-dire à l’achat à la petite semaine. Eux aussi ont des contraintes de frais d’entrepôt, de nantissement de produits et d’agios bancaires.

C’est la loi du marché. Et c’est normal.

C’est pourquoi,

–        qu’en attendant de pouvoir transformer sur place la production de notre cacao à concurrence de 50% au moins de la production, afin d’en tirer le meilleur profit sur les plans de l’industrialisation et de la création d’emplois,

–        qu’en attendant de pouvoir vulgariser la consommation nationale des produits issus de cacao et engranger des retombées sur les plans de la santé et des revenus,

–        qu’en attendant de conquérir les marchés des pays émergents et ainsi allonger la liste de nos clients,

il est important de régulariser toute la production du cacao par une mise en conformité de tous les mécanismes de sa gestion dans l’esprit et la lettre de la réforme.

Toutes les parties prenantes et notamment l’interprofession des planteurs doivent être actives dans la gestion de la filière.

Voilà, Mesdames et messieurs, tout le sens que nous donnons, je vous l’annonce officiellement, à l’action judiciaire que nous mènerons dès le 08. Mai prochain. Ce jour là, en effet, nous assignons devant le juge en référé, l’organe chargé de la régulation de la filière café-cacao et de la stabilisation des prix du Café et du Cacao, ci-après dénommé « Conseil Café-Cacao » ou « organe de régulation du café-cacao » et L’Etat de Côte d’Ivoire d’avoir à comparaitre afin d’ enjoindre à l’Organe chargé de la régulation de la Filière Café-Cacao et de la stabilisation des prix du Café́ et du Cacao l’activation du processus de création de l’organisation interprofessionnelle de la filière café et cacao.

Cette injonction est assortie d’une astreinte de dix millions de FCFA (10.000.000 FCFA) par jour de retard.

Enfin, pour conclure, nous vous informons que le texte de la présente conférence de presse sera envoyé par courrier avec accusé de réception,

–        aux ambassades des pays africains et non-africains producteurs de cacao,

–        à l’organisation internationale du cacao,

–        aux représentants nationaux de la Banque Mondiale et du FMI,

–        au représentant national de l’Union européenne

–        à l’ambassade des Etats Unis d’Amérique

–        là ’ambassade de la Confédération Helvétique

–        à l’ambassade du Royaume Unie et d’Irlande

–        aux sièges respectifs de l’UNEP et de l’UICM

Je vous remercie.

 

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