[Côte d’Ivoire Entretien] Coulibaly Ibrahim Pépina (DG des Mines et de la Géologie) : ‘’Ce qu’il faut savoir’’
Abidjan, le 20-1er-2021 (lepointsur.com) Dans le cadre de l’enquête, intitulée ‘’L’octroi de l’autorisation d’exploitation pour or au cœur d’un scandale’’, publiée le 8 janvier 2021, nous avons échangé avec M.Coulibaly Ibrahim Pépina, directeur général des Mines et de la Géologie à son bureau en compagnie de ses collaborateurs. Nous vous proposons, dans cette seconde partie, les réponses à certaines de nos préoccupations envoyées par la direction de notre site dans le cadre de l’accès à l’information d’intérêt public et aux documents publics.
Quelle évaluation l’administration des mines fait-elle du manque à gagner de l’Etat dû à l’activité de l’orpaillage clandestin?
À l’image de toute activité illégale, l’orpaillage illicite cause un manque à gagner pour les caisses publiques. À ce jour, des études sont en cours pour évaluer avec précision le préjudice subi par l’État.
Quel est le nombre de sites identifiés et libérés à ce jour sur l’étendue du territoire? Et particulièrement sur le territoire de Daoukro ?
Entre 2014 et 2017, le nombre de sites récupérés sur l’ensemble du territoire est de 1083. Le point des déguerpissements durant cette période se présente comme suit:
Les opérations de déguerpissement se sont accentuées de 2018 à ce jour, avec la création de la Brigade de répression des infractions au code minier (Bricm). Ainsi, entre 2018 et fin décembre 2019, l’administration des mines a procédé au déguerpissement de 222 sites d’orpaillage clandestin. Puis, de janvier à fin août 2020, un nombre additionnel de 154 sites d’orpaillage clandestin ont été sommés de déguerpir.
À fin août 2020, nous évaluons donc à 1459 le nombre total de sites d’orpaillage clandestin libérés depuis 2014, sur l’ensemble du territoire national.
En ce qui concerne particulièrement la région de l’IFFOU, les statistiques relatives aux opérations de déguerpissement font état de 54 sites dont 7 dans le département de Daoukro.
Que gagne l’Etat à rationaliser cette activité?
La rationalisation de l’orpaillage revêt un enjeu majeur pour l’État. Elle permet de s’assurer que l’exploitation minière artisanale et à petite échelle se déroule selon les règles de l’art, en toute légalité et sans incidence majeure sur l’environnement humain et physique.
En un mot, la rationalisation de l’orpaillage permettra de s’assurer: du respect de l’environnement par les orpailleurs autorisés, de la préservation de la santé des populations; des gains fiscaux et financiers pour l’État, du développement local au profit des communautés impactées.
Existe-t-il des zones légalement occupées par des opérateurs?
Oui effectivement, le ministère en charge des mines a commencé depuis 2016 à accorder des autorisations d’exploitation minière artisanale et semi-industrielle sur l’ensemble du territoire national, aux opérateurs désireux d’exercer cette activité dans le respect des textes la réglementant.
‘’En somme, de 2016 à 2020, nous évaluons à 138, le nombre total d’autorisations d’exploitation délivrées par le ministère pour la petite mine, dont 92 pour le régime semi-industriel (AESI) et 46 pour le régime artisanal (AEA), l’or étant la substance la plus exploitée’’
À titre d’illustration, pour la seule année 2020, le ministre en charge des mines a déjà accordé vingt-six (26) nouvelles autorisations d’exploitation minière semi-industrielle (AESI) et vingt (20) nouvelles autorisations d’exploitation minière artisanale (AEA), toutes valables pour l’or.
En somme, de 2016 à 2020, nous évaluons à 138, le nombre total d’autorisations d’exploitation délivrées par le ministère pour la petite mine, dont 92 pour le régime semi-industriel (AESI) et 46 pour le régime artisanal (AEA), l’or étant la substance la plus exploitée. L’instruction des dossiers de demandes se poursuit et la délivrance des autorisations d’exploitation minière se fait avec célérité.
Quel point faites-vous des chantiers écoles?
Dans le but d’assurer l’encadrement des artisans miniers et de professionnaliser le secteur de la petite mine, à ce jour, dix (10) chantiers-écoles ont été ouverts sur l’ensemble du territoire national. Il s’agit des chantiers-écoles inaugurés respectivement:
À Bozi (Bouaflé), le 28 janvier 2019 ;
À Katiendé (Boundiali), le 26 juillet 2019 ;
À Loboville (Buyo), le 22 novembre 2019 ;
À Nangbokro (Daoukro), le 14 février 2020 ;
À Abradine (Yakassé-Attobrou), le 12 juin 2020 ;
À Tanguélan (Agnibilékro), le 13 juin 2020 ;
À Boré-Akpokro (Dimbokro), le 28 août 2020 ;
À Nébo (Divo), le 14 septembre;
À Souleymanekaha (dabakala), le 16 septembre;
et à Yao-Amoinkro (Sous-préfecture de Botro – région de Gbêkê), le 28
octobre 2020.
