[Côte d’Ivoire Dossier] Comment les détenus et les ménages vulnérables ont été assistés pendant la Covid-19
Abidjan, le 18-08-2020 (lepointsur.com) La pandémie de la maladie à coronavirus (covid-19) a impacté la société ivoirienne dans son ensemble, mais bien plus encore les familles à faible revenu ainsi que les différentes prisons ivoiriennes qui n’ont eu leur salut que grâce aux aides gouvernementales, à certaines ONG et personnes de bonne volonté.
En décembre 2019, quand le maire de la commune de Yopougon, Gilbert Kafana Koné, a entrepris une vaste opération d’assainissement de sa commune. Marie-Louise Konan âgée de 50 ans, mère de six enfants, propriétaire d’un débit de boissons à Gabriel-Gare, était loin de s’imaginer qu’elle allait perdre définitivement son gagne-pain quotidien quelques mois plus tard du fait de la Covid-19.
Les démarches entreprises par la dame auprès des autorités municipales pour obtenir réparation, se sont heurtées à une fin de non-recevoir, malgré les moyens financiers décaissés. Comble d’infortune, elle ne fera pas partie des heureux bénéficiaires de l’initiative gouvernementale qui vise à soutenir 177 198 ménages identifiés, à raison de 75 000 FCFA par trimestre, conformément un appui aux familles vulnérables, afin d’atténuer les effets du Coronavirus (Covid-19). «Nous avons perdu beaucoup d’argent lors de notre déguerpissement. Un responsable de la mairie avait promis de nous laisser sur le site moyennant une certaine somme. Nous avions donc levé une cotisation et respecté notre part du deal. Malheureusement, à notre grande surprise, nous avons été tirés de notre sommeil par les vrombissements des moteurs d’engins venus tout détruire sur leur passage, quoique l’opération ait été prévue pour le mois de février 2020 », se plaint l’infortunée Marie-Louise Konan.
Des peines insupportables
Dépossédée et sans moyen financier, elle et ses six enfants n’auront pour planche de salut que les dons offerts par la mairie et certaines ONG aux populations vulnérables de la commune. Leur peine sera d’autant plus insupportable qu’ils ne bénéficieront pas du transfert monétaire de 25 000 F CFA promis par l’État aux ménages, sur une période de trois mois, soit un montant total de 75 000 FCFA. Ce, sur la base de l’identification des informations clés données par un comité de ciblage représentatif de la communauté composés des représentants de femmes et des jeunes, des autorités coutumières et religieuses, des élus locaux, des médias et de la société civile mis en place au niveau de chaque village et quartier pour l’identification des ménages bénéficiaires.
L’opération du transfert monétaire de l’État a été lancée le 23 avril 2020, par la ministre de la Solidarité, de la Cohésion sociale, de la Lutte contre la pauvreté, Mariatou Koné. Selon le gouvernement, cette opération vise ‘’à atténuer les effets de la Covid-19 sur la vie des ménages vulnérables.’’
Invitée à faire le point devant les députés sur l’opération de distribution des vivres et subsides aux couches vulnérables affaiblies par la Covid 19, la ministre Mariatou Koné a révélé que plus de 45 000 ménages vulnérables du district d’Abidjan ont déjà perçu le transfert monétaire de l’État aux ménages. « L’initiative vise à soutenir 177 198 ménages identifiés, à raison de 75 000 FCFA par trimestre, conformément aux engagements du gouvernement d’apporter un appui aux familles vulnérables, afin d’atténuer les effets du Coronavirus (Covid-19) », a précisé la ministre.
Contrairement à la quinquagénaire Marie-Louise Konan, Dame Mireille Kouassi, a été, quant elle, plus chanceuse. Cette célibataire de 35 ans, mère de quatre enfants, vendeuse de boisson frelatée et vivant au quartier Koweit dans la commune de Yopougon, a, en effet, eu la chance de recevoir la somme de 25 000 FCFA. Elle se sent soulagée même si cette somme est loin de résoudre ses problèmes quotidiens et d’assurer le loyer de sa baraque qui coûte 15 000 FCFA par mois et ainsi que la scolarité de ses enfants. « Un vaut mieux que zéro, nos petits commerces sont interrompus à cause de la maladie à Coronavirus. On remercie le gouvernement, parce qu’on peut se débrouiller avec ce peu », déclare-t-elle.
Les efforts des donateurs
En Côte d’Ivoire, au cours de cette pandémie, outre le gouvernement, des milliers de foyers vulnérables d’Abidjan ont également bénéficié d’une initiative commune sous la forme de transferts d’argent et de distribution de kits d’hygiène. C’est le cas du partenariat entre le Programme alimentaire mondial, l’Onusida et la Fondation Magic System, une organisation non gouvernementale œuvrant dans le domaine de l’éducation, de la santé, de l’environnement et de la culture, qui propose des transferts en espèces d’un montant de 51 000 francs CFA (environ 80 €) par foyer pour couvrir les besoins alimentaires sur une période de deux mois. Elle distribue également des kits d’hygiène, des équipements de protection pour limiter la transmission de la Covid-19 et fournit des conseils de nutrition. « Le transfert d’argent m’a permis d’acheter des médicaments pour trois mois et de faire des réserves de riz pour ma famille. Cela m’a donné la force de continuer et j’ai retrouvé le sourire », déclare une bénéficiaire.
