[Côte d’Ivoire/Week-end dramatique à Abidjan] «Les vieux et vieilles, les adultes d’aujourd’hui ont tort d’accabler les jeunes», la chronique de Fernand Dédeh
Abidjan, 26-05-2020 (lepointsur.com) À Barthelemy Zouzoua Inabo
Contribution à un débat de société qui ressurgit après le week-end dramatique à Abidjan et qui continue de secouer la conscience nationale : les jeunes d’aujourd’hui ! Ils sont accablés de toutes parts, décrits à grands traits par des bien-pensants qui découvrent subitement, ce qu’ils appellent « la crise générationnelle » ! La Côte d’Ivoire compte de nombreux sociologues et des spécialistes dans tous les domaines scientifiques pour saisir ce concept.
“Les jeunes d’aujourd’hui sont les enfants ou petits-enfants des « grotos », maîtresses, grilleurs d’arachides, d’hier. La réussite par la courte échelle, par l’enrichissement illicite pour la plupart, les détournements des biens publics, la corruption’’
Mais disons modestement les choses comme elles nous apparaissent : qui sont en réalité les jeunes d’aujourd’hui ? Et pourquoi la Côte d’Ivoire semble marcher sur les valeurs qui fondent la vie en communauté, sa réalité sociale et cultuelle ?
Les jeunes d’aujourd’hui ne sont pas sortis de terre ex-nihilo. Ils les produits et sous-produits, les enfants et petits-enfants d’une acculturation, d’une culture hybride, des habitudes cinquantenaires de l’insouciance, de l’inconséquence, de l’incompétence, des contre-valeurs. D’un mode de vie incohérent.
Les jeunes d’aujourd’hui sont les enfants ou petits-enfants des « grotos », maîtresses, grilleurs d’arachides, d’hier. La réussite par la courte échelle, par l’enrichissement illicite pour la plupart, les détournements des biens publics, la corruption. Ceux que le père fondateur appelaient « les milliardaires endettés. ».
“Les jeunes d’aujourd’hui sont les produits d’une société qui a glissé sensiblement vers les anti-valeurs, avec des parents qui pour la plupart, ont abandonné l’éducation de leurs enfants aux nounous ou aux enseignants’’
Les jeunes d’aujourd’hui sont nos « papitou », « manitou », nos « Adodogoudougada », qui ne connaissent pas la route de nos villages et nos régions, dont les modèles sont ailleurs, à la télévision, dans les « people », dans les porteurs de tenues excentriques.
Qui s’étonne alors qu’ils soient adeptes des boissons énergisantes et autres drogues dures ?
Les jeunes d’aujourd’hui sont les produits d’une société qui a glissé sensiblement vers les anti-valeurs, avec des parents qui pour la plupart, ont abandonné l’éducation de leurs enfants aux nounous ou aux enseignants.
“L’argent à tous les prix, l’exhibitionnisme, les contorsions diverses, le mensonge permanent, l’opportunisme, sont aujourd’hui les choses les mieux partagées. Ou bien nous marquons ensemble un arrêt pour stopper l’hémorragie ou nous regardons la société couler, fondre’’
Les vieux et vieilles, les adultes d’aujourd’hui ont tort d’accabler les jeunes. Ils ont raté ou grillé un maillon dans la transmission de la chaîne de générations. Ils sont responsables de l’inversion des valeurs qui brûlent aujourd’hui les bases de la société.
L’argent à tous les prix, l’exhibitionnisme, les contorsions diverses, le mensonge permanent, l’opportunisme, sont aujourd’hui les choses les mieux partagées. Ou bien nous marquons ensemble un arrêt pour stopper l’hémorragie ou nous regardons la société couler, fondre. Les lamentations, les complaintes individuelles ou collectives, les émotions sélectives n’y pourront rien.
Les artistes décrivent très souvent avec des mots durs ou l’humour qui les caractérisent, l’évolution de la Côte d’Ivoire. Il faut souvent les écouter. Pour changer de fusil d’épaule ou alors foncer dans le tunnel des incertitudes !
Attention l’école a repris à Abidjan et la météo parle de risques d’inondations. Soyez prudents !
Fernand Dédeh, journaliste indépendant