[Côte d’Ivoire/Participation des jeunes au processus électoral] La lettre de 118 organisations et fédérations de jeunesse à Ouattara
LETTRE OUVERTE DE 118 ORGANISATIONS ET FÉDÉRATIONS DE JEUNESSE A SON EXCELLENCE MONSIEUR ALASSANE OUATTARA, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE
Excellence Monsieur le Président de la République,
C’est avec un immense honneur et beaucoup d’émotions que nous, jeunes, membres de cent dix-huit (118) organisations, fédérations, associations, institutions, mouvements et syndicats de jeunesses issus de la société civile et des partis politiques de Côte d’Ivoire, réunis au sein de l’Initiative « Pour Chaque Jeune, Une Voix », vous adressons cette lettre ouverte pour porter à votre connaissance la situation des jeunes quant à leur participation effective aux processus électoraux dans notre pays.
Excellence Monsieur le Président,
Comme vous le savez, l’année 2020 est une année importante pour la jeune démocratie ivoirienne, eu égard au processus électoral actuellement en cours, et surtout à votre décision historique de ne pas briguer un troisième mandat.
Pour mener à bien ce processus, vous avez engagé le Gouvernement à œuvrer à une meilleure tenue des élections et à la participation effective des populations, en particulier des jeunes que vous avez invités, lors de votre adresse à la Nation du 31 décembre 2019, à se faire enrôler dès le lancement du processus, pour faire entendre leur voix durant cette année électorale.
Ayant entendu votre appel, nous, jeunes, avons décidé de prendre nos responsabilités dans l’avenir de la Côte d’Ivoire. Car l’avenir de la Côte d’Ivoire, c’est d’abord nous !
Cependant, nous constatons malheureusement que notre volonté à répondre à votre invitation est contrariée par les conditions actuelles liées à notre participation effective audit processus.
Excellence Monsieur le Président,
Avec plus de 77% de la population ivoirienne ayant moins de 35 ans, et, des jeunes de 16-34 ans représentant 36,2% de la population totale (RGPH 2014), vous conviendrez avec nous que des élections réussies passent nécessairement par une présence massive des jeunes sur la liste électorale.
En effet, suite à la révision de la liste électorale de 2018, une analyse de la Plateforme des Organisations de la Société Civile pour l’Observation des élections en Côte d’Ivoire (POECI) a révélé que les jeunes représentent 29% des 6 595 790 électeurs inscrits contre 40.4% de jeunes inscrits en 2016.
Fort de ce constat, une étude sur les raisons du faible taux d’inscription des jeunes sur la liste électorale, réalisée par le Réseau ivoirien des Jeunes Leaders pour l’Intégrité (RIJLI) en 2018, a attesté que la faible participation des jeunes aux processus électoraux est liée en grande partie aux difficultés d’ordre administratif et financier.
Par ailleurs, le Parlement ivoirien a adopté, en 2018, le projet de loi numéro 2018-863 instituant une procédure spéciale de déclaration de naissance, de rétablissement d’identité et de transcription d’acte de naissance, que vous avez promulgué le 19 novembre 2018.
L’exposé des motifs de ce projet de loi, devenu loi de la République de Côte d’Ivoire, sous le numéro 2018-863, en plus d’insister sur le caractère urgent de cette loi, mentionne que cette mesure tient compte de nombreuses préoccupations comme :
– Le nombre élevé de personnes non déclarées à l’État civil ;
– Le nombre élevé d’actes d’état civil détruits et non reconstitués ;
– Les difficultés d’accès aux services de l’état civil.
Excellence Monsieur le Président,
Au vu de cette situation, nous, jeunes, membres de l’initiative « Pour Chaque Jeune, Une Voix », avons entrepris une campagne de plaidoyer auprès des autorités politiques et administratives ivoiriennes pour faciliter les conditions d’une inscription massive des jeunes sur la liste électorale.
Depuis lors, Excellence Monsieur le Président, nous avons multiplié les actions auprès des institutions nationales et internationales, des organisations de la société civile dans l’espoir d’avoir une oreille attentive à nos préoccupations au plus haut niveau de l’État.
