[Côte d’Ivoire Enquête] Scandale au niveau de l’octroi de l’autorisation d’exploitation de l’or
– Le ministère des Mines et de la Géologie dans l’œil du cyclone
Abidjan, le 08-1er-2021 (lepointsur.com) Des opérateurs économiques du domaine minier s’interrogeront longtemps encore sur le processus de l’octroi de l’autorisation d’exploitation pour or en Côte d’Ivoire.
Le cas de la parcelle N°0659 du 17 juin 2019, estimée à 99,30 ha dans les villages de Kouassi-Djétékro et d’Anoumabo dans la sous-préfecture de Daoukro, est édifiant.
Après avoir rempli avec ‘’avis favorable’’ les documents administratifs et techniques dont la liste est déterminée par les articles 52 et 69 de l’arrêté n°002/MIM/CAB/DGMG du 02 janvier 2016 relatif aux procédures d’instruction des demandes d’autorisations d’exploitation pour or et de titres miniers, les opérateurs économiques de Good Gold-CI et Africa Mines ont vu leurs demandes rejetées par le ministre des Mines et de la Géologie.
Pourtant, « ces documents, selon le directeur général des Mines et de la Géologie, Ibrahima Coulibaly Pepina, permettent à l’Administration des mines d’établir l’identité et de s’assurer des capacités techniques et financières du demandeur. » Mieux, rappelle-t-il, cette liste est disponible auprès des services de l’administration des mines à Abidjan ainsi qu’auprès des services déconcentrés de l’administration des mines.
« Outre les documents administratifs et techniques exigés pour l’obtention d’une autorisation d’exploitation pour or, l’administration des mines s’assure, dans l’instruction, du respect des zones d’interdictions (forêts classées ou sacrées, cours d’eau, etc.). Point clé à noter également, le site objet de la demande doit être disponible sur le cadastre minier avant l’acceptation (recevabilité) du dossier par l’Administration des mines », précise le DG des Mines et de la Géologie.
Son courrier du juin 2019 témoigne que la demande n’a ‘’relevé aucune objection’’: « Madame la gérante, par courrier enregistré à la direction générale des Mines et de la Géologie, sous le numéro 0659 du 17/06/2019 au guichet de réception du cadastre minier, la société Good Gold CI a sollicité auprès de l’administration des Mines une autorisation d’exploitation semi-industrielle pour OR dans le département de Daoukro portant sur un périmètre de 99.30 ha (…). L’instruction cadastrale des pièces constitutives du dossier et la disponibilité du périmètre sollicité à la date du 18/06/2019, conformément à la réglementation en vigueur, n’ayant relevé aucune objection, nous portons à votre connaissance que votre demande est recevable et sera transmise au service compétent pour la suite de l’instruction. Veuillez agréer, Madame la Gérante, l’expression de ma considération distinguée » écrivait-il.
Toutes les démarches accouchent d’un ‘’avis favorable’’
Nous vous proposons quelques avis favorables conformément à la réglementation en vigueur des démarches entreprises par les responsables de Good Gold CI et Africa Mines depuis 2017. Le 24 juin 2019, le directeur général de la Société de développement des forêts (Sodefor) va attester que la superficie de 99, 30 hectares sollicitée par les entreprises ne fait pas partie d’une forêt classée. Le directeur de la zone centre de l’Office ivoirien des parcs et réserves (Oipr) de Yamoussoukro, dans un courrier de réponse du 27 juin 2019, adressé au gérant de la société Good Gold CI, ne dira pas, lui aussi, le contraire. L’enquête de commodo et incommodo réalisée du mardi 13 août au mercredi 11 septembre 2019 relative à une demande d’autorisation d’exploitation semi-industrielle pour OR dans les villages d’Anoumabo et Kouassi-Djetekro par les autorités préfectorales de Daoukro seront également en faveur de la société minière. Le rapport de l’enquête de Coulibaly Zana Yaya, sous-préfet de Daoukro du 18 septembre 2019 est limpide. Le directeur régional du ministère de l’Equipement et l’Entretien routier, Kouakou Yao, va, lui aussi, dans son courrier du 31 octobre 2019, donner ‘’son avis favorable’’ à la sollicitation du préfet intérimaire de Daoukro pour la réalisation dudit projet. Le chef de cantonnement des Eaux et Forêts de Daoukro, dans son courrier du 31 octobre 2019, a apporté des précisions sur la superficie de terrain demandée et donné son avis favorable.
L’avis du directeur régional du ministère de l’Environnement et du Développement durable, dans son courrier du 6 janvier 2020, donne ‘’avis favorable’’ après avoir a été sollicité par le sous-préfet de Daoukro. Le 17 février 2020, la Commission interministérielle de validation du rapport de l’Etude d’impact environnemental et social du projet d’exploitation semi-industrielle d’or à Kouassi-Diétèkro, présenté par la Société Good Gold CI a émis, lui aussi, un avis favorable. Enfin, le 8 septembre 2020, le ministre de l’Environnement et du Développement durable a approuvé l’étude d’impact environnemental et social (EIES) du projet d’exploitation semi-industrielle d’or présenté par la société minière ‘’conformément au décret n°96-894 du 08 novembre 1996 déterminant les règles et procédures applicables aux Etudes d’impact environnemental’’.
