[Côte d’Ivoire La dépénalisation des délits de presse] Les anciennes habitudes ont la peau dure
Le régime juridique de la presse voté à l’unanimité par les députés ivoiriens le 21 décembre 2017, qui a inscrit la dépénalisation des délits de presse, l’exclusion de la garde à vue, la détention préventive et l’emprisonnement, pour les infractions commises par voie de presse ou par tout autre moyen de publication a été vite applaudi par les journalistes et la société civile.
C’est une simple vue de l’esprit, voire un slogan pour montrer aux yeux de la communauté internationale la bonne santé du progrès démocratique.
Et pour cause, la consœur Nesmon De Laure a été la première à payer les frais le vendredi 5 avril 2019, pour avoir voulu faire une interview avec l’activiste, Franco-Béninois, Stellio Gilles Robert Capo Chici dit Kémi Séba.
Non seulement, elle sera menacée par un appel de surseoir au projet d’interview, mais elle sera convoquée et auditionnée durant plus de 5 heures dans les locaux de la préfecture de police d’Abidjan.
Après une longue et pénible journée (une garde à vue maquillée), elle n’a dû son salut qu’à la forte mobilisation des organisations professionnelles de la presse, des bloggeurs et de la société civile.
Trois mois plus tard, c’est le confrère Marcel Dezogno, journaliste au groupe Cyclone, éditeur des journaux proches de Laurent Gbagbo et du FPI (parti de l’opposition) : Le Temps et LG Infos qui est interpellé et gardé à vue.
Il s’est trouvé au mauvais moment, au mauvais endroit dans sa quête d’information.
En effet, Samba David, le coordonnateur de la Coalition des indignés de Côte d’Ivoire(Cici) et certaines organisations de la société civile dont celle présidée par Pulcherie Gbalet de l’Alternative citoyenne ivoirienne (ACI) avait manifesté le désir de faire un sit-in devant le siège de la Commission électorale indépendante (CEI) pour protester contre la réforme de la CEI et d’autres projets de loi votés récemment à l’Assemblée nationale, avant de reporter leur projet.
En dépit de ce report, ces organisations de la société civile ont été conviées à une rencontre à la CEI. En lieu et place des échanges, ils seront interpellés avec le journaliste Marcel Dezogno, puis conduits à la préfecture de police d’Abidjan où ils passeront une nuit.
Pour se défendre de l’arrestation arbitraire, illégale et injustifiée du journaliste, notre source policière indique que la manifestation était annulée, et que seuls les membres de la société civile devraient être reçus à l’intérieur par les responsables de la CEI et que le journaliste se serait présenté comme étant de la société civile.
Joint par téléphone, le directeur de publication, Gbané Yacouba a démenti l’information. « Il a présenté son badge de journaliste, mais la police n’a pas voulu le relaxer pour qu’il ne divulgue pas l’information », indique-t-il.
Pour quel motif la police interpelle-t-elle des membres de la société civile invitée à une rencontre, alors que ces derniers ont reporté leur sit-in ? Le motif de la détention du journaliste est-il valable, même s’il ne s’est pas présenté en tant que tel ?
Pour triste mémoire, dans l’ancienne loi, l’emprisonnement était exclu, mais le Parquet a souvent usé des failles dans la formulation du texte pour maintenir des journalistes en garde à vue ou en détention préventive, arguant que la loi le permettait. Nous ne sommes pas encore sortis des sentiers obscurs des lois tordues.
Le moins qu’on puisse dire, rien ne peux expliquer la détention du journaliste, qui était dans l’exercice de son métier.
Sériba Koné
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