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[Couvre-feu à Abidjan] Les forces de l’ordre sans moyens logistiques contre le covid-19


-Yopougon et Abobo en état de siège

Dans la nuit du samedi 28 au dimanche 29 mars, la secrétaire d’État chargée des Droits de l’Homme, Mme Aimée Zebeyoux Gbakrehonon, et les journalistes de la presse nationale et internationale ont effectué une patrouille conduite par le préfet de police d’Abidjan, Dosso Siaka, et ses hommes pour apprécier, dans deux grandes communes du district d’Abidjan, si les mesures relatives au couvre-feu sont respectées.

Il est un peu plus de 19h à la Préfecture de police d’Abidjan, samedi 28 mars. Sur la voie principale qui relie la commune d’Adjamé à celle d’Abobo, l’embouteillage nous empêche d’avancer. En cause, à 21hmin, soit dans moins de 2h, l’horloge sera au couvre-feu.

Le président de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, a décrété, lundi 23 mars, ‘’l’état d’urgence’’ et annoncé une série de mesures dont ‘’l’instauration d’un couvre-feu de 21 h à 5 h du matin à compter du mardi 24 mars, la fermeture de tous les maquis et restaurants à compter du même jour à minuit’’.

Sécuriser nos forces au plan sanitaire

L’adjudant Gouessé Zoh Lambert (debout) et son équipe reçoivent en temps réel toutes les informations au PC

Les forces de l’ordre jouent leur partition en invitant la presse à découvrir avec eux les réalités du terrain. Ce samedi, dans la salle de conférence de la Préfecture de police qui sert de lieu de briefing entre journalistes, les autorités policières et la secrétaire d’État chargée des Droits de l’Homme, Mme Aimée Zebeyoux Gbakrehonon, on constate que matériel pour les gestes barrières est partiel.

Quelques seaux à robinet avec du savon liquide pour le lavage des mains sont visibles un peu partout dans la cour.  À l’intérieur, aucun  masque n’est prévu pour les journalistes, encore moins de gel hydroalcoolique. « Nous avons reçu tout ce matériel, il reste à nous les fournir », rassure notre interlocuteur, le commissaire Kra Didier.

C’est dans ce contexte sanitaire peu sécurisant pour faire face à la propagation de la pandémie de la maladie à coronavirus (Covid-19) que la police, la gendarmerie, le Ccdo et les Faci, ont accueilli au environ de 22h, la secrétaire d’État chargée des Droits de l’Homme, Mme Aimée Zebeyoux Gbakrehonon. Tous ont affiché leur détermination à faire respecter le couvre-feu.

‘’Servir en respectant le droit humain’’

Au poste du centre d’appel, l’adjudant Gouessé Zoh Lambert et son équipe reçoivent en temps réel toutes les informations liées au couvre-feu, au passage des véhicules autorisés pour le couloir humanitaire, et aussi le comportement des forces de l’ordre sur le terrain.

Le préfet de police d’Abidjan, Dosso Siaka, explique à la secrétaire d’État chargée des Droits de l’Homme, Mme Aimée Zebeyoux Gbakrehonon, les dispositions et mesures prises pour mieux effectuer leur mission

Il est 22h40min, lorsque, interrogé sur la situation, Gouessé Zoh Lambert affirme que grâce à l’intervention de la police, dix gros camions et des véhicules, bloqués dans l’embouteillage peu avant l’entrée en vigueur du couvre-feu, ont pu rejoindre Abidjan.

22h52min, l’heure de la patrouille approche. Le préfet de police d’Abidjan, Dosso Siaka, informe les journalistes d’un ton ferme sur les consignes que les forces de l’ordre doivent obéir : ‘’Servir en respectant le droit humain’’. « Le couvre-feu, ce n’est pas que la sécurité, mais l’ouverture des couloirs humanitaires, la facilitation de la circulation des personnes en détresse, des femmes en couches, des ambulances, des corbillards…Nous devons aussi accompagner les retardataires chez eux », a-t-il indiqué. Insistant sur le rôle à jouer/tenir de ces différentes unités, Dosso Siaka leur a rappelé qu’il ne s’agit pas de brimer les récalcitrants, mais de les conduire à la préfecture de police puis les déférer devant le parquet. « Depuis le début du couvre-feu, nous avons déféré une trentaine de récalcitrants devant le parquet. Nous devons être fermes mais respecter les droits des citoyens. Notre mission, c’est de les servir pas de les brimer», a rappelé Dosso Siaka.

