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[Côte d’Ivoire/Interview] Sylvain Namoya (Ex-journaliste à Frat-Mat) : « On refuse de payer nos droits…. »


Yamoussoukro, 24-6-2019 (lepointsur.com) Près de huit mois après son licenciement pour ‘’motifs économiques’, Sylvain Namoya ancien journaliste au quotidien Fraternité Matin sort de son silence. Dans cette interview, il parle de sa nouvelle vie professionnelle.

Que devenez-vous, près de huit mois après votre départ de Fraternité Matin,le journal pro-gouvernemental ivoirien, pour des ‘’motifs économiques’’ ?

Je vais très bien. Dieu merci. Chaque jour, Dieu garantit mon pain quotidien. Car, c’est lui qui a dit que les oiseaux qui ne moissonnent pas mangent, ce n’est donc pas nous, hommes, qui moissonnons, qui allons mourir de faim.

Le 18 décembre 2018, à la veille de Noël, je fais partie en effet, des 123 travailleurs de Fraternité Matin, renvoyés pour motifs dits économiques, mais si je persiste à dire, haut et fort, que j’étais une tête à couper qu’on a juste ajouté à la liste. Mais permettez-moi de ne pas en dire plus, pour l’instant. Je peux seulement vous informer que sur les 11 journalistes renvoyés, nous sommes cinq travailleurs sociaux (syndicalistes et délégués de travailleurs). Estimant que nous avons été abusivement renvoyés, sur injonction de l’Inspection du travail d’Adjamé (on en parlera un jour), nous avons fait un recours hiérarchique. C’est-à-dire que nous avons saisi le ministère de l’Emploi et de la Protection sociale, dirigé par M. Pascal Abinan, pour dénoncer ce renvoi qui s’est fait au mépris des règles les plus élémentaires qui régissent les syndicats dans notre pays. Mes camarades ont déposé leurs courriers autour du 23 décembre 2018.

Le mien a été déposé le 28 décembre de la même année. Quatre mois après, le ministère de l’Emploi et de la Protection sociale a intimé l’ordre au Directeur général de Fraternité Matin de réintégrer les quatre journalistes qui avaient déposé leurs dossiers, quatre à cinq jours avant le mien. La direction générale de Fraternité Matin décide, elle, d’intégrer deux journalistes sur quatre, c’est-à-dire Mme Marcelline Gnéproust et Hala Alakagni. J’appelle donc la direction générale du travail de ce ministère, quatre mois après le dépôt du courrier, de la suite donnée audit courrier. Grande a été ma surprise d’entendre qu’il n’y a aucune trace de mon courrier. Je décide alors de m’adresser au service courrier dudit ministère où j’ai déposé le courrier, à l’origine. Ô rage, ô désespoir ! le courrier portant le N°3018, déposé le 28 décembre 2018, n’a jamais quitté le cabinet du ministère pour la direction générale du travail qui a compétence pour traiter ce genre de courrier.

Qu’avez-vous fait par la suite ?

Il a fallu demander à mon interlocuteur du service courrier, de faire une nouvelle copie du courrier pour le déposer à la direction générale du travail. Ce qui a été fait le jeudi 25 avril 2019. Deux mois après, j’attends toujours. Je me prononcerai donc en temps opportun. Je ne sais pas pourquoi la décision devrait être différente de celle qui a été prononcée par le même service au profit de mes camarades syndicalistes et délégués Hala Alakagni, Mme Marceline Gnéproust, Presthone Brou et Théodore Sinzé.

Mais comment expliquez-vous que la direction de Fraternité Matin refuse d’intégrer des travailleurs alors que le ministère de l’Emploi et de la Protection sociale lui fait injonction de le faire ?

Je n’ai pas à expliquer. Je constate comme vous qu’il y a les uns et il y a les autres.

Pourtant, il semble que les droits de ceux qui n’ont pas été intégrés, ne sont pas payés ?

La dernière fois où j’ai échangé avec un d’entre eux, il m’a laissé entendre que la direction de Fraternité Matin est dans le dilatoire pour gagner du temps. Sinon leurs droits ont été calculés et portés à cette direction. Mais elle sait que si elle ne paye pas, il n’y aura rien. Si on n’était pas en Côte d’Ivoire, quand tu refuses l’injonction d’une autorité comme le ministère de l’Emploi et de la Protection sociale, la logique voudrait que tu payes alors les droits des travailleurs abusivement renvoyés. Mais bon… !

Je voudrais donc profiter de votre tribune, pour interpeller le gouvernement qui nous parle d’année du social alors que des travailleurs sont non seulement abusivement renvoyés mais on refuse de les dédommager. Comment font-ils pour nourrir leurs familles ? Dans un pays où il y a un médiateur de la République, les conflits communautaires ne sont pas les seuls qui doivent l’interpeller. C’est maintenant qu’il faut agir pour que les droits de ces travailleurs ivoiriens soient payés, sauf si on attend leur mort pour agir.

Mais alors que devenez-vous ?

Je suis journaliste et je suis dans ce métier depuis 1992 avec un intermède à la mairie de Grand-Bassam, auprès d’un grand commis de l’Etat : feu Jean Michel Moulod (2002-2011), (paix à son âme !) en tant que son responsable de la communication. J’ai créé mon journal en ligne : www.cotedivoire-today.net, que j’anime depuis quelques mois de Yamoussoukro, la capitale politique de la Côte d’Ivoire.