« L’Onusida et le Réseau ivoirien de personnes vivant avec le VIH travaillent avec nombre de partenaires : des maires, des organisations non gouvernementales, la Croix-Rouge, des mosquées, des églises, des leaders communautaires, des personnalités des quartiers et des chefs traditionnels. Ces coopérations facilitent l’accès en particulier aux personnes vulnérables vivant avec le VIH », explique la Directrice pays de l’Onusida pour la Côte d’Ivoire, Brigitte Quenum.
« La crise sanitaire force certains foyers à adopter des stratégies alimentaires aux conséquences irréversibles, comme vendre leurs biens ou emprunter de l’argent pour couvrir leurs besoins alimentaires. L’aide alimentaire sous forme de transferts d’espèces renforce la résilience des ménages vulnérables et protège leurs moyens de subsistance. Le transfert d’argent offre la possibilité d’avoir une alimentation variée et équilibrée contribuant à une bonne santé, tout en laissant les bénéficiaires la possibilité de choisir », indique Adeyinka Badejao, représentante du Programme alimentaire mondial en Côte d’Ivoire.
Par ailleurs, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a décidé de venir en aide à la population vulnérable des prisons ivoiriennes, estimée à environ 20 000 détenus dans les 33 prisons.
Selon Steve Ako Tanga, coordinateur des activités de protection pour le CICR à Abidjan, il a fallu renforcer le dialogue avec les autorités dans le cadre de la réponse au Covid-19 en Côte d’Ivoire, particulièrement dans le domaine pénitentiaire. Il l’a matérialisé le mercredi 15 avril 2020, en procédant à la distribution à large échelle de matériel d’hygiène et sanitaire. « Notre soutien matériel et logistique en fait partie, de même que le maintien des droits essentiels des détenus, notamment de leurs contacts avec leurs familles et le monde extérieur », renchérissait-il.
Les populations entre assistance et vaccin Covid-19
À en croire le Premier ministre ivoirien d’alors, chargé du Budget et du portefeuille de l’État, Amadou Gon Coulibaly, selon les prévisions gouvernementales, le Programme social du gouvernement (PSGouv) s’est intensifié en 2019 avec un taux d’exécution de 89,9 %, soit 332 milliards investis sur 369, 5 milliards de ressources disponibles, «ce taux devrait s’établir à 35% en 2020 ».
Par contre, cette aide gouvernementale aux personnes vulnérables a été soutenue par l’élan de solidarité de plusieurs ONG et de personnes de bonne volonté dont le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Dans un communiqué du 17 mars, l’administration pénitentiaire avait décidé de suspendre les visites des personnes extérieures dans les prisons du 18 mars au 16 avril 2020 sur toute l’étendue du territoire national. Elle emboitait ainsi le pas au gouvernement dans la prise de mesures visant à limiter la propagation du coronavirus en Côte d’Ivoire.
La vie a repris progressivement grâce à la levée des mesures restrictives contre la Covid-19, les petits commerces aussi. Mais, aucun vaccin n’ayant été, pour le moment, découvert par les experts scientifiques, le peuple doit faire corps avec les mesures barrières pour éviter d’être l’otage d’une guerre sanitaire.
Le plus difficile est encore devant nous, peut-être pour des années encore. Les derniers points de la situation sanitaire sont certainement flatteurs. Toutefois, sans tomber dans un pessimisme exagéré ou céder à la panique, il faut craindre des lendemains plus sombres, surtout à quelques mois de la présidentielle où aucune mesure barrière n’est respectée.
Les populations les plus vulnérables ont certes été assistées par l’État, les ONG et les personnes de bonne volonté au plus fort de la crise sanitaire, mais leur situation de précarité d’éternels assistés, demeure.
Sériba Koné
Encadré
Les plus vulnérables sans solution
Le Premier ministre ivoirien d’alors, chargé du Budget et du portefeuille de l’État, Amadou Gon Coulibaly, indiquait en février 2020 que le taux de pauvreté en Côte d’Ivoire était estimé à environ 37,2% en 2018 et devrait s’établir à 35% en 2020. « Le taux de pauvreté en Côte d’Ivoire se situerait pour l’année 2018 autour de 37,2% contre 51% en 2011 et ceci en dépit des conséquences socio-économiques de la décennie de la crise politico-militaire », avait déclaré M. Gon Coulibaly face aux journalistes.
Il faut noter que pour faire à la guerre sanitaire de la Covid-19, le gouvernement ivoirien a mis en place un Plan de riposte sanitaire d’un montant de 95 milliards 880 millions de FCFA pour juguler la progression de la maladie et un Plan de soutien économique, social et humanitaire de 1700 milliards de F CFA.
Par ailleurs, dans un communiqué daté du 9 avril 2020, le Conseil national de sécurité indiquait que le Fonds de solidarité d’une dotation initiale de 20 milliards de FCFA de l’État permettrait notamment la distribution de vivres et non vivres en soutien aux populations vulnérables. « Ces plans, bien dimensionnés et adaptés à la structure de notre société, permettent à la Côte d’Ivoire de contrôler cette pandémie et d’accompagner les populations et les entreprises impactées par la crise », indiquait le président Alassane Ouattara dans son discours à la nation du 6 août 2020.
Les populations les plus vulnérables n’ont pas le choix. Elles doivent tendre la main à l’État ou aux ONG pour subvenir à leur quotidien.
Sériba K.