C’est au terme de tout ‘’ce chemin de croix’’ doublé d’‘’avis favorables’’ et de signature de protocole d’accord entre les communautés villageoises concernées et les opérateurs économiques que l’autorité préfectorale d’alors a transmis les dossiers au cabinet du ministre en vue de l’octroi des autorisations.
Qui doit rembourser les 80 millions FCFA des opérateurs ?
Le 17 juin 2019, Brahima Coulibaly, le directeur de l’Information minière et du cadastre minier, adressait un courrier aux sociétés Good Gold-CI et Africa Mines, les invitant à verser à la caisse du régisseur des recettes auprès de la direction générale des Mines et de la Géologie, la somme de 500 000 FCFA (cinq cent mille francs CFA), soit 762,65 Euros. Cette somme a été enregistrée sous la quittance N°00038212 du 02-07-2019.
Trois mois plus tard, dans son courrier du 13 septembre 2019, le DG des Mines, Ibrahima Coulibaly va faire volte-face : « Monsieur le responsable, dans le cadre de la mise en œuvre du Programme national de rationalisation de l’orpaillage (Pnro), plusieurs mesures sont en cours d’exécution, dont notamment l’installation de chantiers écoles pour un meilleur encadrement de l’activité d’exploitation minière à petite échelle. Pour ce faire, l’administration des Mines a sélectionné des zones qui seront dédiées exclusivement à ces chantiers, et où les périmètres miniers feront l’objet de morcellement par mailles d’un kilomètre pour attribution aux populations riveraines et ivoiriennes désireuses d’exercer cette activité dans le respect de la réglementation minière. À cet effet, contrairement aux termes de mes lettres n°3481 du 18/06/2019 et n°3901 du 08/07/2019, j’ai le regret de vous informer qu’aucune suite favorable ne peut être réservée à vos deux (02) demandes réceptionnées en date du 17/06/2019 et celle du 01/07/2019 portant sur deux projets d’exploitation minière semi-industrielle dans la localité de Daoukro, l’une des zones ciblées pour cet important projet du gouvernement. En conséquence, je vous invite à retirer vos dossiers de demande d’autorisation qui sont impactés par la mesure susvisée. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Responsable de la société, l’expression de mon profond respect.»
Il revient à la charge, cette fois-ci, avec beaucoup plus de précisions, selon la volonté du ministre des Mines et de la Géologie dans un nouveau courrier datant du 10 janvier 2020 : « Monsieur le Gérant, à l’occasion de notre rencontre du mercredi 8 janvier 2020, tenue à la direction générale des Mines et de la Géologie, vous avez été informé de la volonté de M. le ministre d’installer dans le couloir délimité de Daoukro, des opérateurs miniers nationaux crédibles. Aussi voudrais-je porter à votre connaissance que vous pouvez, sur la base de la carte qui vous a été remise, identifier des sites d’intérêt que vous allez nous soumettre en vue de vous autoriser à les exploiter. Je vous rappelle que vos choix doivent éviter les zones déjà occupées et représentées sur la carte en couleur bleue et jaune. Par ailleurs, je voudrais compter sur votre retour annoncé pour le mardi 14 janvier 2020, afin de rendre compte à ma hiérarchie. Veuillez agréer, Monsieur le Gérant, l’expression de mes sincères salutations.»
La direction générale des Mines a-t-elle travaillé dans le dos du ministre sans faire de rapport pendant des mois sur le dossier? Qui va rembourser la somme de plus de 80 millions FCFA injectée par les opérateurs économiques dans cette affaire à plusieurs têtes ? Une chose est sûre, la demande obtenue par ZS Mining, K2M Mining et Mines Ivoire SA, répond à la volonté du ministre des Mines ‘’d’installer dans le couloir délimité de Daoukro, des opérateurs miniers nationaux crédibles’’. Une nationalité crédible qui n’a pas été prouvée par nos interlocuteurs au cours de notre enquête.
Le pouvoir au-dessus de la réglementation
Fort de ce que les opérateurs économiques ont respecté de la procédure d’instruction des demandes, conformément à la réglementation, leur réaction ne s’est pas fait attendre : « Monsieur le Directeur Général, (…) Tous les documents afférents ont été transmis au Cabinet du Ministre des Mines et de la Géologie par Monsieur le Préfet de Daoukro en vue de l’octroi des autorisations. L’ensemble des étapes de l’instruction de ces demandes nous a coûté plus de quatre-vingt millions (80 000 000) de franc CFA. Tous les documents justificatifs de ces dépenses sont disponibles pour attester nos affirmations. Au regard de tout ce qui précède, mes partenaires et mandants réfutent toute idée de choix de parcelles autres que celles pour lesquelles nous avons déjà fait des investissements. Par ailleurs, tout en réitérant notre ambition d’être un acteur modèle du secteur de l’exploitation minière semi-industrielle, nous prions l’Administration des Mines de nous accompagner en reconsidérant nos demandes déjà instruites et nos efforts financiers mis en œuvre. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur général, l’expression de ma considération distinguée.»