Excellence Monsieur le Président,
Nous voudrions saluer le lancement effectif de l’opération d’établissement de la Carte Nationale d’Identité (CNI) sur toute l’étendue du territoire national, et les dispositions prises par le Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation qui a annoncé l’application effective de la loi 2018-863, sur la période du 25 février au 1er mars 2020, et l’ouverture de cent dix-huit (118) centres d’enrôlement au titre de la généralisation de l’opération et la création prochaine de 509 guichets dans les communes et sous-préfecture.
Nous saluons également, l’annonce faite par le Gouvernement, lors du Conseil des Ministres du mercredi 26 février 2020, relativement à la mise en place de quatre mille (4000) unités d’enrôlement à terme sur toute l’étendue du territoire national.
Excellence Monsieur le Président,
Tout en saluant les efforts consentis par vous et l’ensemble du Gouvernement pour assurer l’accès de tous aux documents administratifs, par les dispositions susmentionnées, nous, jeunes du Groupe de Plaidoyer, demeurons inquiets.
Notre inquiétude réside dans les conditions d’application de ces mesures qui sont loin de répondre efficacement à nos préoccupations, eu égard aux défis qui nous attendent en ce qui concerne la satisfaction de onze (11) millions de demandeurs, aux nombres insuffisants de centres d’enrôlement pour la CNI (4000) en termes de prévision, au coût élevé de la Carte
Nationale d’Identité (5000 FCFA), ainsi qu’à l’insuffisance de communication autour du processus.
Nous pensons que ces mesures méritent d’être renforcées, en vue de répondre au mieux aux besoins des populations en général et spécifiquement aux aspirations des jeunes, conformément aux engagements pris par l’État de Côte d’Ivoire.
Excellence Monsieur le Président,
Nous, jeunes de Côte d’ivoire, réunis au sein du Groupe de Plaidoyer Jeunes, ‘’ Pour Chaque Jeune, Une Voix ‘’ menons ce plaidoyer auprès de vous en ultime recours afin que :
– Toutes les sous-préfectures et communes de Côte d’Ivoire soient dotées de centres d’enrôlements ;
– Les services d’enrôlement soient rapprochés des populations par l’augmentation du nombre de kits d’enrôlement mobile ;
– La loi N° 2018-863 instituant une procédure spéciale de déclaration de naissance, de rétablissement d’identité et de transcription d’actes de naissance soit effectivement appliquée conformément aux dispositions contenues dans ladite loi un (01) mois avant la révision de la liste électorale et que des campagnes de sensibilisation à grande échelle soient entreprises pour informer les populations ;
– Le dispositif de 509 guichets dédiés aux pièces de bases soit aussi renforcé ;
– Il soit garanti le principe d’équité en mettant fin aux systèmes de parrainage pour l’obtention des cartes nationales d’identité, en la rendant gratuite pour tous les citoyens selon votre pouvoir discrétionnaire ;
– Des dispositions préventives soient prises lors de la révision de la liste électorale pour que les certificats de nationalité, ou toute autre pièce identification fournie par l’ONECI. Mais aussi, que les opérations d’enrôlement pour la CNI et la Carte d’Électeur soient combinées, et ce sur une période d’au moins un mois.
– Les numéros verts soient mis à la disposition des populations pour signaler tout abus qui pourrait subvenir dans le cadre de cette opération.
Excellence Monsieur le Président,
Nous croyons fermement que la prise en compte de nos doléances favorisera la participation active et responsable des jeunes dans les processus électoraux et préservera ainsi les violences en période électorale.
Comme vous, Excellence, nous croyons également que ’’les bonnes perspectives économiques de ce pays doivent profiter en priorité à la jeunesse, car elle est notre plus grande force et notre richesse ’’.
Excellence Monsieur le Président, en tant que garant des institutions de l’État de Côte d’Ivoire et de l’épanouissement de chaque citoyen, nous vous invitons à considérer dans cette requête l’urgence de voir nos attentes connaître une issue favorable.
Fait à Abidjan le 9 mars 2020
Pour le Groupe de Plaidoyer Jeunes
«Pour Chaque Jeune, Une Voix»
Les 118 organisations et fédérations de jeunesse ivoiriennes