Ces chantiers-écoles ont une capacité de formation de près de 1000 artisans miniers par année. Le nombre total d’impétrants ayant achevé à ce jour leur formation dans les chantiers-écoles est estimé à 194 personnes dont 44 ont trouvé un emploi.
Quelle est la durée d’une autorisation artisanale et d’une autorisation semi-industrielle ?
L’autorisation d’exploitation minière artisanale (AEA) est accordée pour une période de deux (2) ans, renouvelable, et l’autorisation d’exploitation minière semi-industrielle (AESI), pour une durée de quatre (4) ans, renouvelable.
L’administration des mines a-t-elle un droit de regard, un contrôle sur ces autorisations?
Oui, cela fait partie des missions régaliennes de l’administration des mines. Ces contrôles inopinés ou réguliers peuvent se faire aussi bien par les structures déconcentrées de l’administration des mines (Directions régionales et départementales) que par l’administration centrale.
‘’Le nombre total d’impétrants ayant achevé à ce jour leur formation dans les chantiers-écoles est estimé à 194 personnes dont 44 ont trouvé un emploi.’’
Lesdits contrôles portent sur le respect des normes minières, fiscales, environnementales et sociales.
Quel point peut-on faire sur l’orpaillage dans la zone de Daoukro ?
Comme précédemment indiqué, la région de l’IFFOU a fait l’objet de plusieurs opérations de déguerpissement qui ont permis de démanteler 54 sites clandestins, dont 7 dans le département de Daoukro. Ces opérations se sont soldées par des arrestations d’orpailleurs illicites et des saisies de minerais et de nombreux matériels et équipements ayant servi à la commission du délit d’exploitation illicite.
L’orpaillage illicite a-t-il cessé ou est-il toujours actif?
Malgré tous les efforts consentis pour l’endiguer, force est de constater que le phénomène de l’orpaillage illicite persiste, même s’il est en train d’être contenu grâce aux efforts du gouvernement.
On parle de complicité dans l’administration des mines. Qu’en savez-vous?
Des orpailleurs illicites bénéficient de complicités au niveau de la population. Concernant les agents des mines, laissez-moi vous rassurer qu’ils sont tous désormais assermentés et ont la qualité d’Officiers de police judiciaire (OPJ). En tout état de cause, sachez que toute personne, quelle que soit sa qualité, mise en cause, avec preuves à l’appui, dans des faits d’orpaillage clandestin, se verra appliquer la loi dans toute sa rigueur.
Comment constituer un dossier de demande d’autorisation en artisanal et semi-industriel ?
Tout dossier de demande d’autorisation d’exploitation minière artisanale ou semi-industrielle doit, sous peine d’irrecevabilité, comprendre un certain nombre de documents administratifs et techniques dont la liste est déterminée par les articles 52 et 69 de l’arrêté N°0002/MIM/CAB/DGMG du 02 janvier 2016 relatif aux procédures d’instruction des demandes d’autorisations et de titres miniers. Ces documents permettent à l’administration des mines d’établir l’identité et de s’assurer des capacités techniques et financières du demandeur. Cette liste est disponible auprès des services de l’administration des mines à Abidjan ainsi qu’auprès des services déconcentrés de l’administration des mines.
‘’Des orpailleurs illicites bénéficient de complicités au niveau de la population. Concernant les agents des mines, laissez-moi vous rassurer qu’ils sont tous désormais assermentés et ont la qualité d’Officiers de Police Judiciaire (OPJ)’’.
Outre les documents administratifs et techniques exigés pour l’obtention d’une autorisation, l’Administration des mines s’assure, dans l’instruction, du respect des zones d’interdictions (forêts classées ou sacrées, cours d’eaux, etc.).
Point clé à noter également, le site objet de la demande doit être disponible sur le cadastre minier avant l’acceptation (recevabilité) du dossier par l’administration des mines.
Il y a eu un souci sur un site minier entre les villages de Kouassi-DJétèkro et Anoumanbo dans le département de Daoukro. La population nous a dit qu’un opérateur y était installé (Good Gold) et par la suite, il a été remplacé par un autre K2 MINING OU ZS MINING. Que s’est-il réellement passé?