Rencontrée à Daoukro, Mme la préfète, Sonan Aka Julie épouse Kablan nous a fait savoir que c’était un dossier qui avait été traité et rejeté avant son arrivée. Mais elle a été informée de ce que de nouveaux dossiers ont été introduits par des nouveaux opérateurs sur les mêmes parcelles. Devant cette situation, elle a décliné la procédure et démontré qu’elle ne fait que l’enquête de commodo et incommodo. C’est dans ce cadre qu’elle a rencontré les communautés villageoises qui ont marqué leur embarras devant cette situation. Quant aux jeunes, ils dénonçaient un protocole d’accord qui a été fait à leur insu.
Ils tentaient de déloger l’opérateur au motif qu’il abriterait des hommes armés et qu’en cette période électorale la cohabitation serait dangereuse. Les opérateurs n’ayant pas formulé de plaintes contre les jeunes, elle a classé ce dossier.
Après la mise en place du chantier-école, les espaces restants qui font l’objet de demande régulière au ministère des Mines et de la Géologie ont, selon la préfète, obtenu l’avis favorable, ils ont eu leur autorisation pour travailler. Selon elle, il y avait eu douze dossiers et tous ont été accordés. Mais, ‘’le dossier de celui qui a outrepassé les instructions du ministre a été rejeté’’.
Dans le cadre de l’enquête, le responsable des sociétés ZS Mining, K2M Mining et Mines Ivoire SA, Ouédraogo Ablassé, soupçonné d’avoir eu le coup de pouce du ministre, a, lui aussi, appris qu’il y a eu des ‘’dysfonctionnements’’ au ministère des Mines. « Nous aussi, on a appris tout comme vous qu’il y a eu des dysfonctionnements. Mais moi, en tant qu’opérateur, je ne rentre pas dans ça. Je ne peux pas répondre à ça », a-t-il coupé court. Avant de rejeter, du revers de la main, toutes nos préoccupations concernant le choix porté sur lui en tant qu’opérateur minier national ‘’crédible’’.
En revanche, Coulibaly Ibrahim Pépina est revenu sur le dossier au cours d’une réunion qu’il a organisée à son bureau afin de rattraper ses erreurs. « Il y avait un certain nombre de dossiers qui, malgré cette instruction-là, avaient été réceptionnés par nos services du cadastre .Mais entre temps, des dossiers ont été réceptionnés, ils ont même eu des recevabilités. Et ça, ce sont des dysfonctionnements en interne parce que, c’est moi-même qui ai signé certains de ces courriers, je n’ai pas été vigilant. Il y avait l’instruction du ministre mais comme il y a des centaines de dossiers de recevabilité qui arrivent, on ne fait pas attention. Et voilà d’où est parti ce problème », indique-t-il. Sans nous expliquer les fautes graves commises par les opérateurs qui, après avoir déposé environ 100 millions FCFA dans les caisses de l’État, ont vu leurs demandes rejetées. Est-ce pour avoir ‘’outrepassé les instructions du ministre’’ l’opérateur doit payer cash des documents signés par une direction sous tutelle du ministre ?
Obtenir l’autorisation d’exploitation pour or au ministère des Mines et de la Géologie en Côte d’Ivoire, c’est la croix et la bannière. Et au bout de mille et une acrobatie financière, la décision du ministre peut ruiner l’espoir des opérateurs économiques.
Sériba Koné
Encadré
Les efforts salutaires du gouvernement
Avec la création de la Brigade de Répression des Infractions au Code Minier (Bricm), les opérations de déguerpissement se sont accentuées de 2018 à ce jour, selon le directeur général des Mines. Ainsi, entre 2018 et fin décembre 2019, l’administration des mines a procédé au déguerpissement de 222 sites d’orpaillage clandestin. Puis, de janvier à fin août 2020, un nombre additionnel de 154 sites d’orpaillage clandestin ont été contraints de déguerpir.
« À la fin août 2020, nous évaluons donc à 1459 le nombre total de sites d’orpaillage clandestin détruits depuis 2014, sur l’ensemble du territoire national. Concerne particulièrement la région de l’Iffou, les statistiques relatives aux opérations de déguerpissement font état de 54 sites détruits, dont 7 dans le département de Daoukro », se réjouit le DG.
En rationalisant le secteur de par l’orpaillage, cela permet de s’assurer que l’exploitation minière artisanale et à petite échelle se déroule selon les règles de l’art, en toute légalité et sans incidence majeure sur l’environnement humain et physique. « En un mot, la rationalisation de l’orpaillage permettra de s’assurer, du respect de l’environnement par les orpailleurs autorisés; de la préservation de la santé des populations; des gains fiscaux et financiers pour l’Etat, du développement local au profit des communautés impactées », renchérit Coulibaly Ibrahim Pépina.
Mieux, Brahima Coulibaly, directeur de l’industrialisation minière et du Cadastre minier est fier du cadastre minier qui, est désormais, en ligne. Il donne la situation des demandes et des autorisations à travers le lien : www.flexicadastre.ci.
S. K.
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