23h, le préfet de police donne, une fois de plus, les dernières consignes à toutes les unités au drapeau, lieu de rassemblement en présence de Mme Aimée  Zebeyoux Gbakrehonon. Puis, c’est le top départ d’une patrouille composée d’une trentaine de véhicules, qui nous conduira dans les différents quartiers des communes de Yopougon, Abobo et au Poste de commandement principal du ministère de la Sécurité et de la Protection civile au Plateau.

Juste à la sortie de la Préfecture de police à 23h03min, des premières victimes tombent sous le coup de la loi. Il s’agit d’une dame qui, affirmant être à ‘’Abobo derrière rail’’, sera accompagnée chez elle, quand un homme ivre, préférant se faire une couchette en pleine rue depuis 19h, sera conduit au poste de police.

Yopougon et Abobo en état de siège

Le cortège s’ébranle, déchire la nuit en direction de la commune de Yopougon. Aucun véhicule, d’engins roulant et de personnes en vue sur l’autoroute du nord jusqu’au corridor de Gesco. Pas un seul bruit assourdissant. Le vide nous envahi. Dans ce noir éclairé par la lumière des lampadaires, Yopougon, la commune de joie fait peur. Escale au carrefour du quartier Diallo, non loin de la BAE, aux encablures du CHU de Yopougon, nous tombons sur une dame en travail dans un mini-car de fortune, communément appelé gbaka. Leur ‘’ambulance’’ est escortée jusqu’à son lieu d’accouchement par la police. « Elle accouchera d’un bébé de couvre-feu », renchérit à voix basse la secrétaire d’État aux Droits de l’homme.

L’une des personnes retrouvées complètement ivre et endormi dans la rue

Quartier Maroc, la boulangerie ‘’La Baguette’’ est ouverte. Les vigiles sont assis à la devanture comme si on était dans un État normal. « Vous pouvez continuer à fabriquer le pain, mais il faut rabattre les stores, et vos vigiles doivent être à l’intérieur pour respecter le couvre-feu », conseille le préfet de police.

Quelques cas de personnes ivres ou débiles tomberont sous le coup de la loi, à Yopougon, mais seront traitées selon la mesure arrêtée.

Dans la commune d’Abobo, le couvre-feu a été largement suivi. C’est un silence de cimetière total avec des barrages de police par endroit.

Au Poste de commandement principal du ministère de la Sécurité et de la Protection civile au Plateau, les hauts gradés de la police sont là avec le directeur général de la police, Youssouf Kouyaté. En face d’eux, ils suivent tous les mouvements des populations et des patrouilles à travers le district d’Abidjan sur un écran géant fractionné en 18 parties.

Le commissaire de Police de 2e classe, Toka Louis Amedé, explique aux journalistes leur mission. « Nous appelons les numéros d’urgence et le centre d’appel invite les services de police pour assistance », a-t-il résumé.

Au nom du gouvernement, Mme Aimée  Zebeyoux Gbakrehonon a félicité les forces de l’ordre et les a invité au ‘’stricte respect des mesures arrêtées’’, surtout ‘’au respect du droit des personnes tombées sous le coup de la loi’’.

Par ailleurs, le point du suivi du couvre-feu de la nuit du samedi 28 au dimanche 29 mars 2020 fait état de 51 personnes interpellées pour violation du couvre-feu, 7 personnes assistées pour des urgences médicales et 1 corps enlevé (décès à naturel à domicile à Koumassi Sopim pour la morgue de l’hôpital).

Face à cette guerre sanitaire que mène le monde entier, les forces de l’ordre ivoiriennes sont prêtes pour mener la bataille. Seulement, il s’agit d’un ennemi invisible qui ne demande pas des armes de pointe, mais des moyens logistiques (masques, gants et gel hydroaclcoolique) pour s’en prévenir et assurer la sécurité des personnes et des biens.

Sériba Koné 

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