Comme indiqué précédemment, le département de Daoukro a fait l’objet de plusieurs opérations de déguerpissement au cours des deux dernières années. À l’issue de l’opération de déguerpissement d’avril 2019, le ministère des Mines et de la Géologie a décidé de tout mettre à plat et de créer un couloir minier couvrant les zones libérées, pour l’installation d’un chantier école et d’opérateurs disposant des capacités techniques et financières requises.
En raison de la création de ce couloir, toutes les demandes d’autorisation d’exploitation introduites sur cette zone sont devenues caduques ont, en conséquence, été retirées du cadastre minier par l’Administration des mines, en conformité avec la politique nationale de développement du secteur de la petite mine. Les opérateurs concernés par lesdites demandes ont été informés de cette décision et l’administration des mines leur a fait des propositions de relocalisation que la plupart ont saisies.
Aujourd’hui, le chantier école a bel et bien été installé à Nangbokro (Daoukro), à l’intérieur de ce couloir. Ce chantier école a effectivement démarré ses activités de formation depuis le 14 février 2020.
Par ailleurs, le processus d’attribution des autorisations d’exploitation à l’intérieur de ce couloir se poursuit dans le respect du code minier.
Comment l’administration des mines apprécie-t-elle la crédibilité des demandeurs d’autorisation d’exploitation minière?
Pour apprécier la crédibilité et le sérieux d’un requérant, l’administration des mines se réfère au respect des conditions prévues par la réglementation minière en vigueur. De plus, une enquête de moralité est diligentée par les structures compétentes de l’État en matière de lutte contre la fraude, le blanchiment des capitaux et la lutte contre le terrorisme.
Sur le site en question, il nous revient de façon récurrente le nom d’un individu dénommé Ablassé Ouédraogo. Nos informations font état de ce que le retrait des dossiers des premières sociétés déboutées par l’administration des mines aurait profité à cette personne, qui, dit-on, aurait fait de la prison à deux reprises.
L’administration des mines n’a, à ce jour, accordé aucune autorisation d’exploitation minière à une personne du nom de Ablassé Ouédraogo. Cela est vérifiable.
La société dépossédée avait beaucoup investi. Et finalement une autre lui a ravi la place. Que fait l’administration des mines pour soulager cette société?
Les opérateurs affectés par la création du couloir minier de Daoukro ont tous été invités à relocaliser leurs sites, avec l’appui de l’administration des mines pour faciliter leur réinstallation sur d’autres sites de leurs choix.
Est-ce cette situation qui fait que Daoukro n’est plus rattachée à la direction régionale de Dimbokro?
Non. La décision qui rattache désormais le département de Daoukro à la direction régionale des Mines et de la Géologie d’Abengourou, en lieu et place de celle de Dimbokro, n’est nullement liée à la situation que vous évoquez. Elle relève de l’arrêté N°0086/MMG/CAB du 16 septembre 2019 fixant la dénomination, le chef-lieu et le ressort territorial des directions régionales et des directions départementales des mines et de la géologie. Il s’agit d’une réorganisation interne au sein du ministère des Mines et de la Géologie, visant plus d’efficacité dans l’action des services déconcentrés du ministère. D’ailleurs, outre Daoukro, d’autres localités ont vu leur rattachement administratif changer dans le cadre de cette même réorganisation interne.
Mais, les notifications font cas de chantier-école. A l’arrivée, on se rend compte que c’est plutôt un opérateur qui est installé. Pourquoi?
D’abord, il n’a jamais été dit que le couloir de Daoukro servirait uniquement à l’installation d’un chantier-école. Nous l’avons dit plus haut, outre le chantier-école, le couloir délimité devrait servir également à l’installation d’opérateurs crédibles.
‘’L’administration des mines n’a, à ce jour, accordé aucune autorisation d’exploitation minière à une personne du nom de Ablassé Ouédraogo. Cela est vérifiable’’.
C’est cette dynamique qui a été lancée avec les premières attributions d’autorisations d’exploitation minière artisanale et semi-industrielle à l’intérieur de ce couloir. Mais le couloir est suffisamment large et peut abriter beaucoup d’autres opérateurs qui satisfont aux critères d’octroi d’une autorisation d’exploitation conformément à la réglementation minière.
Nous avons constaté au cours de notre mission une présence d’orpailleurs clandestins à Koviéssou. Avez-vous eu vent de cette information?
La Brigade de répression des infractions au code minier (Bricm) est l’organe du ministère des Mines et de la Géologie qui est compétent pour détecter et traiter tous les cas d’installation d’orpailleurs clandestins. Elle dispose en son sein de personnes qualifiées pour le renseignement sur l’ensemble du territoire national. À ce titre, elle suit tous les mouvements d’orpailleurs clandestins sur l’ensemble du territoire national, y compris donc la zone de Koviéssou.
Entretien réalisé par Sériba Koné
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