Nous connaissons les difficultés, surtout financières, des journaux en ligne. Vous installez à Yamoussoukro, n’accroit-il pas ces difficultés ?

Les difficultés sont inhérentes à la vie. Il faut les affronter et les surmonter. Moi, j’aime les défis. Les plus belles batailles, dit-on, se gagnent dans la durée, dans le temps. Je disais tantôt que j’ai passé neuf ans de ma vie dans la commune de la ville historique, Grand-Bassam, que nous nous plaisions à appeler ‘’la terre de rencontres des hommes et des idées’’. Yamoussoukro est une mine d’or, à explorer. Nos communes et nos Régions ont du potentiel. Personne n’en parle. Malheureusement, nos élus, qui sont en majorité des hommes politiques, pensent que quand ils sont passés à la télévision ivoirienne 1ère chaine, ils ont tout réussi. Beaucoup d’entre eux ignorent les nouveaux médias ; notamment les Réseaux sociaux. J’ai donc décidé de m’installer à l’intérieur du pays, pour leur servir de tribune afin de mieux communiquer et de donner plus de visibilité à leurs actions.

Tout est concentré à Abidjan comme si ceux qui sont à l’intérieur du pays n’en ont pas besoin. Ma conviction est forte : le développement de la Côte d’Ivoire passera D’ABORD par nos régions ou ne se fera pas. Ce n’est pas facile, je l’avoue. Car dès que vous abordez les élus, tous disent qu’ils ont des sites, des pages facebook…mais quand vous regardez, les dernières informations du site datent de l’antiquité. Tous, ont des responsables de communications qui sont en réalité et pour beaucoup, des ‘’appeleurs’’ de journalistes pour couvrir leurs activités. Malheureusement ces chargés de communication nous voient en concurrents, des gens qui viennent ravir leurs places, leur pain quotidien. On a beau leur expliquer que c’est pour les aider, leur donner un coup de main, beaucoup ne comprennent pas. L’autre difficulté réside au niveau des démembrements de l’Etat. Quand vous leur proposez une collaboration ou un partenariat pour les accompagner dans leurs missions de service public au profit des populations, la réponse tombe tout de suite : il faut le ok du ministre. Or, il est de notoriété publique que les ministres et autres institutions ou directions générales du pays ne répondent jamais aux courriers.

C’est la quadrature du cercle ! Beaucoup d’entre les chefs ou directeurs de service à l’intérieur du pays se roulent donc les pouces. Nous voulons promouvoir, par exemple le tourisme dans notre pays, à travers notre journal en ligne, vu l’extraordinaire potentiel dans tout le pays. Et je salue la décision du ministère de la Culture et de la Francophonie de promouvoir les festivals dans les régions ; tout comme l’implication du ministère du Tourisme et des Loisirs dans ces festivals. Malheureusement, il est impossible pour nous d’accéder à eux pour leur proposer notre accompagnement dans la promotion du tourisme dans nos régions. Nous avons couvert Paquinou, organisée par la mairie de Yamoussoukro en coordination avec la direction régionale du Tourisme, sans oublier Festourdim, le festival du tourisme de Dimbokro, organisé par Mme Liliane N’zué, Directrice départementale. Mais tout cela, de façon informelle, sans rien en attendre en retour. Ces différentes responsables nous disent tout le bien de l’apport de notre moyen de communication dans la promotion de ces activités, mas il faut le ministre ou le cabinet pour formaliser un partenariat gagnant-gagnant pour tous et c’est là notre véritable difficulté.

Votre site ne parle donc que du développement local ?

Non. Comme son nom l’indique, il parle de l’actualité politique, économique, sociale, cultuelle etc., surtout en Côte d’Ivoire, comme tout journal d’informations générales. Mais notre cœur de cible demeure les collectivités territoriales, le tourisme, la coopération bilatérale et l’intégration régionale.

Pour finir cet entretien…

Je voudrais dire aux conseilleurs régionaux et municipaux, aux responsables de l’Uvicoci et de l’Ardci, aux bailleurs qui interviennent dans le cadre des collectivités territoriales, aux Ambassades qui s’intéressent au développement local, à ceux qui gèrent les démembrements de l’Etat, principalement aux ministres de la Culture et du Tourisme…que cotedivoire-today.net est à leur disposition pour atteindre leurs cibles. Houphouët-Boigny, notre 1er Président, a dit qu’on peut servir à tous les postes, pourvu qu’on y mette son cœur. Je suis désormais installé dans la capitale politique, sa ville natale qui faisait tant la fierté des Ivoiriens, pour apporter ma modeste contribution au développement de mon pays. Une telle initiative mérite d’être encouragée pour créer des emplois pour nos jeunes et aider nos populations à être mieux informées pour aider à démentir cette parole biblique : ‘’mon peuple périt, faute de connaissance’’.

Nous avons décidé d’installer des correspondants dans toutes les Régions du pays et je voudrais féliciter déjà ceux de Daoukro, Dimbokro, Soubré, Daloa qui nous accompagnent bénévolement, sachant que nous n’avons pas de moyens. Je leur demande de garder espoir parce que je crois en ce projet pour des partenariats avec les communes et les régions du pays.

Entretien réalisé par Clémentine Touré (Une correspondance particulière)

